Bernard Dusfour : "Les propos du professeur Chazal me surprennent..."
Président de la commission médicale de la LNR, Bernard Dusfour répond au professeur Chazal, virulent dans ses attaques depuis plusieurs semaines. Il en profite pour défendre le travail de sa commission.
Rugbyrama : En tant que médecin et en tant que membre de la LNR, quelle a été votre réaction au décès du jeune joueur d'Aurillac, Louis Fajfrowski ?
Bernard Dusfour : En tant que médecin, homme et père de famille, c'est énormément de compassion pour sa famille et ses proches. Je leur présente mes plus sincères condoléances, dans ce moment terrible. Perdre un enfant de 21 ans, il y a difficilement plus horrible. Je pense aussi au club d'Aurillac qui perd un joueur et un ami. Enfin, au club de
Montpellier et son centre de formation, qui a fait grandir ce joueur et l'a amené au plus haut niveau. Tout le monde, dans ces instants, est très peiné.
Et la réaction du président de la commission médicale de la LNR?
B.D. : Nous faisons tout pour que ça n'arrive pas et, malheureusement, c'est arrivé. Ça me peine tout autant dans ma fonction professionnelle. Je tiens toutefois à rappeler qu'on ne sait pas encore ce qu'il s'est passé, dans le cas du décès de Louis Fajfrowski. Tant que nous ne serons pas en connaissance des résultats de l'autopsie, difficile d'en dire plus. Je ne m'y risquerai pas.
Si le lien entre le choc subi sur le terrain et le décès est établi, cela sera-t-il un tournant dans l'histoire moderne du rugby ?
B.D. : Oui, ça sera un tournant dans l'histoire de notre sport. Ce sera un événement important comme pour d'autres sports, qui connaissent également des morts comme l'alpinisme ou le canonying.
On parle là de sports extrêmes, qualifiés de sports à risques...
B.D. : A aucun moment la Ligue n'a nié que le rugby était un sport à risque. Si la commission médicale existe depuis des années, c'est qu'on est conscient de cela. Si nous avons créé, plus récemment, le grenelle de la santé des joueurs de rugby, c'est parce qu'on voit que les risques vont en augmentant. Aujourd'hui, il y a beaucoup de travail, de réflexions autour de la commotion cérébrale qui sont menés. Il faut avancer, encore, sur ce sujet, comme nous avons avancé par le passé sur le problème du rachis cervical. Avec les résultats que l'on sait sur cet aspect. Même si nous n'avons pas passé nos journées à communiquer dessus. Au passage, si à chaque fois qu'on fait quelque chose au sein de la commission médicale, il faut qu'on en parle aux médias de façon puissante, on va y perdre du temps. Mais puisque d'autres le font, nous le feront aussi.
Fa
ites-vous là allusions aux propos récents du professeur Jean Chazal ?
B.D. : Oui. Les propos du professeur Chazal me surprennent. Surtout en ce moment. De notre côté, dans un premier temps, nous avions décidé de ne pas communiquer, ou de manière minimaliste pour présenter nos condoléances. Le temps de la polémique viendra mais, pour l'instant, c'est celui de l'émotion. Il faudrait tout de même songer à respecter le deuil de la famille et des proches. J'aurais préféré m'en tenir à cette position et ne pas avoir à m'exprimer.
Pourquoi, alors, le faites-vous ?
B.D. : Monsieur Chazal se répand beaucoup, actuellement. D'abord, quand il dit qu'on l'a congédié, c'est faux. Il faisait partie d'un panel d'experts, avec le professeur Decq et le docteur Scherman. Comme les autres, il a eu l'occasion de s'exprimer. Ensuite, il y a eu un travail en commission, dont il ne fait pas partie. Il ne peut tout de même pas être exclu d'une commission à laquelle il n'appartient pas ! De la même manière, quand il dit qu'il n'a jamais vu Paul
Goze aux réunion de l'observatoire, c'est encore faux. Par exemple : monsieur Goze était là aux réunions de synthèse, en fin d'année. Il a participé à tous les débats de la journée, de 9h à 18h. Monsieur Chazal était présent aussi. Comment peut-il dire l'inverse aujourd'hui ?
Ensuite ?
B.D. : Dire qu'on ne fait rien, c'est faux et je ne peux pas le laisser dire. Il y a de nombreux sujets sur lesquels on travaille et on avance. Tout n'est pas parfait, je ne dis pas cela. Mais dire que le rugby est sous-médicalisé, par exemple, ce n'est pas acceptable. Quand on discute avec les autres ligues et fédérations, on voit bien qu'on est le sport le plus médicalisé. Et celui qui fait le plus d'efforts dans ce secteur.
Ce qui ne suffit pas à endiguer les blessures graves...
B.D. : Quand on lance le grenelle de la santé, c'est bien qu'on constate une évolution du rugby. Mais il y a des actions efficaces qui sont menées. Par exemple : en 2016-2017, ce sont 102 commotions cérébrales qui ont été officiellement diagnostiquées. C'est à dire à J+2 et par des neurologues. L'année qui vient de s'écouler, ce sont 91 commotions de diagnostiquées. Ce n'est pas idyllique, je ne dis pas cela, mais l'orientation est dans le bon sens.
Quoi d'autre ?
B.D. : L'an dernier, nous avons aussi mis en place un système de vidéo-surveillance des commotions cérébrales. Vous le savez, notre ennemi absolu, c'est le joueur commotionné qui reste sur le terrain, car non-détecté. Sur la phase aller du Top 14, quand la vidéo-surveillance se mettait en place, nous avons enregistré 16 joueurs dans ce cas. Sur la phase retour, quand le système était rôdé, seulement 9. Une diminution presque de moitié. Autre chose : il y a désormais un médecin urgentiste au bord de chaque match de championnat. Tout cela, c'est la commission qui l'a mis en place. Alors, on ne fait rien ? Ce n'est pas parfait, je le répète. Mais des actions sont menées et portent des fruits. La Ligue nationale de rugby est volontaire pour assumer le coût de tous ces dispositifs essentiels. Et même les renforcer, demain.
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