L’APOCALYPSE N’A PAS EU LIEU
En cette période des fêtes de fin d’année désormais toute dévolue au rugby, l’USAP se trouvait ramenée aux réalités délicates du championnat dans un contexte très particulier, quasiment un climat de fin du monde. Bien sûr, la farce maya-bugarachoise avait pris fin la veille, mais il n’empêchait que le derby revêtait pour notre équipe un poids pour ainsi dire vital. D’abord, sportivement, l’USAP n’avait absolument pas le droit à l’erreur pour finir la phase aller au contact de cette tant espérée qualification pour la H Cup. Ensuite, bien sûr, pour commencer à solder les comptes avec notre voisin, qui n’a jamais autant affiché la volonté de devenir la lumière du rugby régional, avec un président désormais prêt à lâcher le nombre de la Bête avec beaucoup de zéros derrière. Le départ annoncé de notre Bus et symbole en est la manifestation la plus cruelle, et l’occasion pour des prophètes Philippulus de tout poil de prédire la fin de l’USAP, damnée sur l’autel du nouveau rugby et subissant le châtiment financier, et bientôt tout juste bonne à rôtir dans les profondeurs, retrouvant les Narbonne, Béziers, et pourquoi pas Lourdes ou Céret… Ces prophètes de malheur pourraient faire sourire s’ils n’étaient pas gentiment relayés par une presse ne cessant de mettre le doigt sur nos finances exsangues (il est vrai que le MHR est un modèle de gestion équilibrée depuis quelques années…), et pour partie pas mécontente de la perspective de ne plus trop descendre au sud de Montpellier. Blague à part, l’USAP se trouvait à un tournant de sa saison, et elle devait montrer, au moment de la pesée des âmes, qu’elle avait encore ce supplément qui en a bien souvent fait un club à part, capable de rivaliser avec des bien plus fortunés qu’elle. Et pour cela, elle pouvait enfin compter sur son équipe-type au grand complet, un très beau XV arborant le maillot CX des 110 ans d’un des trois seuls clubs n’ayant jamais quitté les hautes sphères du rugby français depuis son assomption. Il ne restait alors qu’un ingrédient, et celui-ci entourait le stade : le public catalan, un peu tiède ces derniers temps, devait refaire d’Aimé-Giral le volcan qui pouvait faire passer nos joueurs pour les Cavaliers de l’Apocalypse. Sur ce plan, on pouvait être rassurés, la bronca infligée aux Montpelliérains donnait le ton d’une ambiance des riches heures d’Aimé-Giral. Nos adversaires étaient prévenus, mais n’étaient pas là pour plaisanter, ayant pu faire tourner en H Cup, même si la suspension du terrible Magogodze amputait les forces du chaos septimanien de leur arme la plus redoutable…
Dès l’entame, on sentait que le climat évoquerait plus le réchauffement climatique et les craintes qu’il inspire que les frimas hivernaux. Une première faute montpelliéraine nous amenait à assiéger le camp adverse, avec un de ces grands mouvements dont notre équipe a le secret cette année, conclu, comme un peu trop souvent, par une passe un peu hasardeuse, mais fort heureusement sans conséquence. C’était alors le moment pour les deux packs de se jauger façon tectonique des plaques, à coups de ces mêlées si chères au coach adverses, mais aussi de rudes affrontements au contest, où les deux troisièmes lignes commençaient à se livrer un duel tellurique. La plaque catalane prenait le dessus sur la plaque septimanienne dans un premier temps, mais celle-ci répliquait rapidement, et si ce choc ne donnait pas naissance à des sommets rugbystiques himalayens, il y avait largement de quoi vibrer, entre un Mas diminué mais ne lâchant rien au point de se frictionner avec son vis-à-vis caucasien, ou un Guiry tenant la dragée haute à un Fufu Ouedraogo pourtant habitué jusqu’à son prénom à faire frapper la foudre sur les regroupements. L’USAP essayait de mettre la main sur le ballon, mais devait faire attention à ne pas commettre ce pêché de gourmandise qui lui a déjà coûté cher cette année, les Montpelliérains, leur tornade fidjienne Nagusa en tête, étant capable d’abattre l’édifice catalan en deux ou trois passes. Cependant, c’est bien l’USAP qui allait déclencher le premier tsunami du match, quand un banana kick hasardeux d’un François Trinh-Duc bien peu inspiré samedi donnait un ballon de contre-attaque qui eût été parfaitement négocié si le petit coup de pied de Florian Cazenave n’avait pas été contré. Deuxième tentative, avec une belle combinaison qui mettait notre Tauma
o sur orbite, mais butait sur la digue montpelliéraine. Enfin, la troisième vague engloutissait la défense ciste, avec une magnifique lecture de la ligne héraultaise par un excellent Cazenave, donnant à Guiry un essai ô combien mérité. Cela dit, le bonheur n’était pas complet, l’USAP ayant perdu sa tour de contrôle, lâchée par un genou qui signifiait, à défaut de fin du monde, la fin de sa saison… L’USAP conservait son avantage à la pause, mais perdait une nouvelle poutre, Sona Tauma
o se prenant la cheville dans une faille et devant rester aux vestiaires. L’USAP tenait bien son match, et c’était Fabien Galthié qui manifestait des signes d’énervement assez peu dignes d’un prophète du rugby de son niveau…
Le second acte démarrait par un éclair montpelliérain, suite à un renvoi où l’absence d’Air Charteris se faisait durement ressentir, mais comme souvent dans ce match, la maladresse des Languedociens les empêchait de submerger une défense catalane vaillante, mais où les digues ne sont pas encore complètement sûres… Cependant, c’était à nous de déferler sur le camp montpelliérain. Et après un avertissement sans trop de frais conclu par une pénalité d’un James Hook retrouvé à son meilleur niveau (comme quoi, quand la charnière ne grince plus, tout est plus simple…), le cyclone USAP allait abattre la défense montpelliéraine par une des plus belles actions de la saison : sonde lancée au pied par Hook et récupérée par notre Farid national, accélération au large, et merveille de chistera de Mafi pour Romain Taofifenua qui faisait s’ouvrir la mer montpelliéraine, avant que son « petit frère », aussi prometteur que lui, ne finisse le travail. Aimé-Giral était en fusion, le trou était fait, même si James ratait son coup de pied « réglementaire », et on aurait pu croire que le MHR allait sombrer dans les limbes de ce match. Mais nos adversaires ne sont pas du genre à accepter leur sort, et leur réplique ne tardait pas, sur ces ballons portés contre lesquels nos joueurs ont tant de mal à défendre, surtout quand le pack est diminué et fatigué. Figallo envoyait ainsi un signal à son futur concurrent et remettait le navire bleu foncé à flot, juste avant que notre futur ex-Bus ne sorte sous les applaudissements d’un public qui, on l’espère, n’aura jamais le front de le huer, mais pour qui l’idée de le voir l’an prochain avec ce maillot à la fleur de ciste sonne comme la fin d’un monde… Noël approchant, venait alors le temps des échanges : échanges de pénalités d’abord, qui maintenait l’avance de nos joueurs, échange de marrons entre les talonneurs et échange de cartons par M. Berdos. L’orage grondait, mais l’USAP avait plutôt tendance à maîtriser cette fin de match, manquant par deux fois d’établir le Jugement dernier de la partie, avant que le pied de notre cavalier gallois ne le scellât d’un maître drop. La fin du match pouvait se faire en communion avec le public, l’USAP ayant réalisé une performance pleine face à un adversaire toujours difficile à jouer, bien que trop maladroit et à la charnière trop peu présente dans le jeu.
Finalement, la fin du monde n’a pas eu lieu, et l’USAP a su rappeler à tout le monde qu’elle n’avait pas vocation à laisser son siège parmi les Élus du rugby français, à l’échelon national comme régional. La phase aller se termine sur un bilan plutôt équilibré, même si la défaite inaugurale contre Toulon, et plus encore les échecs si frustrants du côté de Bordeaux, Paris ou Grenoble laissent des regrets importants. Mais n’oublions pas à quel point l’équipe a été chamboulée à l’inter-saison et l’est encore aujourd’hui, la grande phase d’extinction des espèces du titre de 2009 ne faisant que continuer cette année. Il faudrait du temps, et l’USAP n’en a pas, comme elle n’a pas beaucoup de chance non plus, les graves blessures de Tauma
o et surtout de Charteris, à qui la penya souhaite un courage aussi grand que sa taille et que son apport au jeu usapiste, le prouvent encore une fois… Mais les bases d’un jeu complet et séduisant sont là, même si l’équilibre est parfois dur à trouver. Mais peut-être plus encore que la victoire euphorique contre les Toulousains à Barcelone, ce match rassure quant à la capacité de notre équipe à gérer une partie difficile, et à s’imposer sans avoir particulièrement tremblé, face à des Montpelliérains qui étaient clairement venus pour nous enfoncer, la montée des eaux financières du rugby français risquant de ne laisser la place que pour un club d’élite dans la région… Mais l’USAP a montré au fil des années qu’elle savait s’adapter, et que les fantasmes millénaristes n’avaient pas de prise sur elle. La performance majuscule de Bertrand Guiry, qu’on voit déjà avec le brassard, montre que les joueurs passent, se succèdent mais que l’équipe reste au dessus de tous les individus. Tant que cet état d’esprit gouvernera l’USAP, l’apocalypse ne sera pas pour demain. Et même si le prochain déplacement à Toulon pourrait y ressembler, l’USAP doit y aller pour donner le maximum, chaque point comptant, et sachant qu’elle a souvent été plus à l’aise contre les grosses cylindrées cette saison.
Mais en attendant, ne boudons pas ce beau cadeau que l’équipe nous a fait, et profitons des fêtes avec l’esprit rassuré sur notre club chéri. En attendant, Els de P@ris vous souhaite le meilleur pour ces fêtes de fin d’année, et pourquoi pas un petit point du côté de la Rade (et plus si affinités, même si certains esprits chagrins diront que c’est croire au Père Noël...) !
BON NADAL A TOTS !