Conséquence du naufrage sportif, le président Rivière se voit de plus en plus contesté au sein du conseil d’administration, où il est plus isolé que jamais. Des voix réclament son départ. Gros malaise à l’USAP.
Hiver meurtrier à Aimé-Giral. Pim, Pam. Agen pour tirer deux balles dans les jambes (20-13), Toulon qui achève la bête (24-11), et voici Perpignan mort-né en Top 14, avec une victoire en bandoulière et la place de lanterne rouge de tous les records au bout de dix-huit journées de compétition. Sur le terrain sportif, l’échec est total, amplifié par le risque d’un profond traumatisme. « Le président est un as de la communication. Alors que tout s’effondre, pas d’inquiétude, il fait grand soleil sur l’USAP », s’indigne un ex du premier cercle. [NB : au vu de l’air du temps, L’Indépendant va encore être taxé par certains lecteurs d’« anti-Rivière ». Précision utile : une fois le sceau du secret garanti, la dizaine d’actionnaires que nous avons contactés a sauté à table à pieds joints.]
Car en coulisses, le navire fuite dangereusement, conséquence d’une saison où la gouvernance de François Rivière est arrivée « au bout de sa logique », selon une majorité des actionnaires du club. Trois mois sans espoir, c’est long et, dans le contexte de crise naissante qui chahute l’USAP en cette semaine de vacances, le temps a visiblement ses limites. « C’est l’hémorragie, il ne reste presque plus personne au conseil d’administration. On ne peut pas continuer comme ça », s’alarme un actionnaire influent.
Après Jean-Michel Meyrieu (McDonald’s), « démissionné » par « FR » avant la défaite de dimanche (11-24) contre Toulon, Jacky Loos (Host § Vinum) a, lui, décidé de jeter l’éponge en début de semaine. Nommé vice-président du club, ce dernier se retire moins de deux ans après son arrivée. Ces absences font écho aux départs des « historiques » Athaner (bâtiment) et Vaills (transports) il y a plus d’un an, du bras droit de toujours Luc Lacoste en novembre 2017, sans oublier les vraies-fausses arrivées dans le capital financier des groupes Saint-Gobain, Eiffage et Webedia, imprudemment officialisées par le patron-mécène des sang et or.
« FR » cristallise sur sa personne égotique la défiance des investisseurs
Un constat : malgré « l’attractivité de la marque USAP », François Rivière est un homme seul, qui cristallise sur sa personne égotique et son manque d’action la défiance des investisseurs. Une nouveauté : il est de plus en plus contesté en interne, illustration d’un CA aussi dépeuplé que divisé. « Le paradoxe, c’est qu’il a déboursé 10 millions d’euros dans le club alors qu’il en a été le pire dirigeant. Le salut de l’USAP ne peut venir que du départ de François Rivière », ose affirmer “officiellement en off” un opposant virulent. « Il ne comprend rien, il parle trop et multiplie les erreurs. Il n’inspire plus confiance », déplore un autre. « En vérité, il ne se passe pas grand-chose à l’USAP depuis qu’il est là »,couronne un déçu de la dernière heure.
Tous déplorent amèrement : après cinq ans et demi de mandature, l’héritage de François Rivière se limite à une remontée en Top 14, deux relégations en Pro D2, à la création d’une salle de presse, d’un salon bodega remplaçant l’ancienne brasserie et du « Mur des Légendes » honorant l’entrée du stade Aimé-Giral. Le reste du magot s’est envolé dans les prud’hommes et les déficits structurels de fin de saison.
Mais il y a beaucoup plus inquiétant aux yeux des actionnaires : le grand projet de centre d’entraînement et de formation, promesse d’un nouvel Eldorado pour les Catalans, ne semble pas prêt de voir le jour en raison de son coût exorbitant, fixé à plus de 53 millions d’euros. « C’est totalement surréaliste. Ils ont voulu le plus beau machin du monde sans en avoir les moyens », s’insurge un sponsor principal.
Au centre des reproches figure la triplette Rivière-Sylvain Deroeux-Denis Navizet, en charge du dossier. Confiés au Lyonnais Eric Mérand (Advise consulting), directeur de la construction du Grand Stade de l’OL, les plans du futur centre de formation sont sortis des tiroirs mais, in fine, pour quel financement ? Or, de la solidité de ces investissements dépend l’avenir triennal de l’USAP, où l’effectif actuel s’est juré fidélité dans l’espoir que le club s’émancipe enfin de l’amateurisme. Friture en perspective sur la ligne.
« Qui va combler les trous si le président s’en va ? »
« Ils me font rire tous ces mecs qui veulent diriger à la place du calife juste parce qu’ils foutent trois ronds dans les caisses », juge un habitué des crises. « On va se voir lundi, il faut absolument tout remettre à plat », insiste l’un des rares défenseurs de « FR ». Et de recadrer le débat : « Rivière est comme il est, on le savait, maintenant il faut assumer. Même s’il a fait des conneries, il a mis dix millions, respect. Il paye, donc il gouverne, c’est logique. Perso, l’USAP me coûte 300 000 euros, et c’est beaucoup. Qui va combler les trous s’il s’en va ? »
Tel est le dilemme majuscule soulevé par les tenants du statu quo. Crier au loup est une chose, s’en affranchir en est une autre. Ainsi dévoilée, la fronde souterraine exprimée par une partie des membres du CA ressemble pour l’instant à un coup d’épée dans l’eau, faute de candidat ouvertement déclaré à la succession et, tout simplement, d’un projet alternatif crédible n’existant pas à l’heure actuelle. « Rivière est actionnaire majoritaire (68 %), par fierté il voudra s’accrocher au poste », prédit un fidèle partenaire. Mais le réveil des sponsors principaux, sortis de leur éclatante discrétion après s’être confortablement abrités derrière les millions du patron, n’est jamais anodin à l’USAP. Douze ans après la guerre Paul Goze-Marcel Dagrenat fatale à ce dernier, personne ne sait encore si l’histoire est capable de bégayer au point de « dégager le président ». En attendant la riposte du patron, qui devrait intervenir lundi lors d’une réunion de crise exceptionnelle, une chose semble certaine : l’influence nouvelle revendiquée par les contestataires porte en elle un ras-le-bol général que « FR » se doit de déminer de toute urgence. Alors que le budget déficitaire de juin devrait une fois de plus dépasser le million d’euros, le futur de l’USAP se conjugue au conditionnel. Commentaire assassin d’un anti-Rivière. « L’an dernier, la communication du club était axée sur l’idée qu’il fallait remettre l’USAP à sa place en Top 14, que la Pro D2 était une anomalie. Or, là, on vient de démontrer le contraire. Avec ce président, la vraie place de l’USAP est en Pro D2. » Poum.
La réponse de François Rivière
Réaction François Rivière, président de l’USAP S’il n’a pas répondu à nos sollicitations préalables à la publication de l’article à lire en page précédente, François Rivière, président de l’USAP, a réagi hier soir sur son compte Facebook. Voici son communiqué en intégralité.
“Chers amis supporters et partenaires de l’Usap. L’Indépendant annonce ce soir (hier, ndlr) un dossier concernant l’Usap pour lequel bien évidemment j’ai été prévenu qu’aujourd’hui (hier), alors que je suis au repos complet quelques jours. Au-delà du procédé, lamentable, je tiens d’ores et déjà à vous rassurer par les points suivants :
- il n’y a pas de crise de gouvernance à l’Usap
- j’ai demandé en effet à certains administrateurs de me remettre leur démission car je souhaite faire évoluer le conseil d’administration de L’Usap. Je les remercie de leur présence au conseil depuis toutes ces années.
- il n’y a aucune réunion extraordinaire de programmée lundi au Club
- que pour certains je puisse apparaître comme le bouc émissaire de la situation sportive de l’Usap est inutile car cela ne peut qu’affecter le Club.
- j’en ai assez de ces critiques permanentes.
- que cherchent quelques personnes ? À me faire partir et à prendre le pouvoir ? Sont-ils prêts à l’assumer financièrement et personnellement comme je le fais depuis 5 ans ?
Je les rassure, je suis lassé de ces querelles qui me font perdre trop de temps et d’énergie. S’ils veulent les clés du club je les leur remets volontiers en leur demandant de me rembourser à peine 50 % de ce que j’ai investi au club ! Et je repartirai comme je suis venu.
- j’ai la passion du Club, de ses supporters, et de notre territoire. Mais j’en ai assez de ces critiques de gens qui regardent et au fond ne font rien pour le Club. Dernier point, très important, je vais maintenant dire réellement ce que je pense et ce à quoi je crois pour notre Usap. Contrairement à quelques critiques les sujets avancent et avancent bien, comme ont avancé il y a deux ans le réaménagement des espaces vidéo et sportifs d’Aime Giral, ou l’an dernier la création de l’aire d’entraînement du Parc des Sports (financés entièrement par moi-même). Mais j’estimais qu’il ne fallait pas intervenir avant la fin de la saison pour protéger avant tout les joueurs et le staff sportif qui ont toute ma confiance.
Nous savions que ce serait très dur, comme cela l’a été pour d’autres clubs avant nous. On va y travailler, corriger les points qui doivent l’être et revenir plus forts. Que certains profitent de la situation pour faire parler d’eux est tellement regrettable. Merci infiniment de votre confiance.”