À MOITIÉ VIDE ?
« Malgré des événements contraires en rafale, qui feraient passer le plus grand poissard de la terre pour un gagnant de l’Euro Millions, l’USAP, bien que tanguant encore sévèrement sur ses bases, a réussi à arracher une victoire méritée chez un promu Grenoblois invaincu chez lui depuis un an et demi, et ce en faisant l’essentiel du jeu, les Isérois ne pouvant s’appuyer que sur les fautes catalanes encore trop nombreuses. Cependant, avec un bilan équilibré de 4 victoires et 4 défaites, et au vu des résultats des adversaires de notre équipe pour le Top 6, on ne peut qu’envisager l’avenir avec optimisme pour cette équipe en construction, alors que se profile une quinzaine européenne qui s’annonce plus reposante. »
Voilà ce que votre serviteur avait dans la tête quand, menant au score, l’USAP tenait la balle dans le camp isérois à 2 minutes de la fin. Mais une trop grande expérience de son équipe le faisait encore s’imaginer on ne sait quel coup de Trafalgar, qui arriva sous la forme de cet improbable essai de 80 mètres qui ruinait nos espoirs de victoire à l’extérieur, une nouvelle fois… Depuis le début, avec l’USAP à l’extérieur, on a l’impression d’être le personnage de Bill Murray dans le film « Un jour sans fin », qui revit sans arrêt la même journée…
Cela commence avant le match, avec les désormais rituelles tuiles de la semaine. Cette semaine, en bonne place, au milieu des convalescents qui ne reviennent jamais, la lourde blessure de notre vice-capitaine au poignet, qui nous prive d’un des rares leaders qui nous restait, et qui, malgré sa propension excessive au coup de pied malvenu ou à la passe en touche, reste un indispensable régulateur de notre ligne d’attaque. Et, face à une équipe de Grenoble qui ne perd jamais à domicile et brille notamment par la qualité de sa paire de centres, cela rendait la mission à venir impossible. Remarquez qu’on aurait pu voir les choses ainsi :
« Les tuiles qui s’accumulent sur l’équipe ont tendance à la souder encore plus, comme le match à Clermont l’a montré. De plus, Piukala a donné satisfaction et Gavin reste un excellent couteau suisse du milieu du terrain, notamment en défense. Enfin, plusieurs cadres se sont reposés le WE dernier, et Grenoble est un promu qui a quand même bénéficié d’un calendrier favorable. Tous les espoirs sont donc permis pour se positionner idéalement avant la trêve européenne où on pourra bien faire souffler les cadres ». Tout ça pour dire qu’on n’était pas très avancé au moment du coup d’envoi, dans ce stade Lesdiguières plein comme un œuf que l’USAP n’avait pas fréquenté depuis un bon moment.
Le coup d’envoi donné, le match se déroulait comme on en a l’habitude depuis le début de saison.
« L’USAP démarrait pied au plancher, par de longues séquences dynamiques, qui permettaient très rapidement de mettre les Grenoblois sous pression. Hélas, la réussite n’était pas au rendez-vous, alors que les Grenoblois essayaient de répliquer, notamment sur des phases statiques et de ballon portés, ce qui leur valait plusieurs pénalités que leur buteur convertissait sans coup férir. Cependant, malgré cette malchance qui nous colle au pieds comme un mauvais chewing-gum, l’USAP ne cessait d’entreprendre et, malgré le carton jaune de Strokosch évitant sur le coup un essai, recollait au score par deux buts de notre James Hook retrouvé au tir, et finissait la première mi-temps avec seulement trois points de retard, et une dynamique qui laissait penser que la suite permettrait d’user et de déposer des Isérois paraissant fatigués en fin de premier acte ». On pouvait évidemment voir les choses autrement. Soucieuse de mettre en place son jeu porté sur le mouvement, souci renforcé par le manque de puissance de notre pack diminué, l’USAP se jetait dans le jeu, avec les ballons que lui assurait sa touche transfigurée par la présence de son géant gallois. Cependant, la multiplication des fautes de main gâchaient nombre d’actions, comme cet en-avant d’Adrien Planté tout près de la ligne, et donnaient l’impression que l’USAP mettait la charrue avant les bœufs, en continuant à jouer au lieu de prendre les points de deux pénalités en bonne position, ou en voulant relancer à tout va, y compris dans nos 22 mètres. A ce jeu, Florian Cazenave avait du mal à garder la tête froide, entre son improbable jeu avec Tauma
o mettant Guiry à la faute, son aussi improbable relance solitaire débouchant sur un coup de pied raté nous mettant sous pression plus que de raison, et nous coûtant force pénalités et un carton jaune. Pourtant, dès que l’USAP parvenait à enchaîner des temps de jeu, on sentait bien que Grenoble soufrait, d’autant que les choses avaient l’air de se tenir mieux que d’habitude en mêlée. Du coup, l’USAP, avec toutes ces fautes évitables, se retrouvait à simplement trois points de Grenoble, ce qui laissait des regrets, mais permettait d’espérer, même si on gardait dans la tête que nos garçons avaient du mal à finir leurs matches.
« À l’entame du second acte, on sentait cependant nos joueurs bien dans le coup. Profitant de leur supériorité aérienne, nos joueurs continuaient à essayer de relancer et de produire du jeu, avec en premiers attaquants le vif Richard Haughton, et un Farid Sid avec des fourmis dans les jambes, relayés par une troisième ligne très active et un Sione Piukala prenant un malin plaisir à déchirer la ligne de défense grenobloise. Bien sûr, tout n’était pas parfait en termes de discipline, et l’USAP concédait beaucoup trop de points, ainsi qu’un carton jaune pénalisant pour son gaucher tongien, mais on sentait notre équipe prendre l’ascendant sur le jeu, et ces efforts finissaient par être récompensés par James Hook, à la conclusion d’une touche volée suite à un très bon jeu au pied, scorant l’essai tant attendu et recevant en cadeau bonus une pénalité et un jaune pour un gros plaquage à retardement de la poutre sud-africaine du pack isérois. Malgré le sursaut d’orgueil des locaux, l’USAP reprenait le score grâce à un coaching gagnant en 2e ligne et paraissait gérer cette fin de match à son avantage ». Bien sûr, tout n’était pas si rose avant cette fatale 78e minute : dès le début du second acte, l’USAP faisait autant de fautes qu’elle produisait de jeu, et notre 5 de devant commençait à sérieusement fatigué, d’autant qu’il était abandonné par son colosse tongien, un peu trop sanguin sur ce coup. Ainsi, on revoyait tous ces matches où l’USAP faisait le yo-yo avec la table de 3, revenant, puis laissant à nouveau 6 points, puis revenant. Et même si le combo essai-pénalité-jaune permettait d’espérer, il était rapidement tempéré par les terribles limites de notre banc et de notre bulbe, entre un pack chahuté et pénalisé en mêlée et sur les mauls alors qu’il manque au pack Grenoblois un de ses avants les plus lourds, et un jeu au pied en milieu de terrain, refusant les touches où nous sommes à l’aise et rendant le ballon à notre adversaire alors que nous étions en supériorité numérique, avec en point d’orgue ce coup de pied direct en touche de l’entrant Armand Batlle nous valant une pénalité heureusement non convertie. Et si la rentrée de Vahaamahina donnait le coup de pouce nécessaire à nous faire passer devant, c’était avant cette hallucinante dernière action, où, entre un David Mélé s’affolant et rendant le ballon à nos adversaire, des Grenoblois jouant le tout pour le tout, profitant notamment d’un placement plus qu’approximatif de notre ailier entrant, allaient nous coller cet essai de 80 mètres que nous sommes peut-être les seuls à être capables d’encaisser… La dernière action confirmait cette impression d’avoir vu trois fois le même match à l’extérieur, et le goût amer d’une défaite qui n’aurait jamais du nous échapper.
Finalement, qu’est-ce qui a empêché votre serviteur, une nouvelle fois, de vous servir la fin qu’il avait préparée au début de cette chronique. Pas la peine de répéter, dans le désordre, les lacunes de cette équipe en puissance, en mêlée, dans le jeu au pied et dans la gestion du jeu, notamment au poste de 9. Mais on ne peut pas enlever à cette équipe son enthousiasme, sa volonté de (trop ?) jouer, ses mouvements de classe et son unité face à une adversité qui commence à devenir lassante. L’USAP n’est absolument pas décrochée dans la course aux places qualificatives, mais la façon dont elle a perdu ses trois matches à l’extérieur donnent une image compliquée.
D’un côté, une équipe en chantier mais malchanceuse, à qui il ne manque vraiment pas grand-chose pour enchaîner les victoires et qui n’a pas grand-chose à envier à ses concurrents directs au Top 6 (que ce soient le BO, le CO, le Racing, Montpellier…), si seulement elle était en possession de ses cadres. De l’autre, l’image d’une équipe immature, qui semble trop fragile sur les fondamentaux, ainsi qu’à certains postes-clé (ce qui ramène à l’effectif et à sa gestion depuis le titre…) et semble vouloir fignoler les finitions avant d’avoir assuré les fondations, qui sont en Pays catalan beaucoup plus terre-à-terre que l’ambition aérienne que cette nouvelle USAP veut construire. Quoiqu’il en soit, on n’a que trop répété cela : certains verront le verre USAP à moitié plein, d’autres (peut-être plus nombreux) à moitié vide, mais il est inutile de pleurer sur le lait renversé. Cette équipe a les moyens de briller, la chance va forcément tourner, et les deux semaines de trêve européenne vont permettre à tout le monde, chroniqueur compris, de recharger les accus. Deux belles victoires sont attendues, avant de défier le Racing, contre qui il faudra impérativement rajouter de l’eau à notre moulin !