François Rivière au parloir. Le président de l'USAP décrypte tous les dossiers chauds du club.
Après les signatures de Potgieter, Mach et Boutemani, quand le recrutement de l’USAP sera-t-il terminé ?
"Il est quasiment bouclé. On a fait une proposition à Jean-Bernard Pujol, la balle est dans son camp. Il y a le cas Juandre Kruger : le sportif a clairement affiché sa volonté de le récupérer pour renforcer l’équipe. On est en négociation financière afin de respecter l’équilibre de notre masse salariale. Il y a enfin un sujet possible, peut-être à l’aile, en fonction de l’évolution d’Alipate Ratini d’ici la fin de la saison."
Vous garderez Ratini ou recruterez un autre ailier ?
"Non. Il y aura Pujol ou Pujol et un autre, qui peut être Ratini. L’option N.1, c’est Pujol."
Et en 2e ligne ?
"On a fait signer le Néo-Zélandais Eru Shahn (Bay of Plenty). On compte sur lui et Kruger pour rejoindre Millo-Chluski et Vivalda. Un joueur des Espoir complétera l’ensemble."
Avez-vous des nouvelles du 3e ligne d’Agen Sione Tau (pris dans une affaire de dopage, il est soumis à la décision de l’AFLD) ?
"Nous n’avons aucune info particulière. À l’heure qu’il est, nous considérons qu’il démarrera le 1er juillet avec nous. Ce dossier ne m’inquiète pas car il ne concerne pas un poste sur lequel on est en difficulté. S’il devait ne pas venir, compte tenu de la blessure de Bachelier, on pourrait envisager un joker médical."
Bref, un recrutement ciblé mais quantitativement faible.
"On a augmenté notre masse salariale de 10 % (de 3,2 millions d’euros à 3,5 M€). On repart sur une vraie ambition. Idem pour les moyens donnés au sportif, puisque le secteur de la préparation physique bénéficie lui aussi d’une augmentation de 10 %. De mémoire, notre effectif comptera trente-et-un joueurs pros et une bonne douzaine de joueurs du centre de formation. C’est la première fois depuis des mois que l’USAP a les moyens sportifs et financiers d’être cohérents. On est le premier centre de formation de Pro D2. Les jeunes doivent être encadrés par des joueurs de talent comme Millo-Chluski ou Acebes."
Ne pensez-vous pas subir certaines erreurs de recrutement depuis 3 ans ?
"Je ne sais pas, c’est toujours difficile... Quand on est descendus en Pro D2, il a fallu faire accepter des baisses de salaires importantes, qui ont permis de sauver le club. Ces baisses ont parfois été consenties en fonction de la durée du contrat. Était-ce une bonne idée ou pas ? Je ne vais pas refaire le passé. Ce qui est vrai, c’est que cette année et l’an prochain, le départ de joueurs à haute rémunération nous redonne des marges de manœuvre."
En quatre ans, vous avez injecté dans l’USAP 7 M€ de votre poche. Pourquoi ne vous adossez-vous pas à une grosse entreprise ?
"Mais je m’adosse déjà à 250 entreprises. On a fait le choix du territoire en essayant d’attirer le plus de partenaires locaux possibles. Cette année, 40 entreprises supplémentaires sont entrées dans le portefeuille commercial du club. En l’occurrence, le sportif tient le commercial en l’état. Ça veut dire que si nous remontons en Top 14, évidemment que des signatures nationales ou internationales arriveront facilement."
Attirer un grand sponsor parisien, « une chimère » ont rétorqué vos prédécesseurs...
"On l’a fait mais pas à la hauteur de ce qu’on aimerait. La difficulté, c’est la Pro D2.Quand l’USAP était en Top 14, elle pouvait avoir des partenaires de 300 à 500 000 euros par an. Exemple avec Aviva. En Pro D2, c’est de 30 à 50 000 euros maximum, donc dix fois moins. Maintenant, attention : avoir un énorme partenaire crée une énorme dépendance en cas de difficulté. Il y a quatre ans, on a failli en mourir quand Aviva nous a quittés. Ça nous a fait un trou de 500 000 euros."
Finalement, vous financez l’USAP à perte.
"Il faut le voir d’une manière plus globale. Cette saison, l’USAP aura un déficit compris entre 500 000 euros et 1 M€. C’est le cas de quasiment toutes les équipes. Ensuite, est-ce que les actionnaires l’acceptent ou pas, c’est un autre débat." (Le directeur administratif Sylvain Deroeux, qui assiste à l’interview, intervient sur le sujet : "En D2, tu as deux solutions : Ou tu tombes à 6 M€ et tu ne parles plus de montée, sauf exception. Ou tu fais le pari qu’a fait François de maintenir le club sous respiration artificielle, en mettant 1 M€ tous les ans pour disposer d’un budget de 10 M€ qui te permet, en théorie, de pouvoir jouer le haut du tableau."
« On planche sur deux budgets (Pro D2 et Top 14). Si on a la chance de remonter, la difficulté ne serait pas financière mais sportive »
Un mot sur vos relations avec la Catalogne Sud et le Barça, la grande Arlésienne...
"Absolument pas. Sur un plan territorial, on l’a vu sur différents sujets traitant de la catalanité, il y a une très grande solidarité. Au niveau universitaire, le rugby reste très fort à Barcelone.La seule chose qui nous a manqué depuis trois ans, c’est le temps, les moyens et la disponibilité. On ne peut pas boucher les trous et construire de nouveaux ponts. Il est évident que nous reprendrons les relations avec Barcelone dès l’année prochaine. La question n’est pas de savoir si on y fera ou pas un match.Il faut construire quelque chose avec les Catalans du sud, car il y a un terreau intéressant."
Il y a deux ans, vous aviez présenté devant les actionnaires un plan quadriennal hissant le budget à 20 M€ à l’horizon 2019. Que faut-il en retenir aujourd’hui ?
"Ça reste d’actualité. Il faut pouvoir afficher une ambition, sinon on ne peut pas s’en sortir. Cette ambition est liée à un retour en Top 14. Il n’y a aucun sens à avoir un budget de 20 M€ en D2. Je ne regrette pas cette promesse, même si certains m’ont critiqué, disant que j’étais trop ambitieux ou trop fier. Heureusement que dans ce pays catalan on n’hésite pas à porter l’étendard. Je ne me prends pas pour Don Quichotte mais, quand on s’appelle l’USAP, il faut afficher une ambition."
Donner une ambition est une chose, l’assumer en est une autre.
"C’est ce que j’ai fait depuis quatre ans, si vous avez bien remarqué. J’ai assumé toutes les augmentations de capital et j’y ai donné toute mon énergie. On a la place pour être en Top 14. On a l’histoire, l’ADN, on a tout. Mais attention : il faut monter pour se maintenir. Ici, le rugby est anxiogène, on a toujours peur de perdre, parce qu’on a la culture du résultat."
Si jamais l’USAP remonte en Top 14 cette saison, quel est votre plan ?
"On planche sur deux budgets. Si on a la chance de remonter, la difficulté ne serait pas financière, car 3 à 4 M€ nous reviendraient automatiquement. La difficulté serait juste sportive. Christian Lanta (le directeur sportif) insiste beaucoup sur ce point : il faut avoir ce double profil de joueur, capable d’être bon en D2 et d’affronter le Top 14. On veut éviter les expériences d’Agen et de Bayonne pour ne pas redescendre au bout d’un an."