L'INTERVIEW #Midol
Marcel Dagrenat - Ancien président de Perpignan
« Je ne suis jamais retourné au stade »
Il fut président de l’USAP pendant huit ans, figure du rugby professionnel des années 2000 avec un vrai franc-parler et un gros tempérament. Marcel Dagrenat a quitté ses fonctions en 2007, sans titre majeur, mais en laissant une trace. Il fut mis en minorité par ses co-actionnaires (Vails, Athanec, Sobraquès, Velarte… et Paul Goze lui succéda). Il n’a guère fait parler de lui depuis.
Propos recueillis par Jérôme Prévôt
jerome.prevot@midi-olympique.fr
Dans les années 2000, on parlait beaucoup de vous dans l’actualité. On vous a un peu perdu de vue depuis votre départ. Que devenez-vous ?
Je suis retraité, mais je m’occupe quand même de mes affaires, de l’immobilier essentiellement. Je m’occupe aussi de ma famille, et je voyage. Je vis toujours dans la banlieue de Perpignan.
Avec le recul, quel souvenir gardez-vous de votre présidence de l’Usap ?
Un très bon souvenir. Je venais de la grande distribution, un univers dur où on vivait un peu en vase clos. L’Usap m’a permis de rencontrer plein de personnes intéressantes. Sans vouloir être pompeux, j’ai découvert l’« être humain ». Il y avait aussi le fait que j’ai pris la présidence au moment du passage au professionnalisme, nous sommes partis d’une feuille blanche... Quand je prends l’Usap, je le fais en décembre en catastrophe alors que nous sommes proches de la relégation. C’était un sacré pari surtout financier. Pendant les deux premiers mois, j’ai assuré la paye avec mon argent personnel. Sinon, on était en faillite. Des dirigeants qui étaient là depuis vingt ans me disaient que je n’y arriverais pas, que je ne payerais jamais les charges sociales. On venait d’un monde où on rétribuait les joueurs sur dix mois avec des enveloppes. Et où on s’arrangeait à la bonne franquette avec le président de la FFR. J’ai dit que ça ne se passerait plus comme ça. J’ai essayé de faire du club une vraie entreprise. Certains m’ont fait les gros yeux, c’est vrai.
Quand vous parlez de l’humain, à quoi faites-vous allusion ?
J’ai appris à gérer des salariés, les joueurs, d’une autre espèce que ceux que j’avais connus avant. J’ai appris à voir qui était mes vrais amis, qui étaient des faux culs. J’ai découvert la trahison. Mais je me suis surtout régalé à travailler pour tous ces supporters, le peuple catalan que nous avons quand même amenés au Stade de France.
Qu’avez-vous amené de nouveau pour faire franchir un pas à l’Usap ?
Le club c’était une subvention municipale, une poignée de partenaires qui mettait des panneaux autour du stade, un repas avec quarante personnes. Pour progresser, je me suis inspiré des méthodes du Stade toulousain. J’ai attiré de nouveaux partenaires, en définissant trois catégories, le local qui voulait aider sans rien avoir en retour, puis les régionaux qui attendaient un retour et enfin quelques nationaux. Tout ça a créé une dynamique.
Et sur le plan du capital que s’est-il passé ?
On a commencé en association, puis on a fait une SAOS, puis une SASP avec ouverture du capital. Je voulais avoir la majorité, mais on m’a répondu, Paul Goze en tête : « Comment ? Le club doit appartenir au peuple catalan ! » Ça me fait sourire quand je vois ce que c’est devenu depuis. J’ai répondu : « Pourquoi pas ? Je ne suis que de passage après tout. » Alors on s’est réparti le capital. C’est ce qui leur a permis de se mettre d’accord et de me mettre dehors par la suite.
Pourquoi ont-ils fait ça ?
Ça marchait, on avançait, le stade était plein, la Catalogne Sud nous soutenait. Ils ont cru que c’était facile. Et comme ils voulaient un retour personnel pour leur ego ou que sais-je encore… Quelques années après, ils étaient en D2, mais avec un titre au passage en 2009, il faut le reconnaître.
Ce Brennus de 2009, vous ne pouvez pas leur enlever ça…
Oui, je leur avais laissé un budget, un effectif et un entraîneur. Ils ont rajouté Dan Carter, c’est vrai. (N.D.L.R. : Le joueur blessé en janvier n’aura que très peu joué)
Regrettez-vous de ne pas avoir eu la majorité des parts de la SAOS ?
Oui, évidemment d’autant plus que quand j’ai pris la tête du club, personne ne voulait de cette fonction. Mais je pensais que ces gens étaient comme les joueurs, motivés par l’amour du blason. Quelque temps après, mon départ, ils l’ont vendu au premier mécène qui s’est proposé. Où sont-ils tous ces hommes ? Goze je sais où il est, mais les autres ? Ils ont cavalé.
Quels sont vos meilleurs souvenirs ?
La finale au Stade de France, même si elle a été perdue face au Stade français, puis la demi-finale européenne de 2003 gagnée sur le terrain du Leinster contre toute attente. Un vrai grand moment.
Étiez-vous un président mécène ?
Non justement, je n’étais pas un mécène. Avant de devenir président, j’étais partenaire. J’avais même payé directement pour faire venir un joueur, un arrière sud-africain qui n’a pas amené grand-chose d’ailleurs. Mais devenu président, je n’ai plus voulu mélanger mon argent avec celui du club. Ma doctrine, c’était mettre sur pied une véritable économie. Un club comme une entreprise. En huit ans, je n’ai jamais fini une saison en déficit, comptes contrôlés par la ville de Perpignan. Parfois des joueurs sont venus dans mon bureau avec des propositions venues de Biarritz par exemple. Ils succombaient à l’argent de Serge Kampf. Je leur disais : « Vas-y ! » Ils repartaient mécontents, c’est sûr. Ils auraient voulu rester à Perpignan avec le soleil, la mer, la montagne et les salaires de Paris, Clermont et Biarritz. Mais je ne pouvais les augmenter. Je n’ai jamais démarré une saison avec un budget prévisionnel en déficit.