http://www.marianne.net/Lettre-ouverte-a-Gerard-Depardieu_a225275.html
C’est stupéfait, non, plus précisément atterré, que j’ai lu votre lettre ouverte publiée hier dans les colonnes du Journal du Dimanche. Je vous le dis avec franchise : vous auriez mieux fait de vous abstenir tant vos propos, votre réflexion, vos arguments sont... lamentables. J’écris lamentable, et non pas minable.
Une précision d’ailleurs : Jean-Marc Ayrault ne vous a pas qualifié de « minable » — c’eut été inexact, une grossière erreur psychologique. En effet, vous êtes tout (gargantuesque, en perdition, etc.), tout sauf… minable. Vous prenez pourtant ce prétexte pour monter sur vos grands chevaux dans le JDD. Ayrault a cru utile de préciser que votre attitude, votre exil fiscal, votre fuite en Belgique, à…1 kilomètre (!) de la frontière française s’apparentaient à une attitude minable. Cette fois, le premier ministre a raison. Il a trouvé le juste mot, le bon qualificatif, l’expression idoine.
Que les lecteurs de Marianne.net soient rassurés : je ne me permettrai pas de critiquer votre lettre dans le détail. Un journaliste face à un monstre sacré de la société française, l’affrontement serait par trop inégal. Je ne résisterai pas, pas un instant, à un monstre sacré de votre espèce. On ne s’attaquait pas à Gabin ; on ne s’en prend pas davantage à Depardieu. Force, puissance et magie du cinéma. Et nous vous avons tant aimé au cinéma avant que, curieusement, vous ne vous spécialisiez dans les navets en série. Mais ceci est une autre histoire qui a sans doute à voir avec votre appétit... financier. Autorisez-moi tout de même quelques remarques, non pas de journaliste, mais de citoyen, puisque c’est le citoyen Depardieu qui s’exprime dans le JDD. Et il déconne sacrément, le citoyen Depardieu !
Vous vouliez y exprimer la colère d’un homme blessé par l’injustice de son sort ; vous vous y montrez en réalité sous un jour bien différent : hâbleur, grandiloquent et creux. Vous consentez par exemple à « continuer à aimer les Français et ce public avec lequel j’ai partagé, dites-vous, tant d’émotions ».
Nous vous saurions gré de ne pas nous jeter (trop vite) dans les poubelles de l’Histoire, nous qui sommes à l’origine de votre gloire et fortune. Mais vous avez la mémoire sacrément courte : vous devez tout, absolument à ce pays, à sa langue, à ses créateurs (metteurs en scène, scénaristes, directeurs photo, etc.) et aux Français qui ont acheté — pour vous voir, c’est incontestable — des millions de tickets de cinéma et des millions de DVD. Votre carrière, et vous le savez mieux que personne, n’est pas et n’a jamais été internationale. Elle est franco-française et, sorti de nos frontières, vous n’avez jamais réussi à percer dans les autres grands pays de cinéma. C’est ainsi et c’est incontestable. Gabin, auquel vous vous referez si fréquemment, a réussi à Hollywood ; ce n’est pas votre cas. Delon était adulé en Italie notamment. Vous ne pouvez pas en dire autant. Bref, cette seule raison – votre carrière franco-française – devrait suffire à disqualifier, ne serait-ce qu’an plan moral, votre exil fiscal. Mais de cela, vous ne nous entretenez pas dans votre libelle du JDD.
Vous préférez revenir sur les raisons de la bouleversante disparition de votre fils Guillaume, accablant la justice de la République. Il aurait mieux valu que vous vous absteniez.
Vous choisissez de vanter les charmes de l’alcoolisme motorisé. La encore, nous aurions préféré que vous ne profériez pas pareille énormité.
Vous nous apprenez que vous ne demandez pas à la sécurité sociale de vous rembourser vos dépenses médicales. Nous nous en tapons éperdument.
Et puis, entre deux divagations, vous finissez par lâcher le morceau : vous fuyez parce que vous payez trop d’impôts. Voilà une bonne raison. Mais ne nous prenez pas pour des benêts en la noyant dans un prêchi-prêcha historico idéologique qui n’impressionne personne : « je vous rends mon passeport (...). Nous n’avons plus la même patrie, je suis un vrai Européen, un citoyen du monde »… Et bla-bla-bla... Une affaire de fric, rien que ça. Une affaire triste, voilà tout.