Un Préfet chez les Catalans
Un brûlot, un livre corsé, incendiaire... Les jeux de mots sont faciles quand il s 'agit d'évoquer le dernier ouvrage consacré à Bernard Bonnet. Pas l'ancien préfet de Corse mais plutôt celui des Pyrénées-Orientales.
Car selon l'auteur de « Bernard Bonnet: un préfet chez les Catalans » qui se cache sous le pseudonyme de Marc Duran, le gouvernement se serait évité une affaire d'Etat sous la forme de l'incendie d'une malheureuse paillote s'il avait « demandé aux Catalans qui, durant cinq ans, furent administrés par Bernard Bonnet, qui se servit de ce département comme laboratoire d'expérimentation de sa méthode ».
La méthode Bonnet? « Un mélange de séduction, d'autoritarisme, de complexe de persécution et une conception toute personnelle de la loi ».
L'auteur n'est pas neutre. Il ne s'en cache pas. Mais il est bien informé sur le passage de Bernard Bonnet en Roussillon entre 1993 et 1998. Trempés dans l'acide, les deux cents pages de cet ouvrage sont un inventaire d'histoires, souvent anecdotiques, parfois graves, toujours révélatrices. Une véritable compilation des « faits d'armes » d'un préfet particulièrement zélé lorsqu'il s'agit de combattre la culture et l'identité catalane. « A chaque chapitre son affaire, à chaque affaire sa bévue, son mensonge, sa manipulation, lâche le dénommé Marc Duran.
A chaque chapitre sa pierre contre les méthodes jacobines de gestion de ce territoire si âprement conquis qu'il est toujours suspecté du pire des crimes dans la République idéale des Chevènement et Bonnet: le droit à la différence ».
Et l'auteur de relever « l'affaire » de la carte publiée par le quotidien catalan « Avui » sans mentionner de frontière entre Roussillon et provinces de Catalogne espagnole.
Editée depuis de nombreuses années sans n'avoir bouleversé personne, elle va provoquer un cataclysme sous l'ère Bonnet.
Ce dernier parlera même d'un « presque incident diplomatique ».
Dans la même veine selon l'auteur, les « sanctions administratives » exigées par le préfet à l'encontre d'un secrétaire général de la Poste centrale de Perpignan.
Faisant annuler une conférence de presse censée présenter l'opération, Bernard Bonnet n'avait pas supporté que ce fonctionnaire organise une exposition, ô combien subversive, sur les noms de rues de la ville en catalan. Ce même préfet qui, selon Marc Duran, demanda que la chanson antifranquiste « L'Estaca » ne soit pas interprétée en sa présence. Depuis le règne d' « El Caudillo », que Lluis Llach, le plus célèbre des chanteurs catalans, n'avait pas connu pareille situation...
Reste parmi une vingtaine de ces anecdotes, des dossiers plus sensibles.
C'est le cas du conflit des carrières de Vingrau. « Une esquisse de paillotes », selon Marc Duran. Il raconte que le 29 avril 1997, alors que les opposants bloquent l'unique route qui donne accès aux carrières, la gendarmerie fait emprunter en toute illégalité le chemin privé d'une carrière concurrente aux camions de la société Omya après avoir intimidé le veilleur de nuit.
Le lendemain, les engins d'Omya sont sur le site des carrières. Outre la violation de propriété privée, « l'opération aurait pu virer au drame car le chemin traverse aussi des terrains militaires et ce soir-là avaient lieu des manoeuvres à tir réel (...). Les autorités militaires étaient révoltées ».
Et Marc Duran de conclure qu'étrangement, les acteurs de l'affaire corse étaient alors en place: Bernard Bonnet, le directeur de cabinet Gérard Pardini et le colonel Bertrand Cavallier alors chef du groupement de gendarmerie des Pyrénées- Orientales.
Marc TAMON
PS : une sardane géante avait été organisée en riposte à sa volonté de faire interdire cette danse.