Le volumineux ouvrage de Laurent Dingli,paru en 2004,avant dernier de la série est comme le précédent un livre à charge et malheureusement,le plus souvent utilise les mémes critères psychanalyriques que Jean Artarit.Etonnant pour un docteur en Histoire qui à plusieurs reprises va jusqu'à comparer Robespierre à Hitler,se lovant ainsi dans le moule idéologique de ceux qu'il critique,et à juste titre en affirmant "l'image de Robespierre est brouillée car trop souvent décrite à l'aune des combats présents".Laurent Dingli fait mieux encore en prenant soin de terminer son livre par le mot "assassin".Robespierre....Assassin.Un peu court quand mème ...en conclusion d'un livre qui ne l'est pas.
"Si Robespierre s'est servi du peuple français pour nourrir ses inquiétudes personnelles,le peuple français s'est servi de Robespierre en croyant calmer sa peur panique née de la disparition du père symbolique(le roi Louis XVI).Or le médecin appelé au chevet de la nation était en méme temps son assassin."
Néanmoins le Robespierre de Laurent Dingli présente quelques "vertus".Celle en particulier d'une description précise,trés détaillée,de la période révolutionnaire de 89 à Thermidor, en parvenant à créer une atmosphère lourde ,pesante,probablement proche de celle de la période réelle,mais émaillée de plusieurs portaits parfois cocasses de personnages peu connus.Citons parmi eux,celui de Fournier dit Fournier l'Américain.
"Fournier l'Américain,une vraie perle de l'humanité,ancien surveillant d'esclaves à St Domingue,dépouilleur de cadavres et aide massacreur,un étre irascible et violent dont la face était livide et sinistre selon Aulard.Fournier a été de toutes les insurrections ...à coté de lui Santerre et Danton sont presque des enfants de choeur.C'est lui qui laissera égorger les prisonniers d'Orléans aprés les avoir préalablement dépouillé de leurs objets de valeur.Fournier,écrivent des historiens habituellement sobres dans leur s jugements,est certainement l'un des individus les plus répugnants de la Révolution."
Et puis il ya Stanislas Maillard
"Cet agitateur de profession...Son entrée intempestive dans la salle de l'assemblée,avec un groupe de furies en jupons lui a valu le chaleureux soutien du constituant Robespierre.Aprés le 14 Juillet,Maillard s'est disputé l'honneur d'avoir arrété le gouverneur De Launay dont la tète a été découpée de la manière que l'on sait....Capitaine d'une compagnie de Volontaires,il commet toutes sortes de grivelleries,de malversations de rapines.Le héros de la Bastille evvolue ainsi dans les hautes sphères de la philosophie et du patriotisme.Il passait tout son temps dans les clubs.Presque toujours c'était dans les cafés et chez les marchands de vin qu'on le rencontrait.Et lorsque ce mauvais sujet ne fomente pas une emeute ,il prétend que l'on veut le faire assassiner.Voila de quelle étoffe était fait l'ardent patriote,président de l'un de ces tribunaux d'assassins mis en place le 2 Septembre."
Enfin Pierre Gaspard Chaumette "devenu le puissant procureur général de la Commune de Paris.Ce nivernais de trente ans qui s'est rebaptisé Anaxagoras,a mené une vie mouvementée avant d' étre frappé par l'illumination révolutionnaire.Expulsé du collége,il s'engage comme mousse à l'age de 13 ans.Il étudie ensuite la médecine à l'Hotel Dieu de Nevers,devenant tour à tour "chirurgien"des révérents pères de la Charité,puis "étudiant en physique"et secrétaire itinérant du médecin anglais Thuck...Tel un instrument qui sonne toujours juste qu'elle que soit la musique,il savait se mettre au diapason de son époque....Le zèle qu'il apporte à la chasse aux traitres,lui vaut dés le 11 Aout d'étre nommé commissaire avec des pouvoirs discrétionnaires .Une carrière se profilait.Le 12 Décembre enfin le voici Procureur général de la Commune de Paris en remplacement de Manuel.D'aprés Frédéric Baesch,Chaumette était un esprit médiocre ,faible,sans envergure qui s'était hissé dans les arcanes du pouvoir parisien uniquement parce que les grands meneurs comme Danton,Marat ou Robespierre les avaient désertées...Aprés avoir conduit les administrateurs de Nevers (sa ville)en prison,il s'exclama "Je n'ai pas épargné mes amis parce que je dis,comme Platon,je chéris la liberté et ma patrie plus que mes amis".Il a une trés haute idée de sa personne "Je suis déclaré procureur général syndic de la Commune de Paris.Je suis couvert de bénédictions et d'applaudissements.Louis Capet,Louis Capet,je te défie lorsque tu étais roi d'avoir joui autant que moi"....
Et tous ces gens avaient en commun d'étre des "septembriseurs".Ah les massacres de Septembre 92.A mes yeux,l'acte le plus infame,le plus ignoble,le plus immonde,le plus inexcusable de la Révolution.Pourquoi?Parce que ce fut une oeuvre collective.Ce fut pire que la St Barthélemy.Tous coupables...Robespierre,Danton,Marat,les Enragés bien sur,mais aussi l'ensemble de l'Assemblée,les Girondins comme les Montagnards et la Plaine,la Commune évidemment,et le peuple des Sans Culottes devenu foule folle.Et on massacra ,encore et encore,on investit les prisons et sans distinction aucune,on égorge,on éventre ,on coupe en morceaux,on a méme parlé de scènes de cannibalisme.Femmes ,hommes,aristocrates comme gens du peuple (en majorité)simples voleurs ou escrocs,malades ,infirmes,une boucherie.Il faut lire l'excellent livre de Frédéric Bluche "Septembre 92,logiques d'un massacre".Trés peu de gens tentèrent de freiner la curée sanglante.Pétion,Manuel que certains disent avoir vu pleurer.Et Robespierre dans tout ça?Il est responsable comme tous les autres...Indirectement.Aprés avoir soufflé sur les braises,sonné l'hallali,il ferme les yeux ,bouche ses oreilles.
Cet ouvrage présente aussi l'originalité de traiter du rapport de Robespierre aux femmes.Le plus souvent ses biographes,se bornent à tenter vainement de tenter d'elucider la question de sa vie amoureuse,mais sans apporter la moindre preuve de son existence ou pas.
Encore une enigme.Laurent Dingli élargit la question aux relations generales qu'il entretenait avec elles ou plutot à celles qu'elles entretenaient avec lui.Car si Robespiere avait ses "groupies",il ne fit d'aucune d'elles son égérie.Parmi les groupies ,il y a Louise Félicité Keralio,auteur d'une "Histoire d'Elisabeth" et qui entretenait ,comme les autres une correspondance assidue avec Robespierre,pour qui
"l'amour n'existe pas.Les images de séductions ou les passions ne sont perçues que comme des vehicules de corruption ou de dissolution de l'étre.Tout ce qui évoque le désir humain,la sexualité,la possession amoureuse ou matérielle est synonyme d'ordure.
Et la Marquise de Chalabre qui écrit à Robespierre
"Le bonheur et la vertu ne se trouvent que dans la médiocrité.Richesse et vertu sont incompatibles,rien ne peut nous en convaincre comme cette révolution"
La citoyenne Riquetti soeur du défunt Mirabeau écrit à l'Incorruptible le 30 Germinal An II "Non citoyen,l'on ne me corrompra jamais
tu peux croire que j'aimerais mieux mourir de misère pour la vertu,cela n'est pas deshonorant ;mais l'or corrompu par le vice prend une acrimonie qui empoisonne la conscience et les moeurs"
Plus étonnant Mme Roland,femme de lettre qui tenait un salon trés courru a adoubé Robespierre." Une relation de maitre à disciple s'instaure rapidement"..."Parlant au nom de son mari et s'adressant à l'homme qui la fera guillotiner,Manon Roland écrit."j'ai en foi dans l'intérét avec lequel vous receviez des nouvelles de deux étres dont l'ame est faite pour vous sentir et qui aiment à vous exprimer une estime qu'ils accordent à peu de personnes,un attachement qu'ils n'ont voué qu'à ceux qui placent au dessus de tout,la gloire d'étre juste et le bonheur d'étre sensible...."
Selon Laurent Dingli "Aucun étre vivant dans l'Histoire,n'a été en mesure de susciter une telle dépendance et un oubli aussi absolu de soi "