"L'archipel français" de Jérome Fourquet.Un livre "coup de poing",qui fera probablement référence dans quelques temps.Un tableau de la France d'aujourd'hui,précis,chiffré,donc incontestable,lucide,accablant,aux antipodes de la logorrhée émolliente et décérébratrice à laquelle nous sommes soumis quotidiennement dés que l'on allume sa radio ou sa télé.Jérome Fourquet nous décrit une France fragmentée au bord de l'implosion,constituée d'iles et d'ilots dont les habitants au mieux s'ignorent,parfois se haissent,trés loin du médiatique et inconsistant "vire ensemble",inventé,il fallait oser,aprés 1000 ans d'histoire.Une fragmentation selon des critéres économiques,sociaux culturels,géographiques et identitaires.Il dégage trois grandes iles et plusieurs ilots.
La premiére ,dominante,est celle des élites et de la mondialisation heureuse,celle pour simplifier des centre villes,avec ses codes,ses réseaux,née,selon Fourquet,de l'accession on ne peut plus salutaire par ailleurs,de l'Université à tous,mais avec comme effet pervers,la création d'une classe qui s'est auto proclamée "elite",qui vit en
vase clos parce qu'elle a acquis les moyens de le faire.Et il évoque cette impression étrange de ces "hordes"(c'est ainsi qu'elles apparaissent aux yeux de la bourgeoisie parisienne)au coeur de Paris et des grandes villes et qui sont la matérialisation du fossé abyssal qui s'est désormais créé entre ces gens en trottinette ou à velo qui traversent totalement indifférents,comme si rien ne pouvait leur arriver,les cortéges de "gueux",qui arpentent le 8 iéme arrondissement de Paris tous les samedi.Pour moi l'image du mépris total et assumé,l'image la plus terrible,peut étre plus encore que celle des vitrines brisées et des voitures qui flambent.Cette ile là dominante est aussi la plus homogéne.
La deuxiéme ile,celle des villes moyennes et des territoires ruraux,dont les Gilets Jaunes sont en partie la représentation est aussi celle des "gens d'ici",comme le chantait Julien Clerc il y a 20 ans en d'autres circonstances."Les gens d'ici,ne sont pas plus grands ,plus fiers ou plus beaux,seulement ils sont d'ici les gens d'ici"."Ces gens d'ici,qui ne connaitront pas d'autre vie,dans ce pays,dont les fruits sont si beaux,qu'on se contente des noyaux".Et bien ils ne se contentent plus des noyaux ,ces gens d'ici,Surtout depuis qu'à l'abandon ont succédé année aprés année,les insultes et le mépris,jusqu'à depuis peu leur dénier l'appellation de "populaire" réservé aux habitants des banlieues.Cette ile est beaucoup moins homogéne que la précédente.Des critéres historisues ,économiques,géographiques,viennent casser une unité de façade.Les gens de l'Est et du Nord sont surtout sensibles au déclassement lié à la désindustrialisation,ceux du Sud aux conséquences d'une immigration massive,ceux de l'Ouest plus modérés parce qu'ils s'en sortent un peu mieux économiquement.
La troisiéme ile,celle des gens issus de l'immigration,se concentre dans les banlieues ,qui sont devenus sans le vouloir les "idiots utiles" des habitants de l'ile aux "élites",se replie dans les territoires qui leur sont assignés et pour une part est déja ailleurs.Si elle est homogène géographiquement,elle est tout aussi fragmentée culturellement,que l'ile des "gens d'ici"avec comme le note Jérome Fourquet une forte prédominance des gens d'origine arabo musulmane.
Jérome Fourquet donne des éléments d'explications à l'avénement d'une telle situation.Il y voit notamment,la conséquence d'un effondrement du catholicisme qui avait imprégné des siécles durant la vie sociale et culturelle de la nation française,point de repére avec ses régles,ses modes de vie,ses reflexes comportementaux,et qui devenu minoritaire est tentée par le repli et la crispation.La quasi disparition de l'"autre religion",le communisme,avec ses codes,son organisation territoriale,ses puissants relais dans le monde du travail et les milieux populaires.L'explosion d'un individualisme qui tend à évoluer vers le sans limite.Le "c'est mon choix"permanent en toutes circonstances,sans considération pour ce qui se passe autour.Et il fait allusion aux travaux d'un auteur Gilles Lipowetsky,dont j'ai parlé à propos de son livre "l'empire de l'éphémère"et dont Fourquet parle à propos d'un autre livre "L'ére du vide".Il évoque aussi l'éléction de Macron,comme conséquence de cet éclatement social,sociologique,géographique et culturel,mais il explique aussi combien cette élection aura exacerbé les fractures.
Ce livre remarquable a aussi ses faiblesses.Les faiblesses inhérentes à ce genre d'ouvrage "constat",au sens ou il n'apporte aucune solution aux problémes.Un constant accablant,inquiétant et une impasse.Il est le pendant post electoral d'un ouvrage publié juste avant les élections par Marcel Gauchet "Comprendre le malheur français"ou le philosophe dresse un tableau comparable,plus historique,plus profond mais moins précis,plus confus aussi en raison sans doute de sa forme,un dialogue avec deux interlocuteurs,plus connoté politiquement méme si Marcel Gauchet a cette particularité de n'appartenir à aucune chapelle.Mais là encore ,en dépit de la qualité du livre,tout ceci débouche sur des constats et pas de solutions..Peut étre parce qu'il n'y en a pas.Dur dur ,surtout pour les jeunes..Bon courage.
En m'excusant auprés de ceux qui auront eu la persévérence ou la curiosité de lire mon exposé jusqu'au bout,pour la longueur de mon propos,mais aussi en les rassurant;cet exposé sera en effet ma derniére contribution à ce topic que j'avais créé.Ce fut intéressant,merci à ceux qui ont participé,mais là tout d'un coup,je me sens un peu trop seul