Comment aborder ce problème ? D'abord la règle : il y a un budget et une masse salariale ne devant pas dépasser un certain pourcentage de ce dernier tout en étant elle-même bornée. Cela permet de rappeler que budget et masse salariale sont deux choses différentes ; Toulouse par exemple a certes un budget largement supérieur à celui des autres clubs mais plus de salaires administratifs à couvrir, et de plus est propriétaire de son stade et a donc des charges supplémentaires à couvrir.
Cette règle a donc le mérite d'assurer une certaine équité tout en s'assurant d'un développement qui ne soit pas anarchique. En conséquence, et si on veut bien mettre à part le cas de Mont-de-Marsan, on peut en déduire qu'au vu des budgets il n'existe certainement pas une échelle de 1 à 2 concernant les masses salariales des clubs du Top 14 actuellement.
Pourtant, au vu de la composition des effectifs, on peut légitimement se poser des questions.
Ceci est du au fait qu'il y a la "loi", son interprétation, et son détournement. Comme il y a une DNACG et qu'on ne peut présenter de budget déficitaire, le seul moyen existant est de faire supporter une partie des gros salaires des stars par des sponsors. C'est là que l'on peut parler de détournement de "l'esprit de la loi" car cet argent en provenance du sponsoring est de fait détourné du budget pour pouvoir faire fi de la limitation évoquée.
Je pense (je peux me tromper mais j'espère que non) que ce système ne perdurera pas très longtemps ; ce n'est pas sa survie, par exemple qui permettra un développement de ce sport par une redistribution géographique des clubs avec l'arrivée des grosses villes comme pourraient le vouloir certains (vaste serpent de mer auquel je ne crois pas non plus, du moins à court ni même à moyen terme). Et comme notre sport est plutôt traditionnaliste (et là ce serait plutôt un point positif) il sera bientôt hors de question que l'on accepte que les clubs moins riches (et donc respectant la règle au moins par obligation) soient de plus en plus à la traîne de clubs qui contournent cette règle parce que plus riches (on pourrait faire un parallèle avec le foot anglais par exemple : est-il normal qu'un club qui cumule des pertes s'élevant à plusieurs centaines de millions d'euros puisse remporter le championnat alors qu'Arsenal par exemple a un budget en équilibre ? si oui, c'est que l'on accepte la disparition de l'équité dans le sport). De plus, ce traditionnalisme sera nécessairement en phase avec le contexte économique actuel. Sinon, on se dirige tout droit vers un championnat, non pas à deux mais à trois voire quatre vitesses et tout sera rapidement réglé : les spectateurs déserteront, les supporters suivront de moins en moins et les chefs d'entreprise à courte vue (je ne parle pas des mécènes, gens désintéressés par définition) comprendront peut-être enfin, d'abord qu'on ne fait pas fortune dans le sport en général, et plus particulièrement dans le rugby profondément attaché à ses racines.
Je crois que cette interwiew repond en partie a tes interrogations .
Sud Ouest ». De prestigieuses recrues sont annoncées à Montpellier (Mas, Timani, Pélissié, Ranger, Tchale-Watchou) et au Racing (Tonga'uiha, Lydiate, Roberts et, hier, le Springbok Kruger). Assiste-t-on à une nouvelle course à l'armement en Top 14 ?
Mourad Boudjellal. Il y a deux clubs avec de gros moyens financiers qui semblent vouloir investir par rapport à leurs projets. Si les noms avancés sont vrais, je dis bravo. Chacun va à sa vitesse et si quelqu'un court plus vite que moi, je l'applaudis. Mais on n'est pas dans la même logique. Quand j'ai fait ça à Toulon, c'était pour créer une économie. Je pense qu'eux font ça pour gagner des titres. Or, même si ces clubs survolent le Top 14 la saison prochaine, ils n'auront jamais comme nous + 40 % d'affluence dans leur stade ou + 500 % de chiffre dans leurs boutiques.
Comment pouvez-vous annoncer un budget de 30, puis 35 millions d'euros pour les prochaines saisons, contre 21,8 aujourd'hui, dans le contexte économique actuel ?
Ma petite entreprise ne connaît pas la crise. Notre modèle économique n'est pas en récession. Le stade est plein, les partenaires affluent de tous côtés. J'ai une croissance à deux chiffres.
Toulon semble avoir la plus grosse masse salariale, avec le 4e budget. Comment est-ce possible ?
D'abord, vous ne connaissez pas la masse salariale des autres. L'an dernier, deux clubs ont refusé la visite de la commission du salary cap, et je ne pense pas que ce soit Bourgoin et Mont-de-Marsan… Quand je vois le budget des Toulousains (34,9 millions d'euros au prévisionnel 2012-2013, NDLR) et la masse salariale qu'ils annoncent, je suis un peu inquiet sur leur capacité à gérer un club. Si leurs chiffres sont justes, s'ils ont vraiment 8 millions d'euros de masse salariale auxquels il faut ajouter les charges salariales, ça veut dire qu'ils ont au moins 18 millions de frais à côté. Ils doivent payer les petits fours et les nuits d'hôtel un peu cher… S'ils ont besoin que je les aide, je me tiens à leur disposition pour venir, en compagnie de ma contrôleuse de gestion, les aider à trouver où faire des économies. René (Bouscatel, NDLR), il faut se reprendre !
Le cas du Stade Toulousain est particulier puisque le budget du stade Ernest-Wallon compte dans le budget global. Comment est structuré le vôtre ?
Dans certains clubs, toutes les activités sont incluses dans la SASP (société anonyme sportive professionnelle, NDLR). À Toulon, j'ai créé plusieurs sociétés, chacune correspondant à une activité différente, parce que je pars du principe que vendre des bières ou des t-shirts est autre chose que de jouer au rugby. Une partie du produit est reversée à la SASP, pas les charges. À périmètre égal, on peut estimer que le budget actuel du RCT est déjà de l'ordre de 25 millions d'euros.
Vous avez déclaré dans « La Provence », lundi, votre intention de recruter « cinq ou six joueurs de dimension mondiale ». Y parviendrez-vous ?
Je fais ce que je dis, en général. Mais on n'est pas pressé, on attend de voir. Aujourd'hui, on a une chance qu'on n'avait pas avant : Toulon, c'est le ''club to be''. Tous les joueurs de la planète sont demandeurs. À une époque, au moment du recrutement, on payait une forme ''d'impôt Pro D2'' ou ''non-H Cup'' : on devait payer toujours un peu plus cher que des clubs jugés plus attractifs. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.
On parle des Sud-Africains Habana et Smit à Toulon. Pourquoi recruter des champions du monde de 2007 et pas de 2011 ?
D'abord, je n'ai pas dit que j'avais recruté des champions du monde 2007… Ensuite, les Néo-Zélandais sont pour la plupart bloqués auprès de leur fédération. Les recrutements de All Blacks, en plus, ne sont pas tous des grands succès : ça marche très bien pour Sivivatu (à Clermont, NDLR), mais un peu moins bien pour Rokocoko (à Bayonne). Et je vous dirais que, ce qui nous intéresserait le plus, ce serait de recruter des champions du monde 2015 !
Et si c'était le cas de Gaël Fickou, que vous avez laissé partir pour Toulouse l'année dernière ?
Il faut arrêter de dire qu'on a '' laissé partir'' Fickou. On a vraiment essayé de le garder. Et pourquoi personne ne dit jamais que Toulouse a '' laissé partir'' Michalak ? Ils ont pourtant tout fait pour qu'il parte… Aujourd'hui, Fickou est certes à Toulouse, mais Michalak, lui, il est à Toulon.
Que représente le succès 62-0 du RCT sur Sale, dimanche en Coupe d'Europe ?
Rien. Nos neuf essais sont beaucoup moins significatifs que la victoire de Clermont au Leinster(21-28). Ça, oui, c'était significatif. Les joueurs de Sale étaient tellement dépassés que, pour la première fois, je me suis senti capable d'entrer sur le terrain et de marquer un essai. Pas entre les poteaux, il ne faut pas être prétentieux, mais en coin, j'aurais pu.
Quelle est votre position dans le débat qui oppose Anglais, Français et Celtes sur la formule de la Coupe d'Europe ?
On est trop nouveau dans cette compétition pour donner notre avis. La formule qu'on préférerait, ce serait celle où le RCT joue tous ses matches à domicile jusqu'à la finale. Mais, sérieusement, ce qui m'étonne le plus, c'est que personne ne songe à une Coupe du monde des clubs, alors que le monde entier se demande qui est le plus fort entre Toulouse, le Leinster et les Chiefs (la franchise néo-zélandaise de Hamilton, qui a remporté le dernier Super 15, NDLR). Je ne plaisante pas. Depuis la dernière fois qu'une telle confrontation a eu lieu, il y a 15 ans, les choses ont évolué. Ce serait intéressant et ce serait une réussite économique assurée. Si on arrive à trouver des dates pour que Toulouse affronte deux fois Trévise, je ne comprends pas pourquoi on n'en trouverait pas une pour un match Toulouse - Chiefs.