NOËL AU PRINTEMPS ?
On aurait pu croire que le printemps approchait à grand pas, du côté du café Six comme du côté de Perpignan, mais le général hiver avait décidé ce week-end de venir faire un petit coucou, avec ce qu’il a de meilleur : froid, neige et la spécialité météorologique catalane, une tramontane qui vous glaçait les os. Un temps à ne pas mettre grand-monde dehors, si ce n’est des supporters de l’USAP encore tout heureux de la belle surprise que leurs protégés avaient ramené de Toulouse et déposé dans leur chaussette sang et or. Des supporters presque prêts à croire à nouveau au Père Noël sponsorisé par une bière hollandaise et à ressortir des décorations dont on se demandait quand elles pourraient resservir. Presque cependant, car il y a loin de la coupe aux lèvres, et tout un tas de croquemitaines prêts à nous punir, avec notamment des Racingmen ressemblant de plus en plus au Père Fouettard, mais aussi notre adversaire du soir, dont le costume toujours coloré et chamarré ne devait pas cacher les sombres intentions : nous faire redescendre sur terre et prendre notre place dans la course aux cadeaux de fin de saison. De notre côté, et même si les dernières sorties laissaient entrevoir la mise en place d’un jeu plus complet, on ne pouvait que craindre notre légendaire inconstance et notre capacité à casser les jouets qui s’offraient à nous, et ce d’autant que le Tournoi des Six Nations nous privait de joueurs-clé (même si l’honnêteté nous pousse à dire que le pack adverse se présentait sans ses deux têtes de pont…). Confiance était donc faite à notre charnière de lutins pour animer le jeu, alors que devant, on n’était pas loin d’avoir notre meilleur équipage de rennes. Pas le droit à l’erreur donc, et c’est avec l’appréhension d’un enfant se demandant le 24 décembre s’il a été bien sage qu’on voyait entrer les équipes sur la pelouse…
Et dès les coup d’envoi, l’USAP mettait tout le monde dans l’ambiance avec un petit cadeau de bienvenue : une relance des 22 dont nous n’avons que trop le secret se terminait par une première faute, et offrait 3 points à notre ancienne gâchette, qui commençait à subir des sifflets d’une bêtise presque du genre à gâcher la fête. Fort heureusement, notre mêlée répliquait en emballant proprement son homologue, ruban rose en prime, et David Mélé pouvait remettre les compteurs à égalité. En ce début de partie, il n’était plus question de se faire des cadeaux, les deux équipes se rendant coup pour coup. Nos joueurs ayant le vent de face, et n’ayant pas reçu en étrennes de spécialiste du jeu au pied long, s’en remettaient à leur traditionnelle guirlande de passes, parfois avec une certaine réussite comme sur cette action d’ampleur permettant à notre lutin numéro 10 de passer un des drops dont il a le secret, parfois pour s’occasionner de belles frayeurs comme sur cette quasi-interception de Williams ou sur ces fautes évitables liées à des relances trop audacieuses. Fort heureusement, et même si le match était plaisant, nos adversaires avaient au moins autant de maladresses et encore plus de fautes que nous dans leur hotte. Ceci nous permettait de nous rapprocher de la crèche parisienne et, sur un beau mouvement de nos avants illuminé par un superbe échange Mélé-Planté, notre pilier volant des îles allait atterrir en terre promise. Magnifique action, où la vision du jeu de notre lutin avait fait la différence, qui laissait entrevoir une guirlande d’essais. Hélas, c’était plutôt le Stade Français qui confirmait ses bonnes résolutions et, si Popo manquait la cible et qu’une première attaque aboutissait à une superbe chevauchée de Luke Narraway, les Parisiens obtenaient leur récompense par Paul Williams prenant de vitesse notre pilier tongien et filant secouer notre arbre de Noël. Egalité donc, et un temps faible pour nos joueurs qui avaient du mal à contourner l’efficace ligne de défense parisienne, à tel point qu’on voyait les esprits s’échauffer, Sona Tauma
o expliquant à son vis-à-vis la traditionnelle recette de la dinde aux marrons. Malgré tout, on sentait que l’USAP prenait le dessus devant, et sans un coup de sifflet bien trop rapide de M. Rebollal, elle aurait pu obtenir un 2e essai en guise d’orange de Noël juste avant les citrons. Cela dit, arriver à égalité contre le vent n’était pas un si mauvais résultat, et on pouvait envisager la suite avec sérénité…
Au début du second acte, la neige commençait à faire son apparition, histoire de saupoudrer délicatement cet affrontement d’un peu plus de fraîcheur. L’USAP prenait les choses en main, alors que nos adversaires avaient décidé de changer tout le premier rang de leur traîneau. Mais comme souvent, l’USAP donnait beaucoup, mais sans grand pragmatisme : de beaux coups d’éclat, comme ce débordement d’anthologie d’un Tauma
o qui semblait, comme Vahaamahina, tellement partout sur le terrain qu’on l’aurait presque pris pour le Père Noël faisant le tour du monde en une seule nuit. Mais peu de concrétisation, si ce n’est qu’en face, les Parisiens accumulaient les fautes et risquaient de se voir privés de cadeaux, voire même de joueurs. Cela tombait sur l’autre régional de l’étape, Laurent Sempéré, à peine invité, et cela entraînait une tentative audacieuse de nos joueurs qui ressemblait beaucoup à un de ces cadeaux qu’on a trop pris l’habitude de distribuer sur tous les terrains de France. Pourtant cette fois, l’USAP arrivait enfin à jouer les pères Fouettard et punissait immédiatement ces garnements parisiens d’un essai sous les poteaux d’un Luke Narraway présent comme rarement, même si Seb Vahaamahina aurait au moins autant mérité ce cadeau, tant son activité fut grande samedi soir. Et comme nos adversaires ne semblaient nullement décidés à s’amender, ils se retrouvaient 13 à table, ce qui, on le sait, n’est généralement pas conseillé, comme le prouvait la punition immédiate de l’USAP (elle qui est d’habitude bien moins sévère) sous la forme d’un doublé de notre bûche tongienne. A ce moment, on se mettait même à rêver d’un cadeau bonus, et la passe au pied manquée d’un David Mélé qui avait vu Adrien Planté aussi seul que le Père Noël au Pôle Nord en mars nous faisait passer à côté d’un feu d’artifice final. Au lieu de cela, nos adversaires reprenaient du poil de la bête, et même si leur ouvreur nous offrait 3 points en ratant l’immanquable, les Parisiens gardaient la main sur le ballon et finissaient par nous punir de notre léger manque de concentration par un essai nous fermant la porte de toute surprise bonifiée. On peut même se demander s’il n’eût pas mieux valu que le jeune Plisson ait réussi sa pénalité, ce qui nous aurait permis de repartir avec un seul essai à marquer… D’autant qu’après une tentative manquée par David Mélé pour priver les Parisiens des 13 desserts du bonus défensif, Joffrey Michel, tout frais, s’enfonçait dans la défense parisienne aussi facilement que le Père Noël dans une cheminée, bien aidé, reconnaissons-le, par un discret et délicat passage à vide d’un Bertrand Guiry à l’activité toujours aussi débordante. La messe était dite, une dernière action nous faisait rêver encore un peu, mais on en restait là, avec une victoire nette et sans bavure au pied du sapin, ce qui était déjà intéressant…
En effet, malgré le petit regret d’un bonus offensif échappé en route et qui était largement récoltable, on ne peut que se féliciter de la dimension que prend notre équipe, malgré l’absence de joueurs-clé. On peut aussi se féliciter de la performance d’un pack, avec des îliens extraordinaires en figure de proue, qui a fait beaucoup de mal à son vis-à-vis, le poussant à de multiples fautes, bien punies qui plus est. Tout cela pour dire qu’on assiste peut-être, à défaut de résurrection, à la naissance d’une équipe. Qui aurait cru il y a quelques semaines que cette USAP puisse faire une performance aussi intéressante sans Nicolas Mas, sans Luke Charteris, sans James Hook ? Le collectif prend forme, une dynamique semble s’enclencher, le chemin de croix semble terminé. Voir des joueurs comme Daniel Leo, David Mélé, Armand Batlle, voire même Jérôme Schuster de nouveau ou enfin exprimer leur potentiel, nous rassure sur l’état d’esprit du groupe. Où cela nous mènera-t-il ? Peut-être nulle part, surtout si nous chutons lors de la piégeuse étape qui nous attend dans les Landes samedi. Peut-être très loin, car comme l’a dit notre entraîneur, si notre progression continue, nous n’aurons rien à perdre et pourrons en faire souffrir plus d’un. En tous cas, depuis deux semaines, on a de nouveau envie de croire au Père Noël en regardant l’USAP. Pourvu que ça dure plus d’une nuit !