Covid-19 : l'étude qui douche les espoirs autour de l'hydroxychloroquine
Une méta-analyse confirme l'inefficacité de l'hydroxychloroquine dans le traitement du Covid-19, et sa dangerosité quand elle est associée à l'azithromycine.
Par Géraldine Woessner
Alors que l'épidémie qui a paralysé une partie de la planète poursuit ses ravages sur tous les continents,
amorçant timidement une lente décrue , aucun traitement spécifique n'a encore fait ses preuves, et les molécules un temps perçues comme les plus prometteuses ont déçu les attentes. Surmédiatisée pendant des mois, l'hydroxychloroquine du Pr Didier Raoult, vantée par les présidents américain et brésilien Donald Trump et Jair Bolsonaro comme un « remède miracle », n'aura finalement pas démontré le moindre impact.
Une nouvelle méta-analyse, publiée ce jeudi dans la revue
Clinical Microbiology and Infection, le journal officiel de la
Société européenne de microbiologie clinique et des maladies infectieuses (ESCMID), conclut à son inefficacité. « Nos résultats confirment une tendance observée déjà dans d'autres études, qui laisse penser que l'hydroxychloroquine, associée ou non à l'azithromycine, ne réduit pas la mortalité chez les patients hospitalisés », confie son auteur principal Thibault Fiolet, épidémiologiste et doctorant en santé publique à l'Inserm-Université Paris Saclay.
Lire aussi
Covid-19 : la Commission européenne tranche contre Didier Raoult
Les auteurs ont passé en revue 29 études évaluant les effets de la chloroquine ou de l'hydroxychloroquine, associée ou non à l'antibiotique azithromycine, sur des patients atteints du Covid-19. Parmi elles, trois essais contrôlés randomisés, un essai non-randomisé, et 25 études observationnelles, incluant celles conduites par l'équipe du Pr Raoult à l'IHU de Marseille. Dix d'entre elles, notent les auteurs, présentaient un risque de biais « critique ». La méta-analyse inclut, une fois écartées les études les moins fiables, 11 932 patients traités à l'hydroxychloroquine seule, 8 081 patients ayant reçu en association hydroxychloroquine et azithromycine, le groupe contrôle regroupant 12 930 patients n'ayant reçu aucune des deux molécules. Les taux de mortalité enregistrés ont été comparés à celui observé au sein de la plus vaste cohorte de patients hospitalisés atteints de Covid-19 en Europe, la cohorte britannique Isaric, qui indiquait en juin un taux de mortalité de 26 % parmi quelque 26 000 personnes hospitalisées.
Le cocktail hydroxychloroquine-azithromycine augmente de 7 % le risque de mortalité
Au final, l'étude ne constate pas de différence dans l'issue de la maladie chez les patients ayant reçu un traitement à l'hydroxychloroquine. « Certaines études observationnelles indiquent une mortalité inférieure, mais les essais randomisés montrent une tendance inverse, avec un risque accru de décès chez les patients traités. La différence n'est pas significative », explique Thibault Fiolet.
En revanche, les patients ayant reçu un cocktail associant hydroxychloroquine et azithromycine (
le traitement préconisé par le Pr Raoult ) présentent un risque accru de décès de 7 % par rapport à ceux n'ayant reçu que les traitements classiques. Sans surprise :
les risques de toxicité cardiaque liés au surdosage de la chloroquine sont bien connus, et susceptibles d'être renforcés par l'azithromycine, elle-même cardiotoxique.
« Il est dommage que l'IHU de Marseille, notamment, n'ait pas produit d'études de meilleure qualité… »
La force de cette méta-analyse réside dans son ampleur : « Les précédentes n'incluaient que six ou sept études, et ne prenaient pas en compte dans leurs modélisations les différences d'âge, de sexe ou de comorbidité entre les différents groupes », souligne Thibault Fiolet. « Nous avons par ailleurs traité les données avec deux approches statistiques, et obtenu les mêmes résultats. » Elle présente toutefois des faiblesses, chaque étude incluant les patients à des stades divers de la maladie et leur administrant des doses de traitement disparates, pas toujours documentées. « Il est dommage que l'IHU de Marseille, notamment, n'ait pas produit d'études de meilleure qualité… » regrette Thibault Fiolet. La tendance qui se dégage reste « claire », écrivent les auteurs : « L'hydroxychloroquine seule n'est pas efficace dans le traitement du Covid-19, et son association avec l'azithromycine augmente le risque de mortalité. […] Nos résultats suggèrent qu'il n'est pas nécessaire de poursuivre les études évaluant ces molécules. »
Un conseil que diverses autorités, dans le monde, ont déjà suivi : faute de résultats et compte tenu d'une balance bénéfice-risque jugée défavorable, la France a banni en mai l'usage de l'hydroxychloroquine dans le traitement du Covid-19, comme
l'Agence américaine du médicament (FDA) , qui a retiré en juin l'autorisation de l'utiliser en urgence.
L'OMS a interrompu le bras hydroxychloroquine de son essai international Recovery. Les espoirs, aujourd'hui, se portent sur d'autres types de traitements : le remdésivir, un antiviral ayant montré des résultats encourageants (quoique timides) chez des patients atteints de la forme sévère de la maladie, et la déxaméthasone, utilisée dans le traitement de l'asthme, susceptible d'aider les patients sous respirateur.
Publié le 27/08/2020 à 07:21