Une itw de Mourad, qui prouve, pour ceux qui en douteraient encore, que c'est une personne intelligente, avec des valeurs, des convictions, et de l'humour.
Il parle de Montpellier (qu'il apprécie), de Bonniface (qu'il invite), et de l'USAP ("Aujourd’hui, trois clubs ont un modèle économique : Toulouse, Toulon et Perpignan. Tous les autres sont dépendants de quelqu’un et ils sont sous perfusion.").
Mourad Boudjellal, depuis lundi, on parle beaucoup d’un retour de Bakkies Botha en sélection sud-africaine. Le RCT a-t-il été contacté ?
Sur nos informations venues d'Afrique du Sud, il n’est pas appelé aujourd’hui. Pour jouer samedi, il faut vérifier qu’il ne vienne pas avec une valise à l’entraînement et qu’il monte ensuite directement dans l’avion. Car pour jouer samedi, il faut partir aujourd’hui…
Etes-vous soulagé qu’il ne soit pas appelé ?
Oui, parce que c’est un gros joueur. C’est aussi une aberration du rugby. A une époque, le rugbyman n’était pas payé quand il était sélectionné. C’était une glorification. Ce serait bien aujourd’hui qu’ils prennent conscience du nouveau contexte. On demande aux clubs de financer le rugby national et international. Dans le droit du travail, on vous enlève un joueur trois semaines, ça ne pose pas de problèmes. Mais comment peut-on imaginer l’enlever et qu’on le paye ?
Quand vous l’aviez recruté l’an dernier, pensiez-vous qu’il pourrait être à nouveau sélectionné ?
Je me suis dit que Bakkies Botha ne ferait pas la prochaine Coupe du monde si Heyneke Meyer était un peu intelligent et qu’il devait préparer l’équipe pour l’avenir. Je me suis dit qu’il allait chercher des plus jeunes (ndlr : Botha a actuellement 36 ans), surtout que la seconde ligne est un peu la spécialité locale. En Afrique du Sud, ça ne manque pas...
Botha sera donc présent pour le déplacement à Montpellier. Attendiez-vous ce match avec impatience ?
Oui, ce match se jouera dans un contexte totalement différent des deux précédents déplacements. Maintenant, on s’entend très bien. Ce sera très agréable de retrouver Mohed Altrad et Fabien Galthié. Les deux clubs ont été intelligents et nos rapports ont été plus que normalisés. Ils sont très courtois. Il est même fort possible que, si je suis à Montpellier, je m’assois à côté du président montpelliérain, ce que je ne fais quasiment jamais.
« On ne s’enflamme pas »
Fabien Galthié a déclaré mardi qu’il ne voulait plus faire de paris avec vous, notamment son scooter qu’il n’a plus…
(Rire) Quand on a parié le scooter, c’était lui le grand gagnant. Il a dû se rendre compte qu’il était le seul à mettre quelque chose en jeu ! Il pouvait juste perdre et pas gagner, mais il a mis un peu de temps à s’en rendre compte ! (Rire)
Sportivement, ce sera un nouveau bon test pour le RCT…
Oui, c’est toujours le cas quand on va à Montpellier qui ne nous réussit pas souvent. C’est une équipe solide et qui défend bien sa pelouse. Les Montpelliérains ont été vice-champions de France il y a deux ans et ils ont été la principale victime de la Coupe du monde l’an passé avec Biarritz.
De votre côté, tous les voyants semblent au vert. Qu’en pensez-vous ?
Tous les voyants ne sont jamais verts. Chaque club a des périodes d’euphorie et des périodes de doute. Actuellement, nous sommes dans l’euphorie et demain, nous serons peut-être dans le doute. Pour d’autres, c’est l’inverse. Cela fait partie de l’histoire d’une saison. On vient de passer un chapitre agréable mais on vivra peut-être des rebondissements moins agréables. Nous sommes très pragmatiques par rapport à tout ce qui se passe. Je sais que tout va très vite dans un sens ou dans un autre, surtout à Toulon. Sincèrement, on ne s’enflamme pas. On essaie de construire notre saison et notre histoire ensemble. On verra jusqu’où on peut aller.
Les nouveaux ont trouvé rapidement leurs marques dans le groupe et la mayonnaise a pris…
Oui, quand on gagne, tout va bien. La défaite est orpheline et la victoire a mille pères comme dirait Youssoupha ! (Rires)
Le retour à Mayol la semaine dernière était très attendu par les joueurs et le public. Comment l’avez-vous vécu ?
C’était très surprenant. Cela fait un moment que je n’avais pas senti ça. Il y avait un manque. On a senti une descente du bus peut-être encore plus forte que face au Munster. C’était à la limite de l’agression saine. On a senti que les gens étaient fiers de nous et qu’il y avait une forte identification entre la ville et le club. C’était un grand moment. Ça nous manquait, ça leur manquait. On a vécu de belles retrouvailles.
Vibrez-vous toujours autant à la tête de ce club ?
Oui, bien sûr. Quand ça ne sera plus le cas, j’arrêterai. Nous sommes des vendeurs de bonheur.
« On va montrer à Boniface que nous ne sommes pas des sauvages »
Justement, une polémique est née avec André Boniface sur la qualité de ce bonheur. Qu’en pensez-vous ?
On lui a répondu de manière un peu violente. Mais il a fait un procès à Bernard Laporte. Si on met une gifle à Myke Tyson, on sait que le coup sera plus fort que si c’était Bibi Fricotin ! (Rires) Il faut faire attention. Je vais proposer à André Boniface de venir à Mayol. On va lui montrer que nous sommes des gens courtois et que nous ne sommes pas des sauvages. Si dans le Sud-Ouest on sait bien manger et bien vivre, des qualités que j’apprécie, on va lui montrer que dans le Sud-Est, nous savons bien recevoir et que nous sommes des gens chaleureux, pas seulement des gens qui envoient des vannes. S’il nous fait l’honneur de venir, je suis sûr qu’il en sera convaincu.
Pourquoi une telle démarche ?
Le plus important est que les gens comprennent que Toulon n’est pas construit sur de l’argent. Il y a bien sûr un modèle économique mais aucun modèle ne peut fonctionner s’il n’y a pas des sentiments, des envies communes et du partage. On a ces valeurs mais on ne les met pas en avant. Sans ça, rien ne fonctionne. Nous ne sommes pas le club le plus riche et je ne suis plus un président mécène. J’avais une Ferrari : maintenant, les gens face à moi ont des Boieng ou un jet privé. Moi, je n’en ai jamais eu. Ça me fatigue qu’on soit la représentativité de l’argent alors que d’autres clubs en ont beaucoup plus que nous. Nous ne sommes pas un club faussé par l’argent. Aujourd’hui, trois clubs ont un modèle économique : Toulouse, Toulon et Perpignan. Tous les autres sont dépendants de quelqu’un et ils sont sous perfusion.
Le RCT est aussi un club qui fascine…
Oui, il y a le côté du Sud qui fascine. Nous sommes un peu différents dans l’excès. Rien n’est prévisible. C’est plus conventionnel dans d’autres clubs, avec moins de surprises. J’ai beaucoup de respect pour le club de Lille en football. C’est une belle équipe mais qui n’aura jamais l’aura de l’Olympique de Marseille.