Source :
http://www.lindependant.fr/2013/09/12/je-ne-suis-pas-un-mercenaire,1789207.php
Photo : Max Berullier
Un 'Combi' Volkswagen et une 'Cox' garés devant une coquette maison de Pérols. Pas de doute, c'est bien ici, dans la périphérie de Montpellier, entouré de son épouse et ses trois enfants, Louis, Pierre et Constance, que Nicolas Mas débute sa nouvelle vie. Sous les couleurs du MHR qui se présentera, demain soir, à Aimé-Giral (18h45). En attendant de retrouver l'USAP, le 'Bus' a accepté de se confier à L'Indépendant, chez lui après l'entraînement de mardi après-midi.
Quelles sont les vraies raisons de votre départ de l'USAP ?
J'avais peut-être fait le tour de l'USAP et j'avais besoin de me relancer pour finir ma carrière. J'étais arrivé à un point où je ne pouvais pas continuer, à la fin d'un cycle. J'y étais depuis 14 ans, j'ai eu mes années de 'gloire' car on a connu quelques belles saisons avec ce titre en 2009. J'avais peut-être vécu trop de choses avec Perpignan et envie d'en vivre autre part. Il fallait que je tourne la page.
La rupture a-t-elle été surtout d'ordre affectif ?
Oui c'est vrai, il y a une part de cela. Après, c'est ma décision. Je suis un grand garçon. J'ai connu beaucoup de générations à l'USAP, d'entraîneurs, de présidents. Voir mes collègues partir tous les ans m'a affecté comme cela avait été le cas à l'époque avec Peillard, De Besombes, Konieck, Meya. La jeune génération arrive. Peut-être que je n'avais plus ma place dans ce groupe et j'ai voulu passer à autre chose.
Aviez-vous des divergences philosophiques au niveau du rugby pratiqué ?
Non, le jeu que propose Marc Delpoux est très ambitieux et a fait ses preuves à Bordeaux. A l'USAP, il y a une identité, nous avions un jeu spécial, d'avants. Cela a beaucoup changé, je ne suis peut-être pas fait pour ce jeu-là, je ne m'y suis pas retrouvé. Ce qu'il proposait fonctionnait, donc ce n'est pas par rapport à ça.
Le fait que Paul Goze, alors président, ait déclaré que le dossier Mas n'était pas une priorité du recrutement a-t-il pesé dans votre choix ?
Non. L'USAP ne m'appartient pas, toutes les générations sont de passage. Je savais qu'un jour ça m'arriverait, mais peut-être pas de cette façon.
Cette 'façon' que vous évoquez, c'est votre sortie sur blessure par la petite porte ?
Je suis parti comme je suis arrivé. C'est vrai que je n'ai pas eu de chance, je me suis blessé au genou contre Toulouse (lors du succès catalan, 30-19, en quarts de finale d'Amlin Cup le 5 avril 2013, son dernier match avec l'USAP, ndlr). Je n'ai pas pu partir autrement, la vie est ainsi faite. "J'ai failli resigner à l'USAP, mais je devais passer à autre chose"
L'entretien avec Daniel Besson, successeur de Goze et ex-boss du club, au retour de votre tournée de novembre 2012 avec les Bleus a-t-il failli vous faire changer d'avis ?
Franchement, oui. Il a été très bien avec moi, il a fait des efforts, je n'ai pas été insensible à sa démarche et j'ai failli resigner à l'USAP d'autant que je n'avais pas paraphé de pré-contrat à Montpellier. Mais, je devais passer à autre chose, c'était clair dans ma tête.
Toulouse vous avait courtisé il y a quatre ans en vain, pourquoi avoir accepté l'offre des Montpelliérains ?
Oui, Toulouse m'avait sollicité. Je n'avais pas donné suite. Ma priorité, c'était l'USAP où ça se passait très bien. Cette fois, c'est dans d'autres circonstances, ma situation familiale est différente. Il y a aussi le fait que la Coupe du monde se tienne en 2015. Plein de choses ont fait que je suis parti. Je n'ai pas pris ma décision sur un coup de tête. Cela a été réfléchi, je ne suis pas fou.
D'autant qu'un dernier bon contrat ne se refuse pas...
Cela n'a rien à voir. Les dirigeants de Montpellier avaient vraiment la volonté que je vienne. L'attention qu'ils ont eue envers moi a été un des éléments de mon arrivée. Le discours du président et des entraîneurs était ambitieux. Le recrutement fait me donnait des certitudes, donc j'ai signé. "Il y a des moments où j'avais envie de souffler et je ne pouvais pas"
Avez-vous trouvé ce que vous êtes venu chercher à Montpellier ?
Ici, je suis bien installé avec ma famille. Rugbystiquement, je me régale. On sort de trois victoires en 8 jours, c'est positif. Il y a ce déplacement à Aimé-Giral qui est assez périlleux.
Remplaçant lors des deux premières journées de Top 14, comment avez vous vécu cette situation inhabituelle pour vous ?
Bien, car 'Maxi' (Bustos) est un très bon joueur. Il est en place à Montpellier depuis deux ans. Moi, j'arrive, je commence à connaître le club, les joueurs, c'est un peu difficile de s'adapter. En même temps, ça me fait du bien aussi de pouvoir souffler, de ne jouer que 40 minutes c'est moins pesant. Désormais, il faut que je fasse attention à ma récupération et ça me va bien comme ça.
Avez-vous un deal avec le MHR pour qu'il vous 'économise' ?
Bien sûr. On me dit assez que j'ai 33 ans. Dans ma tête et mes jambes, ça va. La Coupe du monde est en 2015, c'est prêt et loin en même temps. J'avais besoin d'une garantie dans le sens où je ne pouvais pas continuer avec le rythme que j'avais à l'USAP où je jouais tous les matches. On dira évidemment que j'étais souvent en équipe de France. C'est vrai que l'an dernier je n'ai pas trop fait de matches avec l'USAP, mais à chaque fois que je jouais, je n'ai jamais triché. J'ai toujours répondu présent même si parfois ce n'était pas facile. Vu que j'étais capitaine, il était normal que je joue mais il y a des moments où j'avais envie de souffler et je ne pouvais pas.
Etre simple soldat dans l'Hérault vous convient-il mieux qu'être capitaine à l'USAP ?
Ça me va, même si on a le droit de parler, il n'y a pas de Kommandantur... Fulgence (Ouedraogo) est le capitaine mais si on a envie de dire des choses on les dit. Cela aussi me fait un peu de bien de pouvoir uniquement me concentrer sur mon poste. Ça me soulage et me libère. "Ce qui me plaît, c'est que j'apprends encore"
Malgré votre expérience, repartez-vous de zéro ?
Oui, pour moi c'est un gros changement. Déjà, j'ai déménagé, je n'ai plus mes repères. Ensuite, je suis comme un jeune, il faut que je fasse mes preuves. Cela me permet de retrouver une seconde jeunesse. Ici, c'est très différent. C'est aussi ce que je voulais voir, d'autres formes de travail et d'entraînements. Ce qui me plaît, c'est que j'apprends encore et c'est important.
A la publication du calendrier du Top 14, avez-vous coché la date de votre retour à Perpignan ?
Ce n'est pas moi qui ai regardé, mais ma femme ! C'est sûr, ce sera un match particulier mais je relativise. Je suis passé par tellement de choses dans ma vie. A un moment, j'ai peut-être cru arrêter le rugby avec mes problèmes aux cervicales. Cette rencontre est importante, mais ça reste un match. Le plus dur sera de rencontrer mes amis, Guilhem (Guirado), David (Marty), 'Pedro' (Pérez), tous ces mecs-là, ça me fera quelque chose. Après le reste, c'est du pipi de chat.
"J'ai reçu une lettre me traitant de renégat"
On vous imagine gonflé à bloc...
Oui j'ai envie de revenir, de montrer que la décision que j'ai prise était bonne. Je n'ai pas à me justifier, mais je ne suis pas un mercenaire comme j'ai pu l'entendre. J'ai même reçu une lettre me traitant de renégat. Que les gens acceptent ma décision. Il faut qu'ils se mettent à ma place, qu'auraient-ils fait s'ils avaient eu cette opportunité ?
Serez-vous étreint par une vive émotion à Aimé-Giral ?
J'y pense mais je ne vais pas me mettre la pression. C'est sûr que ça me fera bizarre quand j'arriverai vendredi à Aimé-Giral. C'est ma maison, j'ai vécu là-bas, j'y ai joué 14 ans, ce n'est pas rien. Au lieu d'aller à gauche (les vestiaires catalans), j'irai à droite. C'est le rugby de maintenant, c'est comme ça. Je ne veux pas me vanter, mais je pense que des joueurs qui auront fait tant d'années dans le même club, ça n'existera plus. C'est normal, c'est la loi du sport. Ce sera un moment spécial pour moi.
Vous attendez-vous à être sifflé à Aimé-Giral ?
Je m'attends à tout et à n'importe quoi. Mais franchement, certains le feront, d'autres non. Nicolas Mas est parti vers d'autres cieux, à Montpellier où il finira sa carrière, avec l'espoir de jouer la Coupe du monde 2015.