Je fais remonter ce post car un très bel article vient de paraître sur FBR.
Déjà que j’adorais le rugbyman. Mais en lisant cet article, je peux aussi dire beaucoup apprécier l’homme. On découvre un peu plus l’homme, lui qui ne s’est que très peu livré jusqu’à présent. Son parcours. Ses galères. L’éloignement. La famille. La fête. La remise en question. Et enfin l’USAP.
Et dire qu’il ne vient de faire que 24 ans le garçon...
Continue comme ça Adrea, tu as tout pour devenir un futur très grand. Si possible à l’USAP, ça serait parfait ^^
https://www.francebleu.fr/sports/rugby/adrea-cocagi-usap-au-nom-des-siens-1523891438
USAP : le centre fidjien Adrea Cocagi, au nom des siens
Depuis tout petit, Adrea Cocagi veut jouer au rugby pour faire vivre sa famille. Dans un parcours semé d'embûches, il réussit à avancer. Il rêve de Top 14 et surtout que ses parents le voient un jour jouer au rugby. Pendant ce temps, les supporters de l'USAP admirent ses tampons.
Derrière les gros bras, le coffre et la puissance physique d'Adrea Cocagi comment peut-on se douter que se cache une sacrée histoire ? Une histoire mais surtout un combat qui le fait avancer depuis tout petit et
cette promesse faite à seulement six ans : "
Comme tous les petits garçons aux Fidji, j'ai voulu jouer au rugby pour pouvoir un jour aider ma famille. C'est la première chose qui nous vient à l'esprit, c'est la seule façon de pouvoir gagner de l'argent un jour et d'aider sa famille."
Adrea Cocagi a grandi à Nuku, tout au sud des Fidji, dans un village d'une centaine d'âmes, bien loin des grandes villes, des emplois et de beaucoup d'autres formes de modernité. Le petit Adrea est bon au rugby, très bon même, et son parcours ressemble à celui d'un îlien prédestiné à jouer en Europe. Après une parenthèse treiziste, il franchit le pas non sans douleur.
À 18 ans, il part pour l'Italie et rejoint le club de L'Aquila.
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Ça a été très difficile de quitter ma famille et les Fidji. Je les aime tant. J’ai une très grande famille (neuf frères et une sœur). Malheureusement, je ne pouvais pas rester avec ma famille, elle aurait dû me nourrir et m’aider alors que c'était à moi de le faire. Quand je suis arrivé en Italie, ça a été très dur, personne ne m’a aidé. Je devais me débrouiller tout seul à 18 ans, loin des miens. Pour les jeunes fidjiens c’est compliqué de vivre en centre de formation, vivre avec des gens qui ne parlent pas ta langue. Je me suis retrouvé totalement seul et sans savoir quoi faire ni comment."
À Paris, il donne un tournant à sa vie et à sa carrière
L'expérience italienne ne dure qu'une année et Adrea Cocagi voit encore plus grand, il signe au Stade Français.
Le jeune îlien de 19 ans, qui a grandi dans un tout petit village, se retrouve lâché dans Paris. "
Paris, c’était immense pour moi. Encore une fois, c’était compliqué pour communiquer. Ça a été très difficile, quelques joueurs m’ont aidé un petit peu à m'intégrer. J’avais surtout des amis qui aimaient beaucoup sortir et boire de l’alcool. Quand tu as 19 ans et que tu peux le faire, tu tombes vite là-dedans. Moi, j’aimais ça et donc j’ai suivi ces amis. Ça a eu des conséquences sur mes performances aux entraînements. J’ai réussi à comprendre que ce n’était pas bien et que je devais me reprendre car je m'éloignais de mon but. Il me restait un an à jouer à Paris, mais j’ai demandé à mon agent de me sortir de là et de me trouver un autre club."
Le tournant dans la carrière et même dans la vie d'Adrea Cocagi se trouve bel et bien là.
Beaucoup de jeunes îliens complètement déracinés et non accompagnés peuvent vite basculer dans le néant. Le suicide d'un jeune pilier fidjien de Tarbes en novembre dernier a (un peu) ouvert le débat.
Les pièges pour un jeune Fidjien en France sont nombreux, le parcours semé d'embûches : "
C’est un réel problème pour tous les îliens. Quand ils viennent là, ils se retrouvent vite confrontés à de graves problèmes. La barrière de la langue est déjà quelque chose de très dur pour nous. C’est important d’apprendre à parler français. L'éloignement avec la famille est terrible. Dès que tu apprends une mauvaise nouvelle dans ta famille, tu ne peux plus te concentrer sur le rugby, tu veux rentrer à la maison et c'est pour cela que beaucoup abandonnent."
Le caractère d'Adrea Cocagi est bien loin de l'image du rude rugbyman qui assène plaquage sur plaquage cette saison à Aimé-Giral. Il a cette espèce de timidité quand vous lui parlez mais cette profonde envie de partager, d'échanger. "
Il a un profond respect des gens", résume un de ses coéquipiers. Il est aussi lucide et a son avis tranché : "
Chaque club veut son joueur fidjien", résume-t-il. Chaque supporter appréciera les capacités physiques de ces joueurs sans se douter ni se soucier du chemin parcouru pour en arriver là, des difficultés passées ou actuelles.
"Je sais que les gens m'adorent pour mes tampons, moi je veux juste qu'ils soient heureux."
Après Paris, Adrea Cocagi rejoint donc Tarbes puis Perpignan. Il retrouve le fil et fonde aussi une famille. Sa femme et son fils continuent de façonner l'homme et de construire son équilibre. L'USAP était certainement le club qu'il fallait au colosse : "
Le club m’a choyé, beaucoup de gens m'ont aidé et je leur en ai énormément demandé pour trouver un appartement, m'organiser pour les transports, etc. Il y a les dirigeants, le staff et des mecs comme Mafi, Piukala, Pulu, Tuilagi".
Les yeux qui brillent, le grand timide se dévoile et fend l'armure.
À Perpignan, Adrea a commencé à trouver ce qu'il espérait en Europe : de l'aide pour devenir un homme avant d'être un grand rugbyman. Sportivement, il clame aussi son amour à Patrick Arlettaz qui a su lui donner de nouvelles armes et des solutions dans son jeu il y a un an.
"
Oui, pour moi c’est mieux ici, la vie est comme aux Fidjis. Je me sens bien, je peux me concentrer sur mon rugby. Je me relaxe, je suis détendu, je peux rester à la maison avec ma famille. On va à Canet, on se promène, on visite des endroits. Je me suis fait des amis ici, des Français, des gens qui me donnent de l’affection à moi et à ma famille. On m’invite à manger. Ils m’aident à m’intégrer socialement."
Et puis il y a le rugby et cette superbe saison que réalise Adrea Cocagi. S'il commence tout doucement à parler français, il se plaît à préciser que
les supporters lui ont appris un mot : "tampon". Ah les tampons d'Adrea Cocagi ! "
Je sais que les gens m’adorent pour ça. Moi je veux juste que les gens soient heureux. Je sais aussi que ça donne de la confiance à mes coéquipiers et c’est ce que je veux. Je suis là pour les aider. Et quand je fais un plaquage et que j’entends les "ouhhhh" du public, j’adore ça, je sais qu’ils aiment ça. Je veux continuer à le faire."
Pour parler de ses plaquages, Adrea Cocagi, le faux timide finalement, pourrait disserter pendant des heures et vous trouver de longues explications et de fortes symboliques à ce geste.
"Il n'y a pas que moi qui aime ça, regardez Maf (Mafi), Sione (Piukala), Mamea et Lala (Lam). On est comme ça les îliens, on aime renverser l'adversaire. Quand je fais ça, dès le premier plaquage, je veux que mon vis-à-vis ait peur de me recroiser. Après le match, c’est mon ami, mais pendant le match je suis là pour l’effrayer. Et pour mettre une équipe en confiance, il n'y a pas mieux qu'un gros plaquage."
"Je veux rendre ma famille fière et pas uniquement en lui envoyant de l’argent mais en gagnant aussi des titres avec l’USAP."
La fierté de ses plaquages semble immense pour Adrea et rien ne semble lui faire plus plaisir, à voir son sourire, qu'un supporter qui vient lui taper sur l'épaule à la sortie des vestiaires en lui disant "Beau plaquage". Adrea Cocagi ne fera pas de long discours pour répondre à ces supporters, mais au fond de lui, la fierté est grande car
chaque plaquage, chaque match gagné est une victoire et une étape supplémentaire dans sa vie.
Ses rêves sont à la fois fous, forts et simples : "
Je ne peux pas dire encore que je suis un homme heureux. J’ai beaucoup de choses à faire dans ma vie. Mais je peux vous garantir qu’à chaque fois que je rentre sur un terrain, j’ai quelque chose à accomplir. Je veux marquer un essai, faire un tampon. Mes buts aujourd'hui c’est d’aider mon équipe à monter en Top 14 et surtout de rendre ma famille fière, je sais qu'elle l'est mais Je ne la rendrai pas fière uniquement en lui envoyant de l’argent et en l’aidant à vivre, mais en gagnant des titres avec l’USAP. Aux Fidji, il est possible de voir quelques matches à la télé. Mes parents ne m’ont jamais vu jouer au rugby, ils ont juste vu des photos. En Top 14, ils arriveront à voir des matches."
Adrea rêve de faire venir sa famille en France, sûrement de lui montrer à quel point le public d'Aimé-Giral l'a adopté. Son rêve, c'est aussi d'emmener son père, très catholique, au Vatican.
Rendre sa famille fière et heureuse, voilà le moteur d'Adrea Cocagi qui pourrait fait siens ces mots de l'hymne fidjien : "
Une terre de liberté, d'espoir et de gloire pour endurer tout ce qui peut arriver."
- Nuku, le village d'Adrea Cocagi
Nuku est un petit village tout au sud des Fidji. Il fait partie de la province de Serua (moins de 20.000 habitants), une des quatorze provinces de l'île.