Titulaire en 8 et auteur d’une saison pleine, Damien Chouly retrouve cet été cette USAP avec laquelle il s’est enivré.
Dix ans plus tard, Damien Chouly va retrouver l’USAP cet été. Au soir du 6 juin 2009, le troisième ligne s’était démultiplié pour battre Clermont (24-18) soulever ce Brennus que la Catalogne attendait depuis un demi-siècle. Jeune international et capitaine de touche à 23 ans, Chouly se souvient.
Quelle était votre force principale en 2009 ?
Être constant déjà et après, sur les phases finales, c’était dans la lignée de la saison. Pour la plupart, on ne savait pas trop, ça s’était bien passé à Lyon, en plus contre le Stade Français (25-21), un match où on arrive à s’en sortir notamment par l’exploit de Max (Mermoz) sous une chandelle qui va marquer. Il y a deux, trois déclics qui font qu’on sent que ça ne peut pas trop nous échapper. Et puis en finale, on était porté par la ferveur qu’il y avait autour. Pour moi c’était assez nouveau. On s’est laissé un peu porter par ça, avec certainement de l’insouciance aussi. Et une place d’outsider parce que Clermont, c’était leur troisième finale d’affilée. On s’est dit : "on va y aller tête baissée et puis on verra". Au final, ça a souri. C’est vraiment la constance pendant l’année que je retiens. Les résultats suivaient peu importe l’équipe qu’on mettait.
"On pouvait pas aller chercher le pain sans que ça klaxonne"
L’engouement vous avait-il marqué ?
Sur le sprint final, on pouvait pas aller chercher le pain sans que ça klaxonne. On le vivait souvent parce qu’il y a un public qui pousse fort toute l’année mais là, sur les phases finales, c’était exacerbé. On se rendait compte de ce qu’on pouvait apporter à tous ces supporters.
Vous étiez jeune. Comment supportiez-vous la pression ?
La saison d’avant j’étais frustré : j’avais joué toute la saison et j’étais remplaçant pour les phases finales. Ça m’animait. C’est vrai qu’il y avait une pression, mais on était outsider. Il y avait une pression positive, celle de bien faire.
Vous cumulez le deuxième temps de jeu de l’effectif cette saison-là.
J’arrivais de Brive, j’avais joué régulièrement pendant deux ans. Mais avec une équipe qui jouait le haut de tableau, c’était la première fois. La saison d’avant je jouais beaucoup, mais pas les matches importants. Là, j’ai eu l’occasion de jouer et m’exprimer. C’était top. Franchement, avec le recul, c’était une très bonne saison pour moi. Il y en a eu d’autres, jusqu’en 2017 on va dire.
"J’arrive dans un autre club"
Certains décrivent une ambiance de colonie de vacances : le rugby n’était pas un travail cette année-là ?
C’est ça. Bon après c’était il y a dix ans, aujourd’hui les quotidiens sont beaucoup plus calés, plus professionnalisés. Déjà, on s’entraînait toujours sur Aimé-Giral. Notre terrain du week-end c’était notre quotidien. Ça participait à s’approprier le lieu et se sentir vraiment chez nous, à la maison. C’était important. On arrivait le matin au vestiaire, personne ne parlait forcément de l’entraînement ou du match. C’était toujours des conneries, Bozzi, Candelon ou n’importe qui, David Mélé… Jusqu’à cinq minutes avant la vidéo, c’était la colonie de vacances. Mais après, sur le terrain, ça travaillait.
Dix ans plus, ce n’est plus le même club que vous retrouvez.
C’est ça. J’arrive dans un nouveau club. Même si je connais la région et l’institution USAP, aujourd’hui il n’y a plus grand monde, hormis au niveau administratif, de cette époque. J’ai joué avec deux, trois très jeunes joueurs à l’époque, Vivalda, Ecochard, Carbou…
Ressentez-vous un devoir de transmission ?
C’est à mon tour, oui. J’essayerai de partager ce que je peux, avec grand plaisir selon les besoins et la demande. Comme je dis, j’arrive dans un nouveau club et déjà je dois m’intégrer dans ce groupe et avec les entraîneurs. Évidemment je connais Perry (Freshwater), on a joué ensemble, mais ce sera différent il est entraîneur. C’est un challenge intéressant.
Vous et les autres internationaux (Guirado, Mas, Mermoz) avez été privés de Castillet.
C’est resté jusqu’en 2017 (il gagne un Brennus avec l’ASM). La plus grosse frustration de ma carrière. Je me souviens on prend l’avion, on part en Nouvelle-Zélande. On regardait les vidéos sur Youtube, les larmes aux yeux. Dégoûtés. C’était affreux, affreux d’avoir bataillé toute l’année pour ça et ne pas pouvoir le partager avec la famille, les amis et les supporters. Vraiment très, très frustrant. C’est pour ça qu’en 2017 j’en ai bien profité. Si je n’avais pas eu l’occasion de le gagner une autre fois, je l’aurais eu en travers de la gorge toute ma vie.
Pierre Cribeillet