L arbitre s attire aussi les foudres de ce public. Est-ce légitime ?
*Ça fait partie du rapport de force. Moi aussi je peste de temps en temps contre les arbitres. Pour l instant on est arbitré comme un petit du championnat, et on sait qu il y a plusieurs façons de voir une équipe : de temps en temps, on est plus regardés que d autres, les fautes que l on fait sont de suite sanctionnées, c est un peu plus permissif pour les autres. Je comprends l agacement à un moment donné, ça fait partie du jeu mais de temps en temps effectivement c ;est un peu embêtant. On ne peut pas ignorer le fait qu on est arbitré comme un petit, mais on est un petit. On est un promu, qui vient de monter, avec le plus petit budget. L arbitre devrait être complètement impartial, mais ça n existe pas, c est un être humain, et à un moment donné il supporte plus la faute par un international, que par un joueur qu il connaît pas et qui vient de Pro D2. La même faute va pas toujours être vue de la même façon. C est une réalité. Après, de nouveau, même sur les arbitres ; on a le droit de critiquer, de montrer qu on n est pas d accord, il faut pas que ça dépasse le cadre du sportif, et du fait qu on critique sa façon d arbitrer. Et pas aller jusqu à l homme en lui-même.
En Challenge Cup contre Sale (défaite de l USAP 24-41) ; l arbitre était... (il sourit) ça c est parce que c est une femme qui m interviewe ; vous allez voir la question en découle ; Oui j ai bien compris ! Il s agissait d une arbitre femme (l Irlandais Joy Neville, NDLR).
Les attaques dont elle fait l objet à la fin du match, qu en pensez-vous ?
Certes il y a avait des erreurs d arbitrage, mais puisque vous n aimez pas les attaques personnelles que pensez-vous des réactions ?
Moi je n'ai été élevé que par des femmes ; : j ai une mère qui a deux sœurs célibataires, j ai deux sœurs, ma femme a deux sœurs, ma grand-mère avait une sœur, mon père avait une sœur, donc je suis très loin du sentiment macho, et j ai des femmes militantes dans ma famille avec un fort caractère. Donc très vite je me suis aperçu que le machisme primaire ça m était interdit. Donc je suis loin là-dessus. Il n empêche que ce serait une évidence de dire qu on est dans un milieu un tout petit peu macho quand même, c& est un milieu de mecs, pratiqué par des mecs pendant plus de cent ans et exclusivement par des mecs, où on vit entre mecs pendant très longtemps. Y a le rugby féminin maintenant qui prend de plus en plus d ;importance, mais c est neuf dans l histoire du rugby. Et en l occurrence là on est arbitré par une femme, ce qui n est pas coutumier du fait. Donc je vais dire encore une fois : toutes les attaques machistes qui s en sont suivies, les attaques faciles de sexisme, je suis contre. Par contre Je vais juste placer quelque chose, pour vous les femmes parce que c est une vérité, et parce que peut-être 3000 arbitres sont passés à Aimé-Giral depuis que l& USAP joue au rugby. Beaucoup d arbitres se sont faits brocarder à la sortie du stade, huer, vilipender Dans ce cas, on ne peut pas dire que beaucoup lui ont fait des insultes en anglais Je pense qu elle n a pas compris la moitié des insultes, ce qu& elle a compris c est qu il y avait une atmosphère négative autour d elle, comme plein d arbitres. Mais aucun arbitre n est sorti du terrain en applaudissant le public, en se moquant de lui, en étant hautain comme elle l a été. Aucun ! De tous les arbitres qui ont été à Aimé-Giral ! Aucun n est sorti comme ça. D un côté bien évidemment, je condamne toutes les attaques sexistes, machistes.
Moi aussi j ai trouvé qu on n avait pas été bien arbitré, mais je ne l ai jamais pensé parce que c était une femme. Mais parce que c était un arbitre anglo-saxon qui arbitrait des Français contre des Anglais, que ça cumulait avec un promu. Je l ai mis sur ce registre-là, et pas sur un autre. Après, son comportement à la sortie, qu elle soit femme ou pas femme, j ai trouvé ça grandement déplacé. Je juge l individu, et pas le fait que ce soit une femme. Il se trouve que c est la première fois que je voyais ça. Au stade toujours, la peur du jugement des supporters qui pourrait se ressentir chez les joueurs, serait-elle un ressort pour les galvaniser
Le soutien à toute épreuve et la clémence ne desserviraient-ils pas les joueurs ?
La peur en rugby elle existe depuis la nuit des temps. La peur, selon ce que vous en faites ça peut galvaniser, ça peut tétaniser. Depuis la nuit des temps, on sait que la peur est nécessaire. Parce qu on va dans des domaines en rugby qui touchent le corps, la souffrance physique la plus primaire qui existe, car ça n est pas naturel d aller se mettre des coups avec un ballon ovale au milieu du terrain à quinze contre quinze. C est pas naturel ! On se lève pas le matin, en se disant : Tiens, si j allais rentrer dans un mur manière de me faire plaisir. La peur permet d aller chercher des ressorts comme ça pour se galvaniser.
Mais la peur du public et des critiques du public, puisqu on en vient là, elle ne serait utile que si les joueurs ne se donnaient pas à 100 %. Comprenez, vous mettez un âne qui tire une charrette qui est pour l instant un petit peu trop forte ou trop lourde pour lui, s il donne tout ce qu il a et que vous lui donnez des coups de bâtons, le risque que vous avez c est qu il s arrête de pousser. Il peut pas pousser plus puisqu il pousse à son maximum. Ce que vous devez faire c est l encourager pour qu il continue de pousser jusqu à ce que la charrette bouge. C est une image comme ça, mais c est exactement ça. C est pour ça que j encourage les supporters à faire ainsi : tant que les joueurs donnent 100 %, il faut les encourager, ce n est qu en continuant de les voir se donner à 100 % qu on arrivera à des résultats. Si les joueurs ne donnaient pas 100 % de ce qu ils ont, que vous me disiez que les critiques sont utiles peut-être à ce qu ils se bougent le cul un peu plus, je pourrais l entendre. Mais le fait de leur donner des coups de bâtons, alors qu ils donnent à 100 %, ça aurait l effet inverse. Ça serait pour un public qui ne le mérite pas qu on donne 100 % et on se ferait critiquer alors qu on donne 100 % ? Bon beh on va arrêter. On prendra des coups de bâtons mais au moins on se cassera pas le cul sur le terrain. C est le seul risque qu il y ait. C est pour ça que je trouve le public suffisamment intelligent pour dire : Ouais, vous vous donnez à 100 %, on le reconnaît, on vous accompagne, on vous encourage à continuer à donner 100 %. Car c est que comme ça qu on arrivera à avoir des résultats. Donc pour le moment la critique du public est constructive, il aurait dû taper, pas taper, faire la passe, pas la passe, il aurait pas dû faire cette compo Arlettaz, ou en faire une autre, lui il aurait dû jouer : je comprends celles-là et j ai aucun souci là-dessus. Par contre, pendant le match et sur l après-match, la reconnaissance de leur engagement est nécessaire, et non pas de leur taper dessus alors qu ils ont donné 100 %, tant ça serait contre productif. Par contre le jour où le public sent que les joueurs ne donnent pas 100 % de ce qu ils ont, qu ils viennent taper, oui ! Je suis d accord avec ça, c est vieux comme la nuit des temps, bien sûr ! Mais moi aussi je tape quand on a l impression qu on donne pas à 100 %. C est aussi mon boulot à moi, et que je sois aidé par le public là-dessus d accord très bien. Et qu ils me tapent dessus s ils considèrent que je donne pas à 100 %, moi j accepte, ça fait partie du jeu, y a aucun souci là-dessus.