Vuli a changé pour le plaisir
RUGBY - FÉDÉRALE 1Vuli a changé pour le plaisir
Il aurait dû être boxeur professionnel ou un honnête pilier droit. Mais le refus de sa maman et la rencontre avec un coach néo-zélandais ont bouleversé son existence. Sunia Koto Vuli sera talonneur. Et sans doute le meilleur de son pays.
“Si tu ne bouges pas, tu es mort”. Dicton Hindi - la 2e langue des Fidji-. Dicton de Sunia Koto Vuli, le talonneur qui a rejoint l’AS Mâcon cette année après sept saisons à Narbonne. « L’origine de mon nom vient de mon grand-père qui est parti de sa petite île natale pour rejoindre la capitale Suva. Vuli veut dire changement, de vie, d’éducation… » raconte l’ex-international aux 51 capes dont la première a influé sur toute sa carrière.
Mais revenons au point de départ. À 16 ans, Sunia est un garçon un peu turbulent, qui fréquente l’unique club de boxe de son petit village situé à quelques kilomètres de la métropole fidjienne Suva. En rentrant de l’entraînement un soir, il demande à sa maman de participer à des combats. « Elle a refusé, elle avait peur pour moi » se souvient Sunia. Obéissant, le garçon baisse la tête et dès le lendemain, rejoint l’école de rugby. « J’étais déjà bien costaud pour mon âge. Le rugby aux Fidji, c’est notre religion » raconte-t-il.
Sunia devient pilier droit mais ne sait pas encore que son destin changera un jour d’octobre 2004.
Une première cata
Sunia Vuli est revenu depuis moins de deux ans d’Australie où il a joué pour le Warringam Rugby Club comme professionnel. À
24 ans, il est désormais un pilier droit connu et reconnu dans son île. Sélectionné régulièrement avec les Fidji Warriors - la 2e équipe nationale-, le staff fidjien lui donne enfin sa chance face aux Maoris de Nouvelle-Zélande, l’antichambre des All Blacks. « J’étais nerveux, excité aussi. Jouer pour mon pays avec la première équipe c’était magique » se remémore l’ex-Narbonnais.
Le 16 octobre 2004, à l’Anz Stadium de Suva, devant sa famille, ses proches et près de 15 000 supporters, Sunia Koto Vuli est lancé dans le grand bain. Mais pas à droite de la mêlée comme à l’accoutumée. « Quelques jours avant le match, les deux talonneurs se sont blessés. Le coach néo-zélandais Wayne Pivac m’a demandé de jouer à ce poste. J’ai dit oui parce que j’avais envie de jouer » explique le néo-Mâconnais.
La suite ressemble à un cauchemar. Trois lancers sur quatre perdus, un placement approximatif sur le terrain, en mêlée, « c’était la première fois que je jouais talon, c’était une catastrophe » sourit aujourd’hui Sunia Vuli. Mais sa bonne étoile ne le laissera pas tomber. Malgré la défaite 29-27, l’homme est prêt pour sa mue. « J’avais la confiance du coach, qui m’a dit de travailler très dur » confesse-t-il. Et Vuli bosse. Comme un dingue pour rattraper le retard. Un mois après, il est en Europe pour la traditionnelle tournée de novembre au cours de laquelle il affronte le Pays de Galles, l’Italie et le Portugal. Dès lors, il ne quittera plus l’escouade fidjienne.
Le talonneur le plus capé de l’histoire fidjienne
Preuves. Trois Coupes du monde comme titulaire au poste, 51 sélections. À 36 printemps, il est le talonneur le plus capé du pays. « C’est un honneur pour moi. Je veux remercier ma maman qui a refusé de me donner la permission de boxer et je veux remercier aussi mon coach Wayne Pivac, qui m’a offert l’opportunité d’être talonneur » insiste respectueusement Sunia.
C’est pendant la Coupe du monde 2007 qu’il découvre la France. Et l’envie de s’y installer. « J’étais aux London Welsh et l’année suivante, j’ai signé à Narbonne. Là-bas, tout respirait rugby ». Mais le changement, c’est dans sa nature. Sa raison de vivre. « J’avais perdu le goût du plaisir à Narbonne. Je voulais retrouver ça. Mâcon, c’est parfait pour moi. Je revis » déclare le père de famille - il a 3 enfants - qui se dit prêt à fouler les pelouses françaises jusqu’à ses… 40 ans. Ensuite, et seulement, ensuite, il retournera au pays, livrer ses secrets sur la mêlée. « La première ligne fidjienne a gagné le respect l’année passée en Coupe du monde. Avant, les avants n’aimaient pas ça. J’ai envie d’aider les jeunes Fidjiens, et de leur enseigner la culture de la mêlée ».