USAP-Béziers - Porical : "Jeune déjà, il y avait une grosse rivalité"
Héros du titre de 2009 avec l'USAP, l'arrière international Jérôme Porical (35 ans, 4 sélections) a terminé sa carrière à Béziers (2017-2020). Avant le derby de samedi (21h à Aimé-Giral), il se livre.
Vous avez pris votre retraite la saison dernière. Que devenez-vous ?
J'avais enchaîné sur l'entraînement, avec notamment le jeu au pied avec Béziers, sur toutes les catégories du club jusqu'aux pros : quatre, cinq heures par semaine en gros. En plus de ça, j'ai aussi un créneau de deux heures avec le centre de formation de Béziers pour entraîner les trois-quarts. Ensuite, j'ai été contacté par l'association de l'USAP, qui m'a aussi demandé de faire le jeu au pied avec les cadets et crabos du club ; j'ai accepté. Je venais le lundi à Perpignan pour leur faire une séance de jeu au pied, même si c'est arrêté avec le confinement.
Aviez-vous déjà entraîné des jeunes durant votre carrière ?
Je l'ai eu fait à Lyon
(2014-2017). J'y ai fini mon DE
(diplôme d'état), puisque j'avais passé une première étape en 2005, quand j'avais à peine 20 ans. Cette année-là, j'ai pris les crabos sur le jeu au pied. Ça m'avait déjà permis de voir si ça me plaisait. Ce diplôme me permet aujourd'hui de travailler dans une structure associative ou professionnelle. Ça me plaît ; c'est un arrêt en douceur puisque je garde un pied dans le rugby. Cette saison va me permettre de voir où j'en suis au niveau de l'entraînement, voir si ça me plaît, si je continue, etc. Pour l'instant, ça se passe bien.
Savourez-vous votre retraite ou ressentez-vous le manque des terrains ?
Cet été, on a pris du bon temps en famille, on a bien profité de la plage sans avoir d'objectif et besoin de faire attention à ce que l'on fait. C'était plutôt cool. Je m'étais quand même préparé psychologiquement à arrêter, même si j'aurais aimé que ça se fasse sans ce fameux Covid et que je puisse au moins faire mon dernier match devant mes proches. Malheureusement, ça n'a pas été le cas. Mais j'étais quand même préparé à arrêter donc ça va, je ne l'ai pas subi du tout. Ça ne me manque pas trop, si ce n'est lorsque j'allais au stade avant le confinement. Effectivement, là, tu as envie d'être sur la pelouse. Mais franchement, ça va.
Physiquement, vous respirez ?
Le corps se repose un peu, mais d'un côté il perd aussi le rythme. Je cours un peu pour m'entretenir un minimum, mais j'ai des vieilles douleurs qui ressurgissent, comme une pubalgie que j'avais pu avoir à mes 19 ans. Elle revenait de temps en temps sur les prépas physiques l'été. Le fait que le corps se soit mis en repos pendant quelques mois, quand tu redémarres la machine, tu as deux, trois douleurs. J'ai eu deux grosses blessures dans ma carrière, une cheville et un genou, mais j'avais plutôt bien récupéré. Je m'en tire pas trop mal.
"Pas facile de jouer contre l'USAP, d'autant plus avec le maillot de Béziers"
Que vous inspire l'USAP-Béziers de samedi ?
Même si c'est un temps que je n'ai pas connu, parce que je n'étais pas né, ça m'inspire des confrontations à l'époque du grand Béziers. Notamment lorsque mon père
(Gérald) jouait à Perpignan. C'était vraiment le gros derby, deux grosses écuries du championnat de France.
(il s'interroge) Enfin derby je ne sais pas, Narbonne était plus proche quand même. Mais quoi qu'il en soit, ça reste deux équipes de la même région, avec une grosse histoire et du coup, des matches qui sortent un peu de l'ordinaire. Je n'ai pu les connaître en tant que joueur qu'avec Béziers, puisque lorsque je jouais avec Perpignan, Béziers était en Pro D2. J'avoue que ce n'était pas facile pour moi de jouer contre l'USAP, ça ne l'a jamais été d'ailleurs, mais avec le maillot de Béziers encore plus.
Pourquoi ?
Je ne veux pas revenir sur toute l'histoire, mais signer à Béziers était compliqué dans un sens. C'était un club contre qui je jouais lorsque j'étais jeune à l'USAP et il y avait une grosse rivalité ; c'était déjà un derby. Quand tu es jeune, tu joues pour ton club, ton cœur, ton sang. À aucun moment je ne me disais qu'un jour je jouerais à Béziers, ce n’était pas possible. Du coup, ça a été compliqué d'y signer, mais je n'avais pas trop le choix non plus. Et pourtant, j'y ai vécu trois belles saisons, je me suis régalé et j'ai repris du plaisir à jouer au rugby. Il n'en reste pas moins que les matches face à l'USAP étaient très particuliers. Au final, je n'en ai joué qu'un, un mois après avoir signé
(21-8 en septembre 2017). Ensuite, j'ai été malade lors du match retour où on gagne
(22-23, janvier 2018). L'année suivante, l'USAP monte en Top 14 et l'an dernier, je suis blessé lors du premier match de championnat
(23-13, août 2019) et le retour n'a jamais eu lieu pour cause de confinement.
Sans regrets du coup ?
Non, je ne suis pas retourné à Aimé-Giral avec le maillot de Béziers et ce n'est pas une grosse déception, loin de là...
"Béziers, un public qui souffre mais qui sera toujours passionné"
Vous qui avez découvert l'envers du décor de Béziers, que retenez-vous de l'esprit de ce club ?
Un club historique avec un public de passionnés. Il y a eu des moments plutôt compliqués sur la dernière décennie, sachant que c'était un club qui avait l'habitude de jouer en première division. C'est un peu mitigé. Il y a des passionnés qui viennent au stade, mais tu sens toute cette histoire et les gens qui aimeraient que ce club redevienne un club fanion du Top 14. La passion peut vite basculer dans une atmosphère un peu négative, à l'image de ce qui s'est passé cet été. Aujourd'hui, avant le confinement, il n'y avait que 2000 ou 3000 personnes au stade, alors que lorsque je suis arrivé et qu'on s'est qualifié
(en phases finales), on a fait des matches à 8000, 10 000. C'est un public qui souffre de la situation du club, mais en même temps il est passionné et sera toujours.
Depuis sa descente en Pro D2 (2014), l'USAP ressemble plus à Béziers que lorsque vous évoluiez sous le maillot sang et or. Ces équipes sont-elles condamnées à être jugées en regard à leur passé ?
Le rugby a pris un gros virage avec l'ère professionnelle. On sent aujourd'hui que malheureusement, l'argent est le nerf de la guerre. Et ces deux clubs souffrent d'un manque d'argent. Les partenaires sont des gens de la région, même si on peut considérer François Rivière comme un mécène qui maintient en vie le club. À Béziers, c'est encore plus compliqué, financièrement parlant. Ces deux clubs, par rapport à leur histoire et la culture rugby, la passion ancrée dans ces régions, ce serait beau de les retrouver en Top 14. Mais malheureusement, aujourd'hui, il y a d'autres éléments qui font que c'est plus compliqué. Mais l'histoire, on la sent : ces deux clubs ne sont tout simplement pas à leur place.
À l'image de Toulon, il s'agit de clubs typiquement méditerranéens où le public peut pousser fort. Cela peut-il agir sur un match ?
Complètement. Alors celui-là, il va être particulier puisqu'il va se jouer à huis clos. Ça nivelle un peu les valeurs, même si l'USAP reste favorite par rapport à son effectif, ce qu'il produit depuis le début de saison et son classement aussi. Mais le public, dans ces deux clubs, prend une place importante et quand on est poussé par 10 000 personnes, ça change la donne. Ils ont besoin de leur public.
..........