USAP : Arlettaz dompte Arlettaz
En responsabilisant Gérald Bastide, Patrick Arlettaz, coach de l'USAP, assume son mea culpa et fait évoluer ses méthodes.
C’était en mai, le 24, dernier soir de l’USAP en Top 14.
"J’ai supplié Christian (Lanta) de prendre Gérald Bastide pour venir là-dedans… Parce que je sais que je ne peux pas être tout seul comme ça." L’Arlettaz patraque, cerné, décharné, tête basse, radoteur, malheureux comme les pierres, mais un brin possédé aussi par l’absurde de la saison, orientait les espoirs vers l’arrivée de Gérald Bastide. Le besoin de convoquer de nouvelles forces s’était fait lourdement sentir.
24 juin, jour de reprise. Petite phrase lourde de sens :
" des fois, des petits changements changent beaucoup de choses ". Ce lundi matin, troisième semaine de préparation, une séance comme une autre. Bastide, hyperactif, commande la séance de défense collective à grands coups de sifflets. Arlettaz observe, écoute, s’approche. Mutique. Il attend son tour, l’exercice sur l’attaque.
Prolongé malgré une saison ratée
Depuis deux semaines, la longue histoire de l’USAP et Patrick Arlettaz vient de connaître un nouveau tournant. Après ses années de joueur puis son rôle d’adjoint de Marc Delpoux lors de la première descente (2014), le Salanquais est revenu en 2016. D’une équipe aux abois, Arlettaz faisait de beaux champions et domestiquait la Pro D2 en moins de deux ans. Un coup de maître qui gonflait son crédit auprès d’un rugby français charmé par sa gouaille et le jeu virevoltant de l’USAP.
Un an plus tard, au délire a succédé la désolation. Mais face aux deux descentes, très différentes, il a eu deux réactions totalement opposées : en 2014, il refusait le poste de coach, en 2019 il en ressort renforcé, plus que jamais décisionnaire, plus que jamais comptable aussi des prochains résultats. Vieux routier du rugby français, Christian Lanta absorbait une grande partie de la pression environnante. Même si le détachement du "Professeur", passé des terrains aux bureaux, était déjà amorcé depuis plusieurs mois, Arlettaz sera en première ligne.
"J’ai récupéré pas mal de prérogatives de Christian mais ça se fait naturellement, commente Arlettaz. J’ai beaucoup appris de lui et ça m’aide aujourd’hui."
Sa prolongation en décembre, celle de son staff et du groupe qu’il a hissé en Top 14 ne pouvaient pas faire l’unanimité : quel club prolonge le coach qui le fait descendre ? Ici encore, c’est lui qui a travaillé pour faire adhérer les joueurs à ce projet sportif triennal.
"Il y a du Cyrano de Bergerac dans ce qu’on fait cette année (en Top 14) : il finit pauvre, non-populaire et meurt tout seul. Pas simple comme vie", imageait-il le 16 mai dans nos colonnes. Cette saison en Top 14 aurait pu être sa dernière à l’USAP. Même si personne ne lui enlèvera le titre de Pro D2, le passé, c’est le passé. Son mea culpa, morcelé, tardif, douloureux, s’est fait au compte-gouttes, au gré des interviews.
Au bout d’un système
En s’éloignant peu à peu de la pire saison de sa carrière, l’ancien centre semble revivre. L’âme de bâtisseur qu’il aime décrire (
"Je préfère entraîner Narbonne que le Racing 92", glissait-il un jour), aurait-elle refait surface ? Ce n’est plus ce dont a besoin l’USAP désormais. Après trois saisons au club, il a fait progresser son groupe et l’a stabilisé. Désormais, il lui faut le bousculer. Toujours le 16 mai :
"On a été beaucoup sur de la confiance, on va être beaucoup plus sur de l’exigence et de la concurrence."
Même s’il s’en est vigoureusement défendu, un certain conservatisme, un trop-plein d’affect dans les compositions d’équipe et le coaching pouvaient lui être reproché, tout comme la sempiternelle critique à son encontre, la trop grande priorité donnée au jeu d’attaque. Le débat ne sera jamais fermé. Mais en prolongeant son contrat de trois saisons, Arlettaz n’a pas voulu reproduire les mêmes erreurs. Gérald Bastide entre en jeu. Homme de confiance, gros caractère, technicien reconnu, spécialiste de la défense : outre Perry Freshwater en conquête, Gérald Bastide doit être le pilier qui compensera ses manques. Comme ses joueurs en fin de saison, il semble presque éprouver le besoin d’être bousculé, son feu et sa passion d’être maîtrisés.
Gérald Bastide, plus qu’un adjoint
"La vraie évolution c’est qu’on est deux sur le terrain. Même si c’est moi qui décide, je ne veux pas que Gérald soit là pour poser des plots. Il a une part importante à prendre dans ce projet-là." Au-delà de ses compétences techniques, Bastide va amener un nouveau discours et, par ricochet, raréfier et peut-être renouveler celui d’Arlettaz.
Toutes les routines doivent être brisées.
"Avant je cumulais, maintenant je partage avec 'Gégé'. Quand je faisais travailler la défense, il fallait que j’aie suffisamment de hauteur pour voir à peu près tout. Maintenant qu’il s’en occupe, je peux vraiment m’en détacher pour avoir l’œil plus global, si on veut schématiser." À 47 ans, le cuir tanné mais certainement pas sourd aux critiques, Arlettaz se sait attendu. Tous les projets du monde ne tiennent pas face à la défaite de trop.
Mi-mai, assis tribune Vaquer, il se projetait :
"On est condamné à être plus fort." Lui, comme tous les Usapistes.
Pierre Cribeillet