"Top 14 - Mathieu Acebes : ‘Aider l’USAP à retrouver son standing’"
"Pour cette saison en Top 14, comme toutes celles qui l’ont précédée, en tant que capitaine Mathieu Acebes ne se dérobera pas. Dans cette interview, il déroule la feuille de route qu’il s’est tracée. "
"Qui dit nouvelle saison, dit nouveaux défis. Quels sont ceux de l’USAP pour son retour en Top 14 ?
Un très grand voire un immense défi nous attend. Tout simplement car pour beaucoup nous savons la tâche de la saison qui nous attend et de l’enfer que ça va être. On connaît le niveau de toutes les écuries de Top 14. Toutes sont armées pour performer. Nous, on arrive là sur la pointe des pieds avec beaucoup d’humilité. Il ne va jamais falloir se voir très vite très beau parce qu’on a gagné un ou deux matches. En Top 14 on peut vite être rattrapé par la réalité... Cette saison, je le dis à tout le monde, elle va être très difficile. On aura plus de mauvais que de bons moments. Il va falloir rester soudés, tous dans la même direction. Il va falloir garder cette positivité et de l’énergie dans l’équipe car les états d’âme, l’irritabilité, le découragement, ça aussi ça va être difficile à gérer. Il faudra relever la tête en cas de déception.
Comment l’USAP va-t-elle tirer son épingle du jeu dans ce championnat ?
Ce qui peut faire notre force c’est notre unité. On ne va pas se voiler la face, on n’est pas le meilleur effectif de Top 14, on n’a pas la plus grosse expérience du Top 14 même si on a des joueurs très expérimentés. Il faudra faire en sorte que le collectif passe avant tout. Ça c’est très important. On essaie de rester fidèle à cette valeur-là. Alors c’est sûr, c’est plus facile de l’être en Pro D2 lorsque l’on gagne tous les matches, que de l’être lorsque ça ne se passe pas bien et que l’on cherche à remettre en question tout et n’importe quoi. On ne va pas se mentir c’est ce qui va se passer : dès que l’on va commencer à perdre, il va se dire que les joueurs ne sont pas bons, le staff non plus, même le chauffeur du bus ou la nourriture que l’on mange ne vont pas être bons ! Et c’est normal, c’est humain, je n’en voudrais à personne. Donc il va falloir rester dans notre bulle.
Donc l’objectif pour cette saison, comme vous le martelez depuis le titre de champion de Pro D2, c’est bien le maintien ?
Clairement ! Il n’y a même pas à chercher. Notre mission n’est pas terminée. Nous en sommes à la moitié : on a réussi à remonter en Top 14 maintenant il faut y maintenir le club. Il faut aider l’USAP à retrouver son standing. Mais c’est la saison la plus dure qui arrive. Je ne pense pas que ce soit le plus difficile de gagner le titre de Pro D2. La lutte va être âpre et disputée. Soyons honnêtes, on fait partie d’un championnat qui joue le maintien à 4 ou 5 équipes et pas du haut du tableau avec 8, 9 ou 10 équipes même. On va s’évertuer à faire des gros matches sur des équipes contre lesquelles on peut faire un résultat. Et vis-à-vis des autres équipes, on va tout faire pour monter notre niveau au leur, et espérer de rivaliser c’est le but aussi. On ne part pas défaitiste, loin de là, ce n’est pas ce que je dis ! Il faut être juste réaliste.
‘ Cette entité est au-dessus de nous. On se bat pour elle ‘
Dans cette quête du maintien, qui sont les principaux rivaux de l’USAP ?
Je n’ai pas trop envie de me prononcer là-dessus car la saison peut très vite basculer. Mais sinon ça serait les équipes de notre niveau. À savoir celles qui étaient dans le fond du classement de Top 14 l’an dernier (Pau et Brive) ou celle qui est montée (Biarritz). Ça sera une bataille à 4 ou 5.
Depuis votre dernier passage en Top 14, en quoi a évolué ce championnat ?
Comme le rugby national et international a aussi évolué, chaque année la vision du jeu et les stratégies changent. Aujourd’hui, on voit beaucoup d’équipes qui jouent au pied, laissent la balle à l’adversaire par la dépossession et attendent la moindre opportunité pour contre-attaquer ou saisir les occasions de fautes du camp adverse. C’est un jeu assez physique, précis dans le sens où la moindre erreur se paie très cher. C’est ce qui nous a joué des tours il y a trois ans : on a joué, on était en place mais dès que l’on a fait des erreurs on s’est fait breaker en une passe et on a pris trop d’essais comme ça en contre. Pour exister, il faudra aussi s’adapter au jeu proposé en Top 14. Le pragmatisme sera inévitable.
Après vos expériences avec Biarritz, Bayonne, Pau, vous disiez avoir le sentiment de ne pas vous être exprimé comme vous le vouliez en Top 14. Vous travaille-t-il encore aujourd’hui ?
C’est très bizarre. Quand je jouais à Biarritz et à Bayonne, j’étais très jeune. Avec Pau ça se passait très bien mais je me pète le genou, et derrière je fais le choix de rallier l’USAP. Je quitte le Top 14... Et quand on y remonte il y a trois ans, j’ai une pubalgie et je fais la moitié de la saison car je dois être opéré. Après ces deux dernières années, notamment pendant la Covid-19 où j’ai passé du temps à bien me reposer et à avoir du temps pour récupérer, je me sens bien physiquement, je me sens prêt à affronter ce niveau-là et j’ai envie de montrer qu’avant toute chose je suis un bon joueur de rugby et que je me régale à faire ce métier. Je ne suis pas qu’un con sur le terrain (il rit). J’ai envie de transpirer la passion qui m’a toujours animée pour ce sport et montrer que je peux être présent en Top 14. Que j’ai le niveau.
Quel visage voulez-vous que montre l’USAP cette saison ?
J’aimerais que l’on soit très difficile à jouer. Que l’on sente l’amitié que l’on a entre nous dans le vestiaire, que l’on fait tous partie de la même entité, que cette entité est au-dessus de nous et que l’on se bat pour elle.
Vous êtes-vous inspiré d’autres capitaines pour mener vos hommes ?
Honnêtement, depuis le début de ma carrière je suis quelqu’un de très passionné par le rugby donc je regarde beaucoup de choses sur mon sport, comme des reportages. J’aime les histoires humaines dans le sport, le leadership et j’écoute les joueurs que j’ai rencontrés, leur façon de faire, de communiquer... J’ai toujours regardé ce qui se fait de mieux, dans les attitudes notamment. Il ne faut pas forcer les choses. Il faut dire ce qui paraît important à tes yeux pour le bien de l’équipe. C’est beaucoup de ressentis. Je ne prépare jamais ce que je vais dire, je n’ai jamais écrit de discours. Je dis ce que j’ai dans le ventre. Je ne sais pas si c’est bien ou pas, mais je le fais avec beaucoup de conviction. Je n’ai pas d’exemple de leader en tête. Mais il doit avoir beaucoup d’énergie pour assumer ce rôle, le porter, et fédérer autour de lui.
Vous, votre énergie pour batailler au quotidien avec l’USAP vous la puisez où ?
Quand je me lève tous les matins, je me dis que c’est inouï de faire ce métier, de vivre de sa passion. Si on m’avait dit petit que j’en vivrais et que j’aurais tant d’émotions, je ne l’aurais pas cru. Je suis amoureux plus que tout de tout ça. Et tout ça, ça m’apporte chaque jour du bonheur, de la légèreté. Pour moi, ce que je fais, c’est ce qu’il y a de mieux. Je ne regarde jamais à côté, ce que je fais ça me plaît. Le but c’est de continuer à être heureux, de sentir les gens près de moi heureux aussi. Je ne me pose pas plus de questions. Il faut vivre chaque instant à 200 % et ne pas avoir de regrets. Quand je sens que j’ai un petit regret, j’essaie direct de crever l’abcès. Quand j’ai besoin de relâcher, je m’isole. Je suis assez solitaire même si j’aime les gens et beaucoup partager avec eux. J’aime aussi partir seul. Je fais plein de choses seul, aller à la mer, à l’océan, à la montagne. Il y a bien sûr ma femme et mes filles qui sont très importantes dans ma vie. Mon épouse me suit depuis mes 16 ans et demi, mais elle sait rester à sa place. Si moi je lui parle du boulot, elle va m’écouter, me parler à son tour. Elle sait vraiment comment tout se passe dans l’envers du décor, que l’on est sous pression permanente, la pression du résultat, dans l’équipe, de l’extérieur. Ce n’est pas facile à vivre. Mais elle est toujours là, avec sa bonne humeur. C’est bien d’avoir quelqu’un comme ça dans sa vie. Elle me connaît parfaitement, elle connaît aussi la difficulté du rugby professionnel vu la conjoncture où tu es sur une corde raide et où tout peut basculer dans le bon comme le moins bon. Et ce que je ressens pour mes filles, il n’y a rien de plus fort. "