Hier, l’entraîneur catalan a profité de l’accalmie européenne pour tirer le bilan de l’USAP en Top 14. À sa façon.
Patrick Arlettaz est passé en mode catalan pur et dur. Tour à tour râleur, ironique, parano, drôle, déterminé et parfois contradictoire, l’entraîneur des sang et or en a fait des tonnes, hier midi en conférence de presse. Sa façon singulière de se "faire du bien" et de garder ses troupes sous pression dans la perspective du Top 14. On en aurait presque oublié - lui aussi - que l’USAP a un match de Challenge Cup à disputer contre Sale, vendredi soir à Aimé-Giral (20 h 45)... Extraits.
"On prépare le Challenge européen avec l’objectif est d’être plus performant en championnat. Notre retard nous obsède. On y pense tout le temps. Donc on a Toulouse en tête."
Arlettaz ne s’en cache pas : la double parenthèse européenne face à Sale et à Bordeaux (le 20 octobre) n’a d’autre enjeu que de préparer les sang et or à la victoire contre Toulouse, samedi 27 octobre à domicile. Un match charnière, capital, oppressant dans la course au maintien. "Si on a un léger avantage sur Toulouse, c’est que nous on va faire deux matches en pensant à eux mais je ne suis pas persuadé qu’ils jouent le Leinster en pensant à Perpignan. Tous les avantages sont bons à prendre", veut croire le technicien.
"Sincèrement je ne pensais pas que je dirais un jour dans ma vie : “Peu importe le contenu, pourvu qu’on ait une victoire”. Quand je m’endors, je me dis qu’un bon vieux match pourri où on lève les bras à la fin, ça me ferait du bien là."
On l’aura compris, l’USAP n’a pas digéré la défaite (12-9) à Pau samedi dernier. En quête de leur premier succès de la saison en match officiel, les Catalans reçoivent des louanges sur leur jeu, mais ils ne gagnent pas. Sept matches que ça dure. "Bien sûr que le moral est touché, reconnaît “Arlette”. C’est une situation qu’on envisageait mais qu’on ne voulait pas vivre. Le premier paramètre, c’est qu’on n’est pas assez bon."
"On garde espoir, on y croit dur comme fer. Si ce n’était qu’un discours, les joueurs auraient été contents de prendre un point à Pau. Au contraire, ils étaient abattus, déçus de leur prestation, du résultat. S’ils sont déçus, ça veut dire qu’ils veulent et qu’ils peuvent faire mieux que ça. On est les seuls à y croire. Tant mieux, c’est ce qu’on fait de mieux ici, y croire tout seul."
Seuls contre tous, la ficelle est énorme mais en Catalogne, elle trouve toujours preneur. Patrick Arlettaz connaît l’USAP sur le bout des doigts, il parle d’ailleurs comme un coach sur le point de prolonger son contrat. Gardien des valeurs du club, il sait devoir user de tous les ressorts de motivation. Alimenter la parano ambiante, s’inventer des ennemis invisibles, se forger un destin commun contre autrui, la recette est efficace. Elle a même rapporté des titres dans le passé.
"Pourquoi j’ai poussé un coup de gueule à la radio ? C’est dans mon caractère. J’essaie d’être le plus argumenté et le plus logique possible mais ça me fait du bien de temps en temps de lâcher les chevaux."
Dans l’émission "Lundi c’est rugby", animée par Cyrille Manière sur France Bleu Roussillon, l’entraîneur catalan et le manager Christian Lanta se sont succédé au micro pour hausser le ton contre - pêle-mêle - la difficulté du calendrier, les supporters mécontents, l’intransigeance des médias. ça sentait bon l’impro et la fatigue de fin de bloc. On miserait plutôt sur un habile coup de gueule destiné à secouer le cocotier, histoire de montrer que l’acceptation des défaites à ses limites. "Je ne suis fâché contre personne. Je serais à votre place (les journalistes), je dirais aussi que le défi est impossible. J’ai fait des maths toute ma vie, les statistiques de ces quinze dernières années, je les aies. Mais j’aimerais être confronté à l’interprétation de ces stats, et pas seulement à des chiffres bruts", a-t-il ajouté hier.
"J’ai reçu un texto ce matin (hier) qui m’a plus fait de mal qu’autre chose (rires.) Un copain en Australie m’a envoyé l’exemple d’une équipe de XIII qui a perdu ses sept premiers matches et qui a gagné le championnat. Mais je n’ai pas besoin qu’on me remonte le moral !"
Un peu d’humour dans ce monde de brutes. Reste que la performance de se maintenir en Top 14 dans ces conditions n’a jamais été réalisée.
"Je m’excuse parce que je crie. Mais je ne veux pas que ce soit repris par un chroniqueur de Canal +. Désolé, mais de temps en temps je crie..."
Allusion faite à la polémique ayant opposé le week-end dernier son confrère du RC Toulon, Patrick Collazo, au consultant télé Sébastien Chabal. À fleur de peau, les coaches du Top 14 ? Sous le masque de la dérision, Arlettaz traduit l’incommensurable stress ressenti par sa profession.
"Rugbystiquement, je trouve la Coupe d’Europe géniale. Sinon, je suis très Français, j’aime beaucoup le championnat, le côté terroir, lutter contre le copain d’à côté."
Ce n’est pas un secret : Patrick Arlettaz n’a jamais été fan de la compétition. "On va se concentrer sur notre jeu face à une très belle équipe de Sale", dit-il. Avec un wagon de jeunes, symbole de l’esprit enthousiaste manifesté hier en conf’.
Vincent COUTURE