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Samueli serait si fier !
Rencontre avec Varanisese, la veuve de l’ancien usapiste Samueli Naulu, tragiquement disparu le 31 mars 2013.
One of the best smiles I’ve seen ! RIP Samueli Naulu » (« L’un des plus beaux sourires que je n’ai jamais vu ! Repose en paix Samueli Naulu »). Le tweet est signé Dan Carter, en date du 31 mars 2013. La nuit précédente, sur une petite route départementale de Dordogne, à hauteur d’Issigeac, Samueli Naulu avait rendez-vous avec son destin. Tragique. L’ailier des champions de France de l’USAP 2009 perdait le contrôle de son véhicule avant de percuter un arbre. « Sam » ne survivra pas au choc. Il avait 31 ans. Dan Carter, David Marty et tous ses coéquipiers de l’USAP pleureront le Fidjien.
Cinq ans ont passé, et Varanisese, dont le prénom signifie « française » en fidjien, n’a rien oublié. À l’aéroport de Nadi, sa ville natale, où elle nous a donné rendez-vous, celle qui fut sa femme n’éprouve aucune gêne à évoquer son histoire. « Cela fait maintenant cinq ans, rassure-t-elle. Le temps a passé ». Elle avait 21 ans lorsqu’elle rencontra Samueli, au National stadium de Nadi. « Mon père jouait au rugby et j’allais au stade depuis toute petite, raconte-t-elle d’une voix douce. C’est là que nous nous sommes connus ». Samueli était alors un jeune et fougueux troisième ligne aile, capitaine de l’équipe fidjienne des moins de 21 ans. Il avait pour entraîneur Franck Boivert, le plus célèbre des Catalans aux îles Fidji. Inlassable formateur, puriste parmi les puristes, Franck est toujours resté en contact avec son club de cœur, l’USAP. Il leur signale Samueli Dawai Naulu. « Au cours de l’été 2005, raconte Boivert, j’étais allé à Perpignan et Marcel Dagrenat, le président de l’époque, m’avait dit : “Si tu as un bon jeune, je suis preneur…” Je lui ai parlé de Samueli. L’USAP a organisé son voyage. « Sam » était nerveux quand il a signé. Il ne savait pas où il mettait les pieds. Il n’avait jamais quitté son île et vendait des tickets, sur le port de Nadi, aux touristes qui embarquaient sur les bateaux partant visiter les îles. Il ne faut pas oublier qu’en 2005, il n’y avait pas encore beaucoup de joueurs fidjiens qui osaient aller en Europe ». Vara confirme : « Il est parti tout seul. Nous l’avons rejoint cinq mois après, avec les deux petits… Il avait trouvé une maison à Sainte-Marie-la-Mer Les garçons allaient à la garderie, au jardin d’enfants, c’était super ! » Le futur usapiste de Naulu se présente sous les meilleurs auspices. C’est au poste d’ailier que le flanker s’affirme, grâce à une pointe de vitesse et une puissance dévastatrices. « En fait, explique Franck Boivert, Philippe Boher l’avait positionné à l’aile car lors des premiers entraînements à Aimé-Giral, Sam s’était montré le plus rapide de l’équipe ».
Enterré avec le blazer de l’USAP
Il devient titulaire, enchaîne les matches et les essais. Jusqu’à cette fichue blessure, à l’entraînement, un lundi du mois de mai 2007. Le ligament interne du genou gauche est rompu, il faut l’opérer. Que s’est-il passé ensuite ? Il semblerait que Samueli se soit réveillé trop tôt après son opération. En panique, il s’est énervé et a détruit le travail que venaient d’effectuer les chirurgiens. Opéré une deuxième fois, il ne retrouvera jamais complètement toutes ses qualités et dut dire adieu au Top 14, après la défaite de l’USAP en finale 2010.
Une saison à Limoges en Fédérale 1, une autre à Bergerac en Fédérale 3, et Naulu doit arrêter le rugby, pour des raisons administratives… Interdit de jouer, il continue à s’entraîner, espérant une issue favorable. Jusqu’à cette dramatique nuit du 31 mars 2013 du côté d’Issigeac…
Il faudra la mobilisation de tous, regroupés derrière l’association Samueli Naulu, créée à l’initiative de ses anciens coéquipiers David Marty et Nicolas Durand, pour financer le coûteux rapatriement du corps de l’ailier fidjien vers Nadi. Franck Boivert est à l’aéroport, pour réceptionner le corps, avant de participer aux funérailles, accompagnant son ancien protégé jusqu’à sa dernière demeure, au plus profond de sa terre natale. « Le moment le plus fort, d’une intensité inouïe pour moi, c’est quand la famille m’a invité chez elle, dans sa maison, raconte-t-il. Ils ont ouvert le cercueil pour que je puisse le voir une dernière fois… Samueli était magnifique dans son blazer de l’USAP, et sa cravate sang et or ». C’est Franck qui lira l’homélie à l’église.
« Mes amitiés à Perry »
Cinq ans ont filé. Varanisese a fait son deuil. Aujourd’hui, elle élève seule ses cinq enfants, dont le deuxième a été prénommé François pour remercier Franck Boivert de tout ce qu’il avait pu faire pour aider « Sam » à atteindre son rêve de joueur pro. « Ils croyaient que Franck était le diminutif de François… », précise l’intéressé. François Boivert Naulu, c’est son nom, rêverait un jour de suivre les traces de son père. « Je lui dis tout le temps qu’il faudra travailler dur pour y parvenir, qu’il devra être parmi les meilleurs », s’amuse Vara.
La petite dernière, Kolora, n’a jamais connu son papa. « J’étais enceinte d’elle de deux mois et demi lorsque Samueli est parti ». Elle va désormais à l’école. Vara peut envisager reprendre une activité professionnelle. Lorsqu’elle apprend que l’USAP a remporté le titre de Pro D2 et va retrouver le Top 14, elle est toute heureuse, surtout pour Perry, l’entraîneur Perry Freshwater et sa famille, si bienveillants à son égard lorsqu’elle habitait Sainte-Marie. « Ça a dû être de la folie, à Perpignan, glisse-t-elle. J’ai encore en mémoire la fête après le titre de 2009. La soirée au bord de la mer, au “P’ty Mar”. À 7 heures du matin, Samueli était encore à boire du champagne avec Harry, David, Kisi, Dan et quelques autres… » Les dernières images d’une époque heureuse, écourtée par le destin. « Merci d’être venu me voir, conclut-elle en guise d’adieu. Transmettez mes amitiés à mes amis de Sainte-Marie, Jo et Muriel… et à Perry ». Voilà qui est fait.