Rugby à XV - Podcast : à l'USAP, une identité catalane bien ancrée
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Dans les tribunes d'Aimé-Giral, les couleur sang et or sont partout. L'Indépendant - Nicolas Parent
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Publié le 29/03/2023 à 17:53
Plus que le club de Perpignan, l'USAP est le club de rugby de tout un territoire, avec une identité catalane très marquée. Le fruit de plus de 100 ans de développement sur le territoire qui a fait les beaux jours du club.
Quelles sont les racines catalanes de l'USAP ? Y a-t-il un paradoxe entre les couleurs du maillot bleu horizon, qui a fait son apparition en 1919, après la Première Guerre mondiale, le maillot historique, choisi en hommage aux Poilus et à leur uniforme et le drapeau catalan ? Avant cette guerre, le rugby, comme le football d'ailleurs, n'était pas encore vraiment des sports populaires. La pratique était réservée à une élite, qu'elle soit militaire ou à des étudiants issus de la bourgeoisie, inspirés de ce qui se fait dans les universités anglaises.
Pendant la grande Guerre, le sport est utilisé par les officiers, pendant les périodes de relève, pour occuper les hommes, mais aussi pour rester en forme. À l’issue du conflit, naturellement, une fois rentrés du front, les soldats continuent à pratiquer chez eux. C'est ainsi que dans les Pyrénées-Orientales, le rugby se popularise et que se forge vraiment l'identité catalane de l'USAP (alors appelée USP).
Une identité qui colle au territoire
Les travaux d'un étudiant, Jérôme Bouchindhomme, il y a quelques années, avaient permis d'établir clairement dans les effectifs du club cette évolution. Alors que l'équipe du titre de 1914, celle menée par Aimé-Giral, qui a payé un lourd tribut pendant la Première Guerre mondiale (sept titulaires de la finale sont morts au front), est composée principalement de militaires et d'étudiants, ce n'est plus du tout la même chose pour celle de 1921. On retrouve beaucoup d'agriculteurs, des ouvriers, des commerçants... La représentation sociologique a changé, mais finalement, elle colle à la population des Pyrénées-Orientales. C'est à partir de là, que, naturellement, sans que ce soit un projet précis ou une volonté affirmée, cette équipe devient représentative d'une identité préexistante.
S'ensuivra le premier âge d'or du rugby catalan, qui ne sera pas freiné par la Seconde Guerre mondiale. C'est à ce moment que quelques intellectuels régionalistes qui tournent autour de l'équipe, comme le poète Albert Bausil, s'intéressent aux relations avec le Sud et promeuvent dans leurs travaux, l'identité catalane, tout en étant aussi extrêmement nationaliste. Il n'y avait pas, à l'époque, dans la Catalogne du Nord, d'opposition entre le régionaliste catalan et le nationalisme français. C'est avec le titre de 1955 que le premier âge d'or se termine. Et si, dans les décennies suivantes quelques générations, notamment dans les années 1970, sont parfois à la lutte sportivement, l'USAP se fait dépasser par d'autres clubs régionaux : Béziers, Narbonne, Agen, Lourdes... Une période durant laquelle le club cherche à conserver à tout prix l'identité des années 1930 alors que le département est en train d'évoluer, avec le développement du tourisme, les vagues d'immigration... Au sein du rugby français, Perpignan à l'image d'un club recroquevillé sur lui-même, vieillissant, conservateur...
Regonflée avec le professionnalisme
Il faut attendre les années 1990 pour connaître un nouvel âge d'or avec l'arrivée du professionnalisme. Portée par une génération exceptionnelle, qui a remporté le Du-Manoir 1994, mais aussi par des dirigeants visionnaires (Jacques Rodor et Marcel Dagrenat notamment), l'USAP, réussie très bien son entrée dans le rugby moderne. Ce sont des années au cours desquelles le club renouvelle son image à travers son aspect identitaire. Les relations avec le Sud jouent à plein. On commence à chanter "L'Estaca" chant catalan symbole de la lutte pour la liberté avant les matches et à jouer la "Santa Espina", mais aussi "Els hi fotrem" après chaque point marqué. Surtout, en 1997, l'USAP se met aussi à jouer avec le maillot sang et or. La Catalogne vit aussi, en Espagne, une véritable movida sportive (avec notamment les JO de Barcelone et le Barça de Johan Cruyff) et culturelle, qui contamine les Pyrénées-Orientales.
L'identité catalane fait partie de l'ADN de l'USAP. L'INDEPENDANT - MICHEL CLEMENTZ
Sportivement, cela se traduit par des résultats très bons (finales de championnat 1998, 2004, 2010, titre 2014 et finale de coupe d'Europe 2003), une identité de jeu très marquée et des supporters présents partout. Une image complètement renouvelée, qui plaît énormément aux médias et à la télévision et une identification importante jusqu'en dehors de l'Hexagone, notamment au Royaume-Uni.
La cassure du début des années 2010
Et aujourd'hui ? Au début des années 2010, en même temps que les résultats ont chuté, avec notamment, lors de la saison 2013-2014, une cassure au sein de l'effectif entre les joueurs locaux et les étrangers. Le club n'a plus su trouver le bon équilibre. Jusqu'au point même de ne plus passer, un temps, "Els hi fotrem". Ce qui déclenchera la colère des supporters et un retour en arrière quelques semaines plus tard.
Aujourd'hui, plusieurs projets de créer de nouveaux liens sont en cours. Des échanges ont recommencé avec quelques partenaires économiques de Catalogne du Sud. L'Association USAP travaille, elle, avec les clubs espagnols, au développement d'une section à VII. Le président de la Generalitat, Pere Aragonès, en déplacement à Perpignan il y a quelques semaines s'est aussi dit prêt à aider l'USAP. On n'en sait pas beaucoup plus sur ce que ça peut donner. Mais une chose est sûre, s'il y a un jour un troisième âge d'or du rugby catalan, cela ne se fera pas en reniant l'identité du club.
Guilhem Richaud