Attablé mercredi matin en terrasse de son restaurant « La Marinière », à Saint-Pierre-la-Mer, Marc Delpoux renaît au rugby. Voilà cinq ans qu’il n’avait plus adressé la parole à L’Indépendant, conséquence de la relégation de l’USAP en Pro D2, amère et douloureuse. Mais si le temps n’efface pas ses blessures, son nouveau défi avec le RC Narbonne est de nature à ressusciter la passion. Nommé vice-président du club en charge du sportif, Delpoux se démène depuis des semaines pour « remettre le RCN au travail ». Avec espoir mais sans illusion sur les mœurs de son sport. « S’il y a échec, ce sera le mien. Et je me ferai massacrer », dit-il, lui dont le cuir semble aujourd’hui imperméable à toutes les critiques. Cette rare interview en témoigne. Marc Delpoux ne changera pas : grande gueule, grand technicien. « Il faut collectionner les pierres qu’on vous jette, c’est le début d’un piédestal », disait Berlioz.
Avez-vous eu besoin de prendre du recul après votre limogeage de l’USAP en 2014 ?
Non. On me l’a fait prendre.
Quel est votre sentiment par rapport à la relégation du club ?
Depuis cinq ans j’ai fermé ma gueule et j’ai pris tous les coups. Je reste sur cette position-là. Je n’ai pas à m’expliquer, c’est de l’histoire ancienne.
Permettez-nous d’insister. Aujourd’hui encore, vous passez pour le principal responsable de cet échec. Trouvez-vous ça juste ?
La réponse est dans la question. La seule chose que je dis, c’est que vous (L’Indépendant) avez écrit ce que les gens voulaient lire mais ça ne correspondait pas à la réalité. évidemment, la presse n’est en rien responsable de la relégation mais je ne partage pas du tout l’analyse que vous en avez faite.
Quelle est donc cette réalité ?
Je pourrais écrire un roman… Par exemple, je rappelle que je n’avais que cinq piliers à disposition. On m’a dit : “Va en H-Cup et tu auras un sixième pilier.” Je l’attends encore. Pas une fois vous n’en avez parlé. On n’avait que deux talonneurs pros, Terrain et Guirado, or Guirado s’est pété quatre mois. Charteris part au Tournoi des Six Nations et, à son retour, un contrat stipulait qu’il devait se reposer trois semaines. Lopez et Guitoune se sont blessés en décembre sur des matches de Coupe d’Europe. Ou ce joueur, que je préfère ne pas nommer, qui m’a demandé de ne pas jouer pendant deux mois afin de préparer ses examens, etc... On était pourtant 3e du classement en novembre. Le premier responsable, c’est moi, mais dire que je suis le seul, non et non. J’ai ramassé, mais là, il faut arrêter. Vous ne m’avez pas manqué mais la vérité, vous ne l’avez pas écrite. On m’a reproché de faire jouer les étrangers au détriment des Catalans mais dites-moi combien il y avait d’étrangers dans l’équipe championne de Pro D2 il y a deux ans ? On me reproche aussi d’être allé aux Prud’hommes, mais moi, je n’ai jamais voulu ce procès (Les deux parties sont en cassation, ndlr). Mille fois j’ai demandé un arrangement, je regrette qu’il n’y ait pas eu d’accord à l’amiable.
Quelle comparaison faites-vous entre les deux relégations du club en 2014 et 2019 ?
J’attends l’article là aussi. 51 points ! Les équipes n’étaient pas les mêmes mais je suis descendu avec 51 points. Et je ne parle pas de la pénalité ratée face aux poteaux de Beauxis contre Oyonnax… Tout le monde le sait, la relégation du club était inéluctable depuis le titre 2009.
Votre blessure est à vif mais le défi narbonnais ressemble à un nouveau départ ?
Non, au contraire. Pour moi, c’est fini. J’ai 55 ans, je relance Narbonne, je passe le bébé et après je reviens dans mon restau tranquillement. Aujourd’hui, Delpoux est restaurateur, pas entraîneur. Vous savez, j’ai joué quatre ans à l’USAP, j’en ai été le capitaine puis l’entraîneur durant deux ans, c’est véritablement mon second club de cœur. Quand on est venu me chercher en 1992, j’ai été incroyablement heureux, ma relation avec le public catalan a été extraordinaire, bien au-delà de mes espérances, chose que je n’oublierai jamais. Alors quand je reviens dans le coin et qu’aujourd’hui on me siffle ou on me crache dessus, je me dis que certains ont peut-être perdu la mémoire. Personnellement, je n’ai aucun grief contre l’USAP, en revanche j’en ai contre certaines personnes du club. Quand j’étais dans le trou, des amis de Perpignan m’ont appelé, d’autres non. Ceux-là, il ne faut plus qu’ils me parlent. Adieu.
Quelle leçon en tirez-vous ?
Je ne souhaite à personne ce que j’ai vécu ces dernières années. Aujourd’hui, je suis bien à Narbonne, personne ne me casse les couilles. J’ai voulu être vice-président parce que je ne peux plus supporter ces gens-là, qui débarquent avec leur entreprise et qui te disent comment il faut faire. Quand le match le plus important de l’histoire du club on t’envoie le jouer à Barcelone (défaite 31-46 contre Toulon)… Allez, assez parlé de l’USAP, je ne vous ai pas rencontré pour replonger dans le passé.