Patrick Arlettaz différemment
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Ptarick Arlettaz, mercredi dans les locaux de L'Indépendant. Photo Nicolas Parent
Rugby à XV,
USAP,
Pro D2
Publié le 03/06/2021 à 21:11 , mis à jour à 21:21
À 49 ans, l’entraîneur de l’USAP prépare sa deuxième finale de Pro D2 en trois ans. Mais derrière le technicien, se cache un homme pudique. On a essayé d’en fendre un peu l’armure. Sacré défi.
Est-ce, selon vous, plus facile d’être entraîneur de l’USAP quand on est Catalan ?
Bien sûr, même s’il y a une forme d’exigence, oui je le pense. Les Catalans ont cette capacité à considérer les gens comme ils sont. Ma chance, c’est que je connais l’histoire de ce club et son importance dans le paysage local. L’USAP rythme les humeurs des gens. Elle amène du bonheur, des émotions. Le savoir, c’est un atout. En Roussillon, on n’est pas dans le gris. On est plutôt dans le rouge, le jaune. Dans la passion quoi. C’est aussi ça la vie, non ? Je connais mes responsabilités et le degré d’exigence. Ça tombe bien, je le suis avec moi.
Cet amour de l’USAP, qui vous l’a transmis ?
Notamment mon grand-père Joseph. Je le revois encore s’endimancher chaque dimanche matin et m’amener à la messe puis au stade. Viticulteur à St-Hippolyte, il portait toute la semaine sa tenue agricole mais le dimanche, c’était le rituel. Et je voyais comme il était heureux quand l’USAP gagnait. C’était la fin des années 70. L’époque de la finale de 1977 (face à Béziers perdu 12-4 au Parc des Princes) Jean-François Imbernon, Jeannot Lopez, Paul Goze, Jacques Tisseyre… Alors lui, c’était mon idole. Il était bon dans tout. Et voilà que je le retrouve dans l’encadrement dans l’équipe Une lorsque je débute en seniors. Il se chargeait de changer les crampons des joueurs. J’ai longtemps refusé qu’il touche à mes chaussures. Je trouvais ça dégradant pour cette personne que j’ai tellement admirée, avant que je comprenne que c’était aussi son bonheur de le faire.
Vous avez entraîné l’ES Catalane en Fédérale 1. Qu’est-ce que cette expérience vous a apporté ?
Dès 18 ans je suis passé de juniors en équipe Une sans passer par la Nationale B. J’ai déroulé dix-quinze ans en Elite et je n’avais jamais connu le rugby amateur, la Fédérale 1, la Fédérale 2, les Séries…, d’autant qu’à l’époque nous jouions le dimanche aussi. Ces deux années à Argelès ont été géniales. Sportivement, on se qualifie les deux fois et on fait même un quart de finale du Jean-Prat face à Chalon (11-22 en mai 2007) avec les Bruno Rolland, Mathieu Julia, Laurent Rovira, les frères Domenech et Berget, Guy Dunyach… J’ai été confronté au rugby des villages où il faut toujours s’adapter. À des histoires d’hommes. Les contraintes des gars qui bossent tard. Un mélange de jeunes qui montent de juniors, d’anciens Espoirs de l’USAP et des historiques du coin. Et puis quelque part, c’est ma première expérience de numéro 1. Inoubliable.
USAP, Narbonne et Montpellier, votre carrière de joueur a été très locale…
J’ai joué en Une avec l’USAP de 18 ans jusqu’à 24 ans. Et j’ai connu trois clubs et trois rugbys différents. L’USAP, c’est le combat, l’identité comme Béziers, Toulon. Narbonne, c’est l’école Robert Bru, le jeu quoi. Enfin Montpellier, j’ai participé à la montée, un club jeune, enthousiaste, où tout était à construire. Même le stade que j’ai vu sortir de terre.
Quels sont les entraîneurs qui vous ont influencé ?
Christian Lanta que j’ai eu en équipe de France universitaire quatre années durant. Aujourd’hui, nous discutons toujours, je l’écoute beaucoup. Nous nous engueulons parfois aussi. Je suis Catalan, donc un peu têtu. Je le remercie de m’avoir fait confiance. Ensuite il y a les deux coaches de mes débuts Georges Coste et Paul Foussat, deux demis-de-mêlée. Deux visions différentes du rugby. Georges Coste, c’est l’influence Villepreux, très porté sur le mouvement général. Paul, un vrai meneur d’hommes, charismatique, amoureux transis de l’USAP. Nous mangeons encore régulièrement ensemble du côté du Barcarès. Il y a comme un lien de paternité.
Quand on est entraîneur de l’USAP, c’est facile d’avoir une vie sociale à l’extérieur ?
Aucun problème. Je fais ma vie. Les gens sont très agréables avec moi. Bienveillants. J’ai l’impression d’être le gamin de chaque famille. On me tutoie et c’est très bien. Et puis, arrêtez, je ne suis pas John Lennon non plus.
Avez-vous un souvenir d’un USAP-Biarritz lorsque vous étiez joueur ?
C’est amusant, j’en ai joué beaucoup mais je ne me souviens pas des matches. En revanche, au retour d’un de mes tout premiers matches en Une à Aguilera, à 18-19 ans, nous avions arrêté le bus sur le chemin du retour dans un château pour y dîner. Des brochettes grillées dans une cheminée qui devait faire six fois mon appartement. Je me suis dit « ah oui, c’est ça les matches en Une, pas mal!». Je vous rassure, ce n’est plus jamais arrivé.
On croit savoir que vous êtes supporter du Barça ?
Je suis Catalan donc je préfère que le Barça gagne. J’adore vraiment le foot. Je regarde beaucoup de matches à la télévision. J’ai grandi avec l’OM des Boli, Mozer, Waddle, Pelé et les Coupe du monde 1982 et 1986. Le duel Platini-Maradona.
Le XIII, vous regardez ?
Bien sûr. Durant le confinement, je me suis refait tous les States of Origin. Mais je n’étudie pas les matches avec un œil technique. Je suis juste un spectateur contemplatif. Ce sport me plaît. Je suis les Dragons aussi. James Maloney, Sam Tomkins, sacrée classe ces deux-là.
En avril 2022, la cinquantaine sonnera ?
Et ça ne me fait rien du tout. Comme les 40, c’est passé. En revanche, ce sont mes 30 ans que j’ai plutôt mal vécus. Car quelque part, ça me rapprochait symboliquement un peu de la fin de ma carrière sportive.
Arnaud Hingray