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Pas l'Usap mais un article où le staff des bleus décrypte le match contre le japon. Bonne lecture d'été. (cf journal l'Equipe)
La salle, immense, est située au quatrième étage de l'hôtel des Bleus à Nagoya. De nombreuses chaises, en cercle, laissent imaginer la cérémonie de remise des maillots qui s'y est tenue vendredi, veille du premier test remporté par le quinze de France face au Japon au Toyota Stadium (42-23). Au fond, une grande table toute en longueur autour de laquelle sont assis plusieurs membres du staff des Bleus : William Servat, entraîneur adjoint en charge de la mêlée, Nicolas Buffa, responsable de la cellule analyse vidéo, Jérémy Chéradame, « data scientist », le sélectionneur Fabien Galthié et le manager Raphaël Ibanez.
Pour la première fois, ils ont convié une poignée de journalistes à assister à un débrief technique du match remporté la veille, données statistiques à l'appui et images vidéo projetées sur un écran géant. L'exposé est passionnant, parfois ardu, mais il donne une idée très claire de la stratégie établie sur ce match par Galthié et son staff. Et, plus largement, des préceptes de jeu de ce quinze de France qui ne s'arrête plus de gagner.
« On ne donne quasiment pas de stats individuelles aux joueurs, explique le sélectionneur en préambule, ce qui parfois les surprend parce qu'ils sont habitués à en être nourris. Nous, ça nous importe peu, on est capable de voir qui joue bien et qui ne joue pas bien. En revanche, on analyse beaucoup la donnée de manière collective. On a besoin de stats qui nous guident vers la performance. Ce sont les KPI (key performance indicators) d'un match. » Illustration en quatre thèmes choisis.
Être fulgurant offensivement
Objectif atteint
Dès le début de son mandat en janvier 2020, Fabien Galthié avait exposé son mantra sur le plan offensif : ne pas posséder la balle trop longtemps au risque de se fatiguer et de s'exposer à des fautes ou des contres adverses. Il en a théorisé une règle dite « 22-22 », « c'est-à-dire ne pas tenir le ballon plus de 22 secondes dans la zone allant de nos 22 aux 22 adverses ». « Nous, on cherche la fulgurance, développe le sélectionneur. Offensivement, l'attaque éclair est plus efficace que le siège. »
Face au Japon, le dogme a été bien respecté avec quatre essais inscrits en première main derrière mêlée ou touche, sur des « blitz » offensifs dévastateurs, notamment les deux de Damian Penaud. Sur un graphique représentant toutes les actions du match avec l'évolution du ballon dans un camp ou un autre, une sorte d'encéphalogramme de la partie, Galthié pointe les courbes abruptes aboutissant à un essai : « Voilà ce qu'on cherche, des flèches ! »
Bien sûr, les 22 secondes ne sont pas un principe intangible à 100 %. « Ça peut aller un peu plus loin si on a le momentum (la dynamique). Le momentum, c'est un ruck de moins de trois secondes et la ligne d'avantage gagnée, ce qui nous donne le droit à un ruck de plus. » Le propos est illustré par une action du début du match, où les Bleus récupèrent le ballon après un jeu au pied japonais à hauteur de la ligne médiane. S'ensuit un premier temps de jeu sur lequel Mauvaka gagne la ligne d'avantage, un deuxième sur lequel Vakatawa est refoulé par la défense adverse.
La stratégie bleue exigerait alors du jeu au pied, d'ailleurs Jalibert et Jaminet se sont placés en retrait pour cela. Le sélectionneur navigue avec l'aide de Nicolas Buffa entre les différentes prises de vue (ce que vous ne pouvez pas faire depuis votre canapé) et montre les espaces vides dans le troisième rideau japonais. Au lieu de quoi, Lucu alerte ses avants pour un troisième temps de jeu infructueux. Attention, la possession a dépassé les 22 secondes et le momentum est perdu ! « Là, on déjoue et on est puni immédiatement par une pénalité, normal. »
Jouer Haut
Objectif atteint
Par « jouer haut », Galthié entend jouer dans le camp adverse. Sur un schéma représentant le terrain, le camp français (de l'en-but à la ligne médiane) est peint en rouge. L'objectif est d'y passer le moins de temps possible, d'en sortir par un jeu au pied de qualité.
« Au total, on y a passé 3'30'' (ballon en main) pour 23 possessions. Si on le ramène à la possession, ça fait environ 11 secondes pour une moyenne de 0,4 ruck dans notre camp. Moins tu fais de rucks, moins tu y laisses de l'énergie et moins tu risques de faire une faute. On a été dans les standards qu'on s'était fixé en sortant très vite de notre camp. »
Rester discipliné entre les 22
Objectif non atteint
Avant le match, le staff avait réclamé aux joueurs de ne pas concéder plus de quatre pénalités dans la zone allant des 22 aux 22. « Là-haut, on peut faire des fautes, ici, on peut en faire aussi, dit Galthié en pointant les 22 mètres adverses et les 22 mètres français. Mais là (entre les deux lignes des 22 mètres), il ne faut pas en faire. » Pourquoi ? « Une pénalité dans ces zones-là, ça veut dire pénaltouche et t'as 70 % de chance de prendre un essai au niveau international, même si on a un très bon ratio de défense sur touche. »
Dans cette zone, les Bleus ont effectué huit fautes, le double du pré-requis. « C'est le point négatif du match », pointe Galthié alors que c'était un secteur en nette amélioration depuis plusieurs mois.
Autre point noir, l'inefficacité au grattage dans cette zone malgré beaucoup d'implication. « On a attaqué trop de rucks, 30 sur 76 (39 %), pour une petite moisson, cinq ballons grattés. On le fait très bien avec notre équipe qui a l'habitude de jouer ensemble (celle du Grand Chelem), on sait quand il faut attaquer, quand il ne faut pas attaquer. Là, on n'avait pas les réflexes collectifs, on y a laissé de l'énergie et on s'est éliminés en attaquant les rucks qui ne convenaient pas. » Voilà un des axes de progression identifiés pour le deuxième test.
Développer un jeu au pied de qualité
Objectif pas toujours atteint
Galthié présente ensuite un terrain sur lequel sont modélisés tous les coups de pied tapés par les Bleus avec une couleur évaluant la qualité de chaque jeu au pied. Ça clignote dans tous les sens, mais, selon le sélectionneur, c'est « très important » : « Quand c'est rouge, c'est pas bon. Le vert, là, c'est Yoram (Moefana, sur son essai avec coup de pied à suivre pour lui-même). On avait un objectif de 97 % de qualité. Là, on est à 71 % donc on a une grosse marge de progression aussi. On a moins tapé que d'habitude (24 fois) parce que les Japonais se sont peu dépossédés du ballon. On avait prévu 15 jeux au pied de leur part. » Les stats finales leur en attribuent 14. Ou quand la prédiction confine presque à la voyance...
La salle, immense, est située au quatrième étage de l'hôtel des Bleus à Nagoya. De nombreuses chaises, en cercle, laissent imaginer la cérémonie de remise des maillots qui s'y est tenue vendredi, veille du premier test remporté par le quinze de France face au Japon au Toyota Stadium (42-23). Au fond, une grande table toute en longueur autour de laquelle sont assis plusieurs membres du staff des Bleus : William Servat, entraîneur adjoint en charge de la mêlée, Nicolas Buffa, responsable de la cellule analyse vidéo, Jérémy Chéradame, « data scientist », le sélectionneur Fabien Galthié et le manager Raphaël Ibanez.
Pour la première fois, ils ont convié une poignée de journalistes à assister à un débrief technique du match remporté la veille, données statistiques à l'appui et images vidéo projetées sur un écran géant. L'exposé est passionnant, parfois ardu, mais il donne une idée très claire de la stratégie établie sur ce match par Galthié et son staff. Et, plus largement, des préceptes de jeu de ce quinze de France qui ne s'arrête plus de gagner.
« On ne donne quasiment pas de stats individuelles aux joueurs, explique le sélectionneur en préambule, ce qui parfois les surprend parce qu'ils sont habitués à en être nourris. Nous, ça nous importe peu, on est capable de voir qui joue bien et qui ne joue pas bien. En revanche, on analyse beaucoup la donnée de manière collective. On a besoin de stats qui nous guident vers la performance. Ce sont les KPI (key performance indicators) d'un match. » Illustration en quatre thèmes choisis.
Être fulgurant offensivement
Objectif atteint
Dès le début de son mandat en janvier 2020, Fabien Galthié avait exposé son mantra sur le plan offensif : ne pas posséder la balle trop longtemps au risque de se fatiguer et de s'exposer à des fautes ou des contres adverses. Il en a théorisé une règle dite « 22-22 », « c'est-à-dire ne pas tenir le ballon plus de 22 secondes dans la zone allant de nos 22 aux 22 adverses ». « Nous, on cherche la fulgurance, développe le sélectionneur. Offensivement, l'attaque éclair est plus efficace que le siège. »
Face au Japon, le dogme a été bien respecté avec quatre essais inscrits en première main derrière mêlée ou touche, sur des « blitz » offensifs dévastateurs, notamment les deux de Damian Penaud. Sur un graphique représentant toutes les actions du match avec l'évolution du ballon dans un camp ou un autre, une sorte d'encéphalogramme de la partie, Galthié pointe les courbes abruptes aboutissant à un essai : « Voilà ce qu'on cherche, des flèches ! »
Bien sûr, les 22 secondes ne sont pas un principe intangible à 100 %. « Ça peut aller un peu plus loin si on a le momentum (la dynamique). Le momentum, c'est un ruck de moins de trois secondes et la ligne d'avantage gagnée, ce qui nous donne le droit à un ruck de plus. » Le propos est illustré par une action du début du match, où les Bleus récupèrent le ballon après un jeu au pied japonais à hauteur de la ligne médiane. S'ensuit un premier temps de jeu sur lequel Mauvaka gagne la ligne d'avantage, un deuxième sur lequel Vakatawa est refoulé par la défense adverse.
La stratégie bleue exigerait alors du jeu au pied, d'ailleurs Jalibert et Jaminet se sont placés en retrait pour cela. Le sélectionneur navigue avec l'aide de Nicolas Buffa entre les différentes prises de vue (ce que vous ne pouvez pas faire depuis votre canapé) et montre les espaces vides dans le troisième rideau japonais. Au lieu de quoi, Lucu alerte ses avants pour un troisième temps de jeu infructueux. Attention, la possession a dépassé les 22 secondes et le momentum est perdu ! « Là, on déjoue et on est puni immédiatement par une pénalité, normal. »
Jouer Haut
Objectif atteint
Par « jouer haut », Galthié entend jouer dans le camp adverse. Sur un schéma représentant le terrain, le camp français (de l'en-but à la ligne médiane) est peint en rouge. L'objectif est d'y passer le moins de temps possible, d'en sortir par un jeu au pied de qualité.
« Au total, on y a passé 3'30'' (ballon en main) pour 23 possessions. Si on le ramène à la possession, ça fait environ 11 secondes pour une moyenne de 0,4 ruck dans notre camp. Moins tu fais de rucks, moins tu y laisses de l'énergie et moins tu risques de faire une faute. On a été dans les standards qu'on s'était fixé en sortant très vite de notre camp. »
Rester discipliné entre les 22
Objectif non atteint
Avant le match, le staff avait réclamé aux joueurs de ne pas concéder plus de quatre pénalités dans la zone allant des 22 aux 22. « Là-haut, on peut faire des fautes, ici, on peut en faire aussi, dit Galthié en pointant les 22 mètres adverses et les 22 mètres français. Mais là (entre les deux lignes des 22 mètres), il ne faut pas en faire. » Pourquoi ? « Une pénalité dans ces zones-là, ça veut dire pénaltouche et t'as 70 % de chance de prendre un essai au niveau international, même si on a un très bon ratio de défense sur touche. »
Dans cette zone, les Bleus ont effectué huit fautes, le double du pré-requis. « C'est le point négatif du match », pointe Galthié alors que c'était un secteur en nette amélioration depuis plusieurs mois.
Autre point noir, l'inefficacité au grattage dans cette zone malgré beaucoup d'implication. « On a attaqué trop de rucks, 30 sur 76 (39 %), pour une petite moisson, cinq ballons grattés. On le fait très bien avec notre équipe qui a l'habitude de jouer ensemble (celle du Grand Chelem), on sait quand il faut attaquer, quand il ne faut pas attaquer. Là, on n'avait pas les réflexes collectifs, on y a laissé de l'énergie et on s'est éliminés en attaquant les rucks qui ne convenaient pas. » Voilà un des axes de progression identifiés pour le deuxième test.
Développer un jeu au pied de qualité
Objectif pas toujours atteint
Galthié présente ensuite un terrain sur lequel sont modélisés tous les coups de pied tapés par les Bleus avec une couleur évaluant la qualité de chaque jeu au pied. Ça clignote dans tous les sens, mais, selon le sélectionneur, c'est « très important » : « Quand c'est rouge, c'est pas bon. Le vert, là, c'est Yoram (Moefana, sur son essai avec coup de pied à suivre pour lui-même). On avait un objectif de 97 % de qualité. Là, on est à 71 % donc on a une grosse marge de progression aussi. On a moins tapé que d'habitude (24 fois) parce que les Japonais se sont peu dépossédés du ballon. On avait prévu 15 jeux au pied de leur part. » Les stats finales leur en attribuent 14. Ou quand la prédiction confine presque à la voyance...