Voilà dix ans que cela dure. Dix ans que le rugby français s’enfonce irrémédiablement dans les méandres du rugby mondial. Quatrièmes…cinquièmes…aujourd’hui neuvièmes sur le grand échiquier vert. Chacun a sa théorie. La faute à Guy Noves, au Top 14, aux joueurs, à la fédération… Un peu à tous probablement. Quoiqu’il en soit il est temps de réagir. Violemment. Avec fermeté. Bernard Laporte, président de cette grande mascarade, qui nous habitué à des coups de gueule légendaires, va devoir en pousser un gros. Pas un de façade pour amuser la galerie et les médias. Mais un vrai, suivi d’actes, de résolutions, de décisions. Bref de changements radicaux à tous les étages. Et cela commence au plus bas des étages. Ne serait-il pas temps de réapprendre à jouer au rugby dans les écoles du même nom ? Apprendre sur le terrain, apprendre dans le vestiaire, apprendre dans le bus qui mène les gamins au tournoi du samedi au pied du clocher voisin. Que ceux qui ne me croient pas aillent voir un plateau sur un stade le samedi. Ils y verront l’étendue des dégâts.
Tiens en parlant de gamin, mon fils de 11 ans me reprit sèchement hier soir quand je lui disais naïvement que nous étions une grande nation de rugby.
- « Nous sommes une grande équipe de rugby ??? » me répondit-il.
Je me lançais alors dans une difficile explication.
- « Non…une grande nation. C’est-à-dire que nous sommes un pays qui compte dans le monde du rugby…3 fois finalistes de la coupe du monde…plusieurs grands chelems dans le tournoi…des victoires contre la Nouvelle Zélande….enfin tu vois quoi… ».
- « On a déjà gagné contre les All Blacks ?!? Tu plaisantes ! » (et oui il n’a que 11 ans…)
- « Bien sûr que l’on a déjà gagné contre eux. Pas souvent, mais plusieurs fois oui, et même à de grandes occasions. Ce n’est pas parce qu’actuellement nous avons une mauvaise équipe que nous ne sommes pas un pilier du rugby mondial. La preuve, on vient de nous attribuer la coupe du monde de 2023. On y ira si tu veux ! »
- « Bof….pour voir une équipe de loosers… »
Constat violent sur le fond et sur la forme. Et pourtant comment lui donner tort ? Car si les résultats ne pouvaient pas le contredire, à bien y réfléchir je n’avais pas plus d’arguments à lui opposer quant à l’état d’esprit de cette génération. Des loosers…ma progéniture avait raison.
Dire qu’ils ne sont pas bons est trop subjectif pour servir d’argument. Par contre la statistique suivante résume à elle seule cet état de fait : 20% ! Oui 20% du 15 titulaire contre le Japon sont descendus en Pro D2 voilà 4 ans. Guirado, Vahamahina, Taofifenua. Et si Camille Lopez n’avait pas été blessé, cela portait à 26% le taux de loosers (au sens littéral du terme) de l’équipe. Si individuellement il serait sévère de rejeter la faute sur l’un ou sur l’autre, collectivement ils ont indubitablement démontré qu’ils n’étaient pas au niveau du Top 14. Et on les oppose aux Néo-Zélandais ?! Aux Sud Africains ?! La bonne blague ! Ils ne sont bien évidemment pas les uniques responsables de la faillite de ces derniers mois, puisque le raisonnement est globalement le même pour l’ensemble de l’équipe. Mais ils en sont les symboles, les miens en tous cas. Ils sont tout bonnement les symboles d’une génération limitée rugbystiquement et très largement surcotée. Mais surtout, le symbole de joueurs élevés dans la culture de la défaite. Ils perdent en club…et bien ils changent de club. Ils perdent en équipe de France…et bien ils attendront paisiblement la prochaine sélection. L’objectif de « survie » leur est totalement inconnu. Il y a encore quelques années, un joueur jouait son honneur ou celle de son club sur un terrain. En perdant il ne lui restait rien. Aujourd’hui reste au moins le salaire…et un nouveau contrat à négocier. Au pire il peut toujours se congratuler de jouer dans l’auto-proclamé meilleur championnat du monde. Contrairement à leurs illustres ainés, ceux-là jouent sans but, sans raison, sans passion. Bref ils jouent sans envie. Des loosers magnifiques. Et cela se ressent sur le terrain. Si la victoire ne vient pas à eux naturellement, aucun ne sait puiser en lui les ressources pour aller la chercher, puisque trop souvent habitué à cultiver son jardin doré. Le joueur professionnel vit dans un cocon aseptisé au sein duquel tout lui est servi : démarches administratives, logistique, kinés, coaches qui le soulagent de la pression médiatique et j’en passe. Seul le coté brillant de la médaille lui semble légitime, puisqu’il est délesté de la face sombre. Si en plus il est intrinsèquement moins bon que son adversaire…c’est déjà perdu dans le bus qui le mène au stade. Et c’est malheureusement le cas aujourd’hui. Deux contre un mal négociés, centres ne sachant pas faire une passe à gauche, maladresses sur ballons hauts, méconnaissance de la règle… quand je vous disais plus haut que nos joueurs étaient surcotés, ce n’est pas un vain mot… Tout juste les meilleurs sont bons et les autres pas au niveau du tout. Encore va-t-il falloir le reconnaitre pour y remédier. Le gendre idéal n’a pas sa place dans le rugby, aussi moderne soit-il. La culture rugbystique française, elle, n’est même plus en danger : elle a disparu il y a bien longtemps. Trop d’argent, trop d’étrangers, trop de matches, trop de loosers. L’heure de la révolution a sonné au risque de continuer notre inexorable chute. Dixièmes…onzièmes…douzièmes…