Une saison 2019-2020 amputée, un exercice 2020-2021 plombé par le huis clos… Le coronavirus bouscule le modèle économique du rugby français.
François Rivière pointe les pertes financières. Le président de l’USAP milite pour un nouveau modèle pour le rugby français et rejette le projet de Top 12, « le rugby des télés et des riches ».
Demain, Bernard Guasch fera le point sur la situation des Dragons Catalans en Super League.
Vous souvenez-vous du premier cas de Covid-19 de votre club ?
Oui, très bien : c’était un faux cas. Le joueur était catastrophé ; il a répété qu’il ne sortait pas et qu’il ne voyait personne. Le lendemain, le test PCR était négatif, mais il a quand même été placé en quarantaine. Depuis, la prise de sang a confirmé qu’il n’avait jamais contracté la Covid-19.
Avez-vous eu peur de contracter le virus cette année ?
Bien sûr. Je suis toujours très inquiet par rapport au terrible accident que j’ai eu il y a 5 ans, sur un manège à Narbonne. Je suis une personne à risque et je suis obligé d’être très prudent. J’ai déjà été testé au moins une dizaine de fois. J’espère que l’on me proposera en priorité le vaccin et je vais le faire.
La crise sanitaire a-t-elle modifié la vie du club et de ses décideurs en interne ?
Avec Christian Lanta, Patrick Arlettaz et Bruno Rolland, nous sommes testés régulièrement tous les quatre et on se voit souvent. Il y a davantage de visios, mais je crois beaucoup aux contacts, à l’empathie et c’est important de se rencontrer.
Qu’est-ce qui vous a manqué le plus en 2020 et l’arrivée de la crise sanitaire ?
Sans hésitation : le public. Je suis un président qui aime les gens et j’aime passer du temps avec eux. Depuis six ans, j’ai tout vécu en tant que président de club, mais devoir jouer devant un stade vide, c’est désagréable.
Avez-vous une idée de l’ampleur des dégâts financiers au sein de votre club ?
Oui et il y a deux points : les pertes sèches et la cassure dans le phénomène de recherche de nouveaux partenaires. Nous allons recevoir une indemnité à hauteur de 55 % des pertes ; il va donc en manquer 45 %. Mais cette indemnité a été calculée sur la base de la jauge des 5 000 spectateurs. Rien qu’au niveau des buvettes, les pertes nettes approchent le million d’euros sur une saison. Et puis, il y a un deuxième point. Pour revenir en Top 14, il faut que le chiffre d’affaires soit sur une courbe ascendante. Nous y étions avant le deuxième confinement. C’est donc un vrai coup d’arrêt dans notre dynamique positive.
"Nos partenaires auront peut-être moins de patience si ça dure jusqu’à Pâques"
Comment réagissent vos partenaires ?
Aujourd’hui tout le monde comprend. Il faudrait quand même que la période de couvre-feu ou de confinement s’arrête pour que l’on puisse à nouveau accueillir du monde à Aimé-Giral. Nos partenaires auront peut-être moins de patience si ça dure jusqu’à Pâques.
L’année 2020 ne vous a-t-elle pas obligé à réfléchir à un autre modèle économique et sportif ?
La crise du Covid aura amené une prise de conscience réelle : le rugby français ne peut pas vivre indéfiniment au-dessus de ses moyens. Le rugby est l’élément d’intégration d’un territoire et, aujourd’hui, il est trop éloigné de ses territoires. La Covid a apporté une prise de conscience de la fragilité du système économique du rugby français. Plusieurs responsables militent pour une ligue fermée et un Top 12. C’est le rugby des télés et des très riches. Mais ce n’est pas l’ADN du rugby, celui de la proximité, de l’éducation et de la solidarité. Il faut se poser des questions sur le rugby que l’on veut. On ne veut pas d’un Top 12 et il faut réfléchir à jouer plus l’été et moins l’hiver. C’est cette vision que je veux défendre pour le rugby français.
Les pertes financières n’engendrent-elles pas une autre vision du recrutement ?
Pour être franc, non. À l’USAP, nous avons une politique de recrutement très raisonnable. On prend notre temps et on ne veut pas augmenter notre déficit. Je constate que notre club reste très attractif, sauf qu’encore une fois, si nous montons en Top 14, nous ne le saurons que mi-juin et le marché des transferts sera très largement effectué. Comment tenir bon la première année, alors que nous ne serons pas en mesure de nous préparer ? Il faudrait une sorte de neutralisation des deux promus pour une année. Sans fair-play financier, ça ne peut pas fonctionner non plus. De nombreux sujets ont été levés par cette crise et ils sont sur la table. La Covid n’a pas été une mauvaise chose par rapport à cette prise de conscience. Les dossiers ont été posés et il faut aller au bout maintenant.
Qu’attendez-vous de 2021 ?
Ce serait une bonne nouvelle si à l’occasion de la réception de Colomiers, le 22 janvier, l’étau pouvait se desserrer un petit peu pour recevoir des abonnés. Nous espérons aussi que la saison aille à son terme.
Bruno Onteniente