Après une saison compliquée, Lucas Levy, 26 ans, a quitté Provence Rugby pour porter les couleurs de la sélection espagnole de rugby à 7...
Peux-tu nous décrire ton parcours rugbystique ?
J'ai fait toute mon école de rugby au SMUC à Marseille. Lors de ma deuxième année cadet, j'ai signé à Colomiers où je n'ai fait qu'un an car je n'avais plus de famille d'accueil sur place. Jérôme Chabrand (mon agent), ancien directeur du centre de formation, m'avait déjà contacté avant de partir à Colomiers pour rejoindre le PARC à l'époque. Mais je n'ai signé que l'année suivante en Crabos. Dès ma deuxième saison, je suis rentré au centre de formation avec comme entraineur Sylvain Ribouleau ou encore "Dede" Depuy. Et de là, j'ai enchaîné en Reichel et j'ai notamment été surclassé avec les Espoirs pour quelques matchs lors de ma première année.
J'ai commencé à m'entraîner avec la première à partir de ma 2e année Reichel. Ce fut très très compliqué, car j'étais à l'ouest complet par rapport au monde professionnel. Olivier Nier, l'entraîneur de la première à l'époque, ne me loupait pas mais il m'a rendu plus mature. Je dois aussi beaucoup à Olivier Desfontaine (directeur du centre de formation à cette époque ) qui m'a toujours soutenu même quand c'était dur.
Puis Didier Nouraut et Conrald Stoltz sont arrivés et au bout de quelques matchs, Didier m'a lancé dans le grand bain un soir contre
Dax. Cette saison-là, j'ai enchaîné 14 titularisations d'affilée et au final 21 feuilles de match, dont 19 en tant que titulaire. Les saisons qui ont suivi ne se sont pas déroulées comme nous l'aurions voulu avec les descentes mais il y a eu ce titre de champion de
France deux ans après qui nous a fait remonter en
Pro D2.
Tu as aussi eu l'opportunité de jouer avec l'équipe de France amateur et France Universitaire à 7.
J'ai pu connaître France amateur où je me suis régalé et ou j'ai pris un sacré plaisir à jouer et à gagner contre les Irlandais à l'Aviva Stadium ou bien les Anglais face à qui j'avais réussi à contrer le buteur. Une belle première pour moi avec une belle bringue derrière. Avec France Univ à 7, j'ai vécu les JO universitaires (2e) et la Coupe du monde (3e).
Quand as-tu connu tes premières sélections à 7 avec l'Espagne ?
J'ai été appelé par la sélection espagnole à 7 pour participer au stage de préparation avant le tournoi de qualification à Hong Kong en 2016. De fait, j'ai appelé Marc Delpoux
(l'ancien entraîneur d'Aix-en-Provence remercié en mai 2017, ndlr) qui, dans un premier temps, n'a pas voulu me libérer car comme il me l'avait si bien dit : "
j'ai besoin de la couleur de ta licence (blanche)". Il a appelé le président, Denis Philipon, qui lui a validé de suite l'idée de me laisser partir.
On sait que les relations entre certains joueurs, dont Sylvain Bouillon, et Marc Delpoux n'étaient pas au beau fixe cette saison. Avais-tu toi aussi des divergences avec le staff ?
Une fois les deux semaines de stage passées, j'ai été sélectionné à participer au tournoi de Hong Kong. J'ai été une nouvelle fois confronté à un mur, Marc Delpoux, qui n'était pas d'accord pour que je parte car il restait un match très important pour la qualification contre Tarbes au Vélodrome. Je lui ai dit que je préférais jouer la carte du Seven à fond. Sa réponse a été de me dire qu'il n'allait pas prendre un avion pour venir me chercher et que ce n'était que la sélection espagnole.
J'ai une fois encore eu le président qui lui a essayé de calmer les choses. Mais ma décision était prise. Le lendemain, j'ai appris qu'il avait convoqué le groupe pour leur dire que j'avais préféré jouer ma carte personnelle plutôt que celle du collectif pour ce match si important contre Tarbes. En gros, j'étais le vilain petit canard. Suite à ce tournoi, nous nous sommes qualifiés pour participer aux World Series.
Une fois rentré, alors que nous préparions un match contre Nevers, j'ai eu le droit à une poignée de main le lundi matin sans même avoir pu croiser son regard. Tous mes coéquipiers et les autres entraîneurs m'ont félicité, mais pas lui. De septembre à janvier, je n'avais eu que 30 min de jeu (1 match joué). De janvier jusqu'au tournoi de Hong Kong, j'avais été tous les week-ends dans le groupe (8 matchs joués). La semaine où je suis revenu, le groupe a été annoncé et bien sûr je n'étais plus dans le groupe. Le tout sans recevoir aucune explication.
Quand as-tu pris la décision de quitter Provence Rugby pour la sélection espagnole à 7 ?
Comme à Sylvain Bouillon et beaucoup d'autres, on m'a annoncé un jour avant de partir en vacances, donc une semaine après la fin de la saison, que j'allais avoir énormément de concurrence. Marc Delpoux m'a dit que j'étais en 5e position. Ils m'ont plus ou moins parlé de prêt, mais c'était une excuse pour que je quitte le club. En sortant de ce rendez-vous, j'ai appelé et mon agent et mes parents. Mon agent a fait du mieux qu'il a pu et m'a eu un rendez-vous avec les dirigeants de Strasbourg.
Tous les voyants étaient au vert avec un projet ambitieux et une durée de contrat de minimum 2 ans pour que je rebondisse. Mais une semaine plus tard après être revenu d'un tournoi à 7, j'ai vu mon agent sur Aix et là le contrat n'était pas celui qui était convenu. Je lui ai dit que je ne ferai aucune contre-propositioncar c'était du foutage de gueule. J'ai envoyé un message au manager de Strasbourg en étant très courtois. Mais lui n'a pas répondu. Bizarrement, ceux qui ont quelque chose à se reprocher ne répondent jamais.
La saison a commencé avec Provence Rugby et en octobre j'ai décidé d'aller parler à Marc Delpoux pour savoir pourquoi je n'avais pas eu ma chance au moins sur les matchs amicaux puis lors de la première partie de saison. Il m'a répondu : "
si je ne t'ai pas laissé ta chance c'est que je ne l'ai pas voulu. J'ai recruté du monde et je pensais avoir été clair cet été." Mais à aucun moment de sa bouche n'est sorti le fait qu'il voulait que je m'en aille. Je lui ai dit que j'avais fait une bonne préparation et que sur le peu de temps de jeu qu'il m'avait donné lors des match amicaux, ça c'était bien passé. Je lui ai quand même dit que je m'accrocherai jusqu'au bout, même s'il y a eu des moments où j'ai été un peu moins concentré à l'entraînement. Mais c'est normal, je suis un humain qui vit de sa passion mais qui ne joue pas pour la première fois de ma carrière.
Quels souvenirs gardes-tu de ces dix années passées à Aix-en-Provence ?
Je garde de très bons souvenirs, de super rencontres et des joueurs qui sont devenues des amis. Je remercie les préparateurs et le staff médical, sans oublier les intendants et mon préféré (padre). Une anecdote ? Celle où je suis dans le groupe jusqu'à une heure avant le début du match. Padre me dit que je ne joue pas ce soir car il m'a remplacé par un jeune. Bien sûr nos dirigeant et le manager, Marc Delpoux, s'étaient bien gardés de me le dire donc impossible de pouvoir jouer, ni avec la b, car le match était déja commencé, ni en première. Un sketch. Je n'ai que 26 ans mais cela fait 10 ans que je suis au club. C'est quand même un manque de respect. Il ne faut pas abuser. L'aurait-il fait à Bornman ou bien à Skeate ? Pas besoin de donner la réponse !
Désormais, comment se présente ton avenir ?
Les JO de Tokyo en 2020 sont dans un coin de ma tête, mais il faut d'abord penser à se maintenir l'année prochaine sur les World Series. On veut aussi aller à la Coupe du monde à 7 l'été prochain à San Francisco et ça se joue ce week-end à Exeter en
Angleterre lors de la dernière étape des championnats d'Europe. Les deux premiers se qualifient et nous sommes actuellement 3es avec deux petits points de retard après avoir terminé deux fois deuxième et une fois troisième. Croisons les doigts.
Après un peu de vacances je vais reprendre une preparation collective avec Berre L'Etang (promu en Fédérale 2) et une plus personnelle spécifique au
rugby à 7 avec un de mes meilleurs amis qui est coach sportif à Aix, Jeff Roche, sans oublier aussi mon "Benoid". Ils ont aussi joué à 7 et connaissent les exigences de ce sport. Je compte sur eux pour m'amener au meilleur niveau. Retour en septembre avec la sélection. Je devrais signer mon contrat avec la fédération espagnole.
Penses-tu rejouer à XV un jour ?
Je ne vais pas lâcher le XV car j'ai passé un accord moral pour le moment avec le président de Berre pour jouer entre 8 et 10 matchs dans l'année. J'ai eu quelques contacts grâce à mon agent et je tiens à les remercier encore, mais mon choix était de jouer à 7.