RCT : "On est tous sur le même bateau" (Delmas)
Samedi dernier, à Paris, le RC Toulon a été écrasé par le Stade Français (23-0). Retour sur la défaite avec Jacques Delmas
Samedi dernier, à Paris, le RC Toulon a été écrasé par le Stade Français (23-0). Après le match, le président Mourad Boudjellal a notamment pointé du doigt le rendement de la mêlée varoise, "la plus mauvaise du Top 14" à ses yeux. Hier, à l'issue d'un entraînement tout particulièrement rythmé et musclé avec "ses" avants, Jacques Delmas, le coach en charge de ce secteur, a accepté de s'exprimer sur le sujet.
Quelle analyse tirez-vous de ce lourd revers à Paris ?
Jacques Delmas : Avec un peu plus d'application et de réalisme, nous aurions certainement pu faire la course en tête lors de la 1ère période. Or, durant ce match, il y a trop eu de carences de notre part dans certains secteurs de jeu pour pouvoir rivaliser avec notre adversaire, ne serait-ce que dans l'engagement. Alors, c'est vrai, sur nos ballons, on a été en souffrance en mêlée face à la meilleur équipe du championnat dans ce secteur avec notamment Rabah Slimani. C'est vrai, aussi, on n'a pas mis assez d'engagement dans les zones de ruck.Mais c'est un tout. Car la mêlée, c'est également un état d'esprit. Du coup, on va faire le dos rond et continuer à bosser. On a deux jeunes (Xavier Chiocci et Florian Fresia) au poste de pilier gauche; ils ont beaucoup de talent, mais il faut le compléter par le travail. On va s'y employer ensemble. De toute façon, on relèvera la tête tous ensemble, puisqu'on est tous dans le même wagon. C'est sûr, je peux apparaître comme l'exutoire de beaucoup de choses, mais ça ne changera pas la donne : on a tous besoin de s'y mettre.
Avez-vous le sentiment de servir d'exutoire, par rapport aux propos de votre président samedi ?
J.D. : Je n'ai pas envie de commenter et de revenir sur tout ce que j'ai entendu ce week-end. Mais si ça peut soulager les âmes des gens et que, dès lors, on puisse repartir de l'avant, pourquoi pas... (Il sourit) Vous savez, je suis vacciné ! J'ai vingt ans de métier. Moi, ce qui m'intéresse, c'est qu'on progresse. En touche, par exemple, on a tout entrepris pour mettre les choses définitivement au point. On l'a fait et ça s'est vu. Concernant la mêlée, on va y arriver, là aussi. L'année dernière, le RCT souffrait dans ce domaine, mais on l'a visiblement oublié. A ce moment-là, il y avait Sébastien Bruno qui solutionnait tous les problèmes. Aujourd'hui, on n'a pas ce talonneur costaud, mais on va travailler pour que, collectivement, on puisse le compenser. C'est comme ça; les gens oublient vite, on le sait...
En attendant, votre propre président considère votre mêlée comme "la plus mauvaise du Top 14"...
J.D. (Il coupe) : Mais je ne vais pas commenter. C'est mon président. C'est le patron et il a le droit de dire ce qu'il a envie de dire. Voilà tout. Moi, il ne faut pas que j'aie des états d'âme. Au-delà de moi, mon président a sans doute besoin de toucher surtout ses joueurs. Je le répète : on est tous dans le même bateau et on a envie de s'en sortir ensemble. En tout cas, qu'on se le dise : la marge de progression de notre pack est très importante.
Après ses déclarations parues dans "La Provence" et dans "L'Equipe", en avez-vous discuté avec le président ?
J.D. : Oui, je l'ai vu ce matin (hier). Ses déclarations ? C'est un président ambitieux, c'est normal. Il a vu le match et nos lacunes comme tout le monde. Cela ne lui a pas fait plaisir. C'est un sanguin, mon président. Et je comprends sa réaction.
Personnellement, ce type de critiques est-il difficile à vivre ?
J.D. : Oh, vous savez, je ne lis pas et je n'écoute pas tout ce qui se dit de mal sur moi. Sinon je me pends ! L'important, dans ces moments-là, c'est de croire en toi. Il y a beaucoup de mecs qui oublient ce que j'ai fait pendant vingt ans. Des mêlées, des piliers, des talonneurs, j'en ai vus ! Des mêlées en difficulté ? Eh bien, on en a fait des mêlées fortes. La mêlée, c'est du travail, mais c'est surtout l'école de l'humilité. Et quand on en manque, on passe à la trappe. Là, justement, je crois qu'on manque un peu d'humilité. On n'est pas revenus sur terre.
C'est vraiment votre sentiment ?
J.D. : On ne se donne pas tous les moyens de franchir un cap et de réussir. Je l'avais déjà vécu avec le Biarritz Olympique. Je parle donc en connaissance de cause. A un moment, on croit toujours que l'on va s'en sortir et puis, ce n'est pas le cas. Car on se ment et quand on se ment, on n'avance pas. Mais encore une fois, je le dis : on y arrivera ensemble. Je ne me dissocie pas des joueurs.
Cet été, en arrivant au RCT, club médiatique, vous saviez que le contexte serait aussi bouillant...
J.D. : Je suis conscient d'être le premier fusible en cas de coup dur. Je le sais pertinemment, sinon je ne serais pas venu. Mais ce n'est pas ça le plus important. En rejoignant le RCT, c'est d'abord l'aventure humaine qui m'a attiré. Venir bosser avec Bernard (Laporte) et 'Pierrot' (Mignoni) me plaît énormément. Le RCT est un club magnifique. C'est la raison pour laquelle, je ne me démobilise pas. Au sein du staff, on a la chance de très bien s'entendre. On a envie d'aller de l'avant. On se dit les choses en face; on ne se loupe pas (il sourit). Bernard, c'est le boss; il est donc exigeant avec nous. On veut tous réussir. Après un titre de champion d'Europe, je savais pertinemment que des références au précédent staff (à son prédécesseur, Olivier Azam) seraient faites. Mais moi, je suis là pour prolonger tout ce qui avait été mis en place et les bons résultats sportifs. C'est un devoir et je m'y applique.
Ce week-end, le président Boudjellal a dit qu'il "ne bougerait pas" jusqu'au match d'Exeter. Sous-entendu : en cas de nouveau revers et de quasi-élimination en H Cup, des remaniements pourraient intervenir... Est-ce que vous vous sentez menacé ?
J.D. : On va là-bas pour gagner, il n'y a rien de nouveau ! On le sait, on va jouer notre qualification (du moins, une place favorable dans la course aux quarts de finale). Dès lors, on va bosser avec encore plus d'application. Mais bon, ensuite, nous, entraîneurs, on met notre destin entre les mains de nos joueurs. Et c'est comme ça à chaque match.
Laurent Blanchard