2009-2019 - L'Odyssée de l'USAP : 2009, l’année Mermoz
Un zeste de folie et un grand besoin de reconnaissance : à 22 ans, Maxime Mermoz réalise en 2009 l’année parfaite.
Débarquer à l’USAP et tout casser : le plan était simple quand Maxime Mermoz est arrivé à l’été 2008. Homme clé de la saison catalane, le centre mènera la double quête du Brennus et d’une reconnaissance qu’il n’avait pas trouvée au Stade Toulousain. L’espace d’une saison toute en feintes, crochets et d’une demi-finale en forme de chef-d’œuvre, Aimé Giral s’était réincarné en Maxime Mermoz. Dix ans plus tard, le jeune homme pressé est revenu à Toulouse en homme apaisé. Trente minutes durant, il s’est replongé sur cette année charnière qui la propulsé vers la sphère internationale.
« À Toulouse, j’avais le sentiment que je n’existais pas » : vous avez prononcé cette phrase six mois après votre arrivée à l’USAP…
Au-delà du joueur, dans la vie du quotidien, je n’étais pas moi-même. En arrivant à Perpignan, j’ai pu juste assumer qui j’étais et me réaliser sur et en dehors du terrain.
Au-delà du joueur, c’est de l’homme dont on parle ?
Toulouse à l’époque, c’était complexe. Le coach (Guy Novès) donnait du crédit à certains mecs plus qu’à d’autres. J’avais une situation un peu particulière, des non-dits qui allaient au-delà du sport. J’essayais juste de faire profil bas et d’enchaîner les matches, qu’on me donne la chance comme les autres.Mais en fait, tout était déjà pré-écrit, pré-établi. Quoi que je fasse, dans un sens ou dans l’autre, ça n’arrivait jamais. Finalement, on se perd, on oublie d’être qui on est et ça se ressent sur le terrain puisqu’on est toujours entre deux eaux.
J’avais la dalle
Vous arrivez à Perpignan à l’été 2008. Pour votre premier match, contre Bayonne… (il coupe) J’ai pris un KO. J’ai joué tout le match mais j’étais sonné.
Vous marquez un essai et finissez meilleur plaqueur, devant Marty et Pérez.
J’avais la dalle. J’étais comme un lion en cage entre la frustration et l’excitation, l’envie juste de jouer. Ça faisait X années que je m’entraînais au Stade et tous les jours, j’étais dans cet état d’esprit. Quand j’arrivais en équipe « une », je n’avais pas cette gnaque, mais peut-être la peur de mal faire. Je n’arrivais pas à être moi-même. Là, un coach, Jacques Brunel, est venu me chercher parce qu’il croyait en moi. Il disait : « Si tu es le meilleur, tu joues. » C’est rare qu’un coach dise ça parce que souvent, quand ils parlent à un jeune, ils lui disent tu seras tel ou tel numéro. (il s’emporte) Mais le sport, il n’y a aucune certitude ! Il faut être bon et se surpasser tous les week-ends. Là, j’ai pris toute la saison comme ça. Chaque match à fond sans réfléchir.
« Ici, il y a moins d’élitisme », disiez-vous encore. C’était ça l’USAP ?
Je n’ai pas peur de le dire, à l’époque où j’étais à Toulouse, ils voulaient te faire croire qu’ailleurs ils ne savaient pas jouer au rugby ou que le reste c’était pas le rugby. Je ne dis pas que c’était une secte mais, à ce moment-là, la plupart des joueurs étaient en équipe de France, champions d’Europe… Quand ils reviennent, ça écrase un peu tout le monde. Tu as l’impression de tout devoir au club. À ce moment-là, le club c’était une machine et il fallait s’accrocher aux branches. Je trouvais un côté plus humain et terre à terre à Perpignan.
Vous différiez pourtant de l’image d’Épinal du Catalan. Vous aimiez la mode, les réseaux sociaux, l’art…
On me disait : « Maintenant tu es catalan. » Je répondais : « Surtout pas, je suis accepté catalan. » Je respecte cette identité très forte. Ce n’est pas passé avec tout le monde, certains Catalans ont une vision un peu étriquée. On ne change pas les gens, il ne faut pas leur en vouloir. Avec 90 % des autres, c’était super bien. Les gens ont juste vu que j’étais un petit jeune des Vosges (natif d’Épinal) qui venait là pour se régaler. Tout le reste, c’était accessoire et il n’y avait rien d’extraordinaire. Aujourd’hui, ce qui est rigolo, c’est que même les piliers s’habillent un peu stylé. Ce que j’étais, tout le monde l’est devenu. Je me dis que je suis peut-être arrivé dix, douze ans trop tôt. Mais l’adaptation s’était bien passée. Je me régalais là-bas avec des gens qui n’étaient pas dans le jugement. Si j’aime aller dans des restos, des galeries d’art, faire du shopping, il n’y a rien d’anormal. Tous les mecs sont réseaux sociaux à fond.
Je devais tout le temps me justifier
Quelques minutes avant la finale, à quoi songiez-vous ?
Je pensais beaucoup à la famille qui était là et qui ne comprenait pas ce qui s’était passé à Toulouse, qui me remettait même moi en question sur mon attitude ou autre chose, sans savoir ce qu’il se passait. Je devais tout le temps me justifier, justifier, justifier… Je disais : « Non, je fais rien, je dis rien, je m’entraîne ». C’était un peu tout ça qui est remonté. Ce n’était pas une envie de revanche, c’était simplement l’envie de kiffer le moment et d’aller chercher ce qu’on pensait mériter.
Ce besoin de reconnaissance vous liait à l’USAP, privée du bouclier depuis plus de 50 ans.
Quand on est dans un milieu, on a envie de se sentir actif, utile, sentir qu’on existe. C’était surtout ça. Perpignan est un club historique, mais je ne me suis pas trop intéressé au palmarès quand j’ai signé. Tous les anciens du club avaient envie de renouer avec la victoire. Au Stade Toulousain on ne se rend pas compte, on a l’habitude de gagner tous les ans – à ce moment-là. Le goût de la victoire est complètement différent. Un dirigeant, Sobraques, qui est vraiment un super mec, nous dit (il prend l’accent) : « ****** les gars, si vous gagnez, je vous invite en Espagne, on fait une grosse fête ! » À Toulouse, il n’y a personne qui te dit ça. C’est normal, tu vas à la mairie, c’est protocolaire. Et l’année suivante ça repart. C’était devenu une routine. On peut voir que les périodes de disette peuvent arriver vite. À l’USAP, quand on a gagné, on s’est regardé… Comme si c’était écrit mais, en même temps, pas réel… C’était un sentiment très spécial. Je suis passé d’un milieu très pesant, lourd, très pro aussi, à quelque chose de plus léger, familial et une colonie de vacances. Il fait beau, même s’il y a du vent, tu t’entraînes, tu prends ton scooter pour aller à la plage, la voiture en Espagne… Tu as envie que toute ta carrière reste comme ça ! C’est pour ça que je regrette que le club n’ait pas construit sur nos bons résultats. L’avoir vu redescendre, ça fait mal au cœur.
Maxime MERMOZ
Né à Épinal, 32 ans
USAP (2008-12) / 34 sélections avec la France Saison 2008-09
Poste : N.12 (x15), N.13 (x1) 18 matches, 17 titularisations, 1356 minutes
6 essais, 1 carton jaune