Nés à Perpignan, formés à l’USAP, ardents défenseurs de la catalanité, les entraîneurs Patrick Arlettaz et Bernard Goutta verront leur route se croiser pour la première fois, demain à Aimé-Giral, lors du match USAP-Colomiers. Portrait de deux grands passionnés.
Si différents physiquement, et pourtant si ressemblants rugbystiquement... Patrick Arlettaz et Bernard Goutta ont d’abord une voix, rauque et virile, une voix à l’autorité naturelle formatée pour le commandement. «Va au maille, fraï ! (va au combat, mec) », ont-ils hurlé plus d’une fois.
S’il y a bien un néologisme catalan qui, dans l’esprit, rassemble les deux hommes, c’est bien cette injonction au dépassement de soi-même. Avec humour concernant Arlettaz, quand Goutta aime faire dans le paternalisme. « Chacun a sa personnalité, mais tous les deux savent motiver les joueurs comme personne », confie Yohan Vivalda, qui a côtoyé avec le même bonheur ces deux « ntraîneurs entraînants.
Affectif et performance
Adversaires demain après-midi à Aimé-Giral, les coaches de l’USAP et de Colomiers se connaissent par cœur et partagent les mêmes valeurs. Combattre. Se transcender. Ne jamais renoncer. « On était une génération qui fonctionnait à l’émotion, avec des mecs que je respectais énormément », résume l’ancien flanker sang et or, Gregory Le Corvec. Il en sera de même dans vingt-quatre heures, où chacun tentera de surprendre l’autre.
Comme à son habitude à l’heure de retrouver son ancien club, Bernard Goutta s’est muré dans le silence cette semaine. Ce qui laisse Patrick Arlettaz de marbre : « Tout le monde connaît l’empreinte qu’il a laissée ici. Son retour n’est pas anodin. Je ne pense pas que j’arriverai à le faire sortir de son match. Sans être prétentieux, je ne suis pas persuadé qu’il y arrive non plus. » Devenus entraîneurs plus par passion du jeu et des hommes que par vocation, l’un et l’autre ont bien l’intention de s’affronter à la loyale, fort de convictions tactiques forgées au sein de la matrice USAP. Arlettaz et Goutta n’ont jamais oublié leur passé d’anciens joueurs, où l’affect était intimement lié à la performance.
Le combat d’abord
<J’aime mes joueurs », disent-ils en chœur. Et les joueurs se damneraient pour eux, sans exception. Une alchimie qui prend sa source dans le vestiaire, le cœur du réacteur, sanctuaire inviolable où la vérité des hommes est mise à nu à l’approche du combat. « La seule chose qui peut me pousser à démissionner, c’est de perdre la confiance de mon groupe », a toujours clamé Goutta. « Bernard a cristallisé sur sa personne tous les référents que les gens se faisaient du joueur emblématique catalan. Il correspond à la perfection au grand joueur de rugby qu’un Catalan rêve de devenir. Ce n’est pas celui qui est le plus talentueux, qui va voir les coups avant tous les autres... Non, un grand joueur de rugby, pour ici, c’est un mec qui s’y file, qui est combattant, qui n’a peur de rien », réplique Arlettaz en forme d’hommage, comme s’il se parlait aussi à lui-même.
Si le romantisme n’est plus de ce monde, Arlettaz et Goutta ne pourront jamais renier leur héritage, c’est plus fort qu’eux. Catalans d’origine, nés en 1972, ils confient être devenus des hommes à l’USAP, où ils ont éclos quasiment ensemble (1992 pour Arlettaz, 1994 pour Goutta).
Leur nirvana s’est toujours confondu avec la capacité à se transcender. Certes, ils n’avaient pas le choix. Joueurs besogneux ils étaient, agressifs il fallait être sur le terrain. Une étiquette qu’ils ont su arracher une fois passé de l’autre côté de la barrière.
Compétiteurs hors normes
Ainsi, plus aucun spécialiste ne s’étonne aujourd’hui de la qualité de leur rugby, articulé en premier lieu sur la défense. Ayant le goût et la modestie de l’apprentissage, le duo ne se départit pas d’un esprit de compétition hors normes. Ne résumez pas Arlettaz à un esthète, il vous fusillerait du regard. Tel est son grand paradoxe : faire pratiquer à ses équipes un jeu séduisant sans avoir obtenu de résultats (au mieux une 8e place en Pro D2 avec Narbonne en 2009-10).
Il le sait mieux que personne, voilà pourquoi, cette saison, l’homme s’est intimement juré de se sacrifier sur l’autel de la victoire. Ne traitez pas non plus Goutta de chanceux sous prétexte qu’il fut champion de France 2009 dès sa première saison de coach aux côtés de Jacques Brunel et Franck Azéma, il vous mettrait la soufflante de votre vie. Le fils de harki, en perpétuelle quête de reconnaissance, a prouvé - et s’est prouvé - en s’exportant à Colomiers, club aux moyens limités, qu’il est devenu un entraîneur de poids sur le marché, même si le Top 14 demande encore à voir. USAP-Colomiers, un match qui ne peut laisser indifférent au vu de la personnalité des deux hommes.
Puisse l’excitation née de leurs retrouvailles se fondre dans la foi des joueurs, demain à Aimé-Giral. Au nom des fraï...