Top 14 – Pourquoi Perpignan n’est plus la même équipe ?
Rémy Rugiero
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Lucas Bachelier et l’Usap s’adaptent aux exigences du Top 14. Icon Sport
Publié le 10/10/2024 à 15:29
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Alors que les Catalans sont calés en milieu de tableau après quelques journées de championnat, les premiers éléments d’un contenu diamétralement opposé à la saison passée se font ressentir. Pourquoi l’aspect défensif a-t-il pris le dessus sur les offensives si redoutées auparavant ? Adaptation, conjoncture passagère ou nouvelle philosophie ? Éléments de réponse.
"Il y a une émulation incroyable dans ce groupe. Chacun vient chercher l’autre pour s’entraîner un peu plus à la fin de la séance. On voit des garçons se rajouter des exercices, alors qu’il n’y en aura qu’un seul qui jouera à ce poste le week-end." Gérald Bastide, l’entraîneur de la défense, posait il y a peu, les jalons d’un état d’esprit qui règne dorénavant à Perpignan. Un indicateur majeur d’une certaine prise de conscience précoce. Le tort qu’a causé
le couac subi face à Montpellier en début de championnat, aura certainement façonné l’approche d’un staff qui vise la performance.
"On n’a pas oublié ce match, déclarait en substance David Marty.
"Nous étions dans l’obligation de trouver des solutions. Les joueurs comme le staff se sont remis en question. Et nous sommes passés sur autre chose dans nos têtes", précisait l’entraîneur principal.
Des changements importants à assimiler
Les chiffres ne mentent jamais. Huit essais encaissés seulement en cinq journées, soit la meilleure statistique de toute la concurrence sur ce secteur. À pareille époque l’an passé,
l’Usap avait déjà encaissé la bagatelle de 24 essais, soit trois fois plus qu’en autant de journées. Un gouffre mathématique qui répond à une adaptation sévère au contexte d’un Top 14 où la défense prime parfois à outrance.
"Je ne suis pas persuadé que c’est une réelle volonté de la part du staff d’être plus défensif. C’est surtout du fait que de gros changements ont été opérés sur la charnière et à des petites méformes sur d’autres postes, et que le jeu se met moins bien en place", rétorque Jérôme Porical, ancien arrière du club et suiveur assidu.
"Gérald Bastide bosse bien son secteur depuis des années, David Marty propose un rugby complet et va accentuer sa stratégie aussi. Cela prendra du temps et ils devraient tendre vers des objectifs qu’ils souhaitent petit à petit.", indique-t-il.
Avec les arrivées d’
Antoine Aucagne, véritable ouvreur au pied puissant, à même de soulager les mètres à parcourir pour ses avants, de Giorgi Beria et Kieran Brookes, piliers qui apprécient les duels dans le petit périmètre, les centres Apisai Naqalevu et la recrue Eneriko Buliruarua, adeptes d’un jeu frontal, où la ligne d’avantage se rompt à coups d’épaule plutôt qu’après une passe après-contact, les prestations remarquées de Lucas Velarte, disposé à engendrer l’avancée sur le petit périmètre, à coups de butoirs qui font encore hurler
Aimé-Giral, l’Usap possède des profils très terriens aussi. Non pas que les Lucas Dubois, Alistair Crossdale où Jake McIntyre n’aient plus leur mot à dire, bien au contraire. Ils sont toujours comme d’autres, les dépositaires d’un jeu perpignanais qui a enchanté les suiveurs du rugby par son panache et ses résultats.
L’attaque est moins flamboyante, il faut bien compenser
Non, c’est tout simplement, des basiques que tout un club s’approprie, avec une délectation non-dissimulable et qui correspond in fine, aux qualités locales. Lucas Bachelier, l’un des tauliers du combat à l’Usap, souvent loué pour ses attitudes dans les tâches obscures, valide l’idée :
"Avoir une grosse défense ici, cela a toujours été un objectif. Je dirai même que c’est l’ADN du club. La saison dernière, on encaisse trop d’essais, et si nous avons été en difficulté, c’est en grande partie pour cela. C’est vrai que notre attaque est moins flamboyante actuellement, mais il faut bien compenser sur un autre secteur. Le travail est immense dans ces zones de combat, et à l’entraînement, le staff nous cadre bien pour réussir déjà cette mission."
D’ailleurs, une déclaration résonne encore. Quand Lucas Dubois disait récemment :
"On avait trop pensé à notre jeu de mouvement plutôt qu’à notre engagement." Comme si les Perpignanais n’avaient pas mis les ingrédients dans le bon ordre, eux qui s’attellent pourtant à soigner leur conquête.
"Depuis 10 ans que je suis ici, on ne s’est jamais écarté de certains principes. La saison dernière, c’était le départ d’un nouveau cycle, l’arrivée de nombreux joueurs, pas facile pour une cohésion optimale sur la ligne et assimiler ensemble ce que l’on nous demandait. Et ce travail en amont qui a été effectué, se retrouve aujourd’hui avec l’exigence que met en place le staff, et par ricochet, celle que nous nous mettons les uns et les autres pour les préparations", explique Lucas Bachelier. Pas le choix, pour survivre dans la jungle du Top 14, les Sang et Or doivent hisser tous les curseurs, y compris en priorité certains fondamentaux pour rivaliser. Aucun doute aussi, l’Usap mue provisoirement ses imbrications rugbystiques sur l’autel du résultat et de l’urgence à maîtriser quoi qu’il arrive. Le reste viendra un peu plus tard, ce n’est qu’une question de temps, qu’on se le dise.