Tavite Veredamu, l’ailier de 34 ans, a été élu meilleur joueur de la saison de l’USAP par L’Indépendant. Le Franco-Fidjien est venu durant plus d’une heure et demie au siège du journal pour parler de sa saison et de son histoire.
Sa saison
Qu’est-ce que cela vous fait d’être élu meilleur joueur de l’année ?
C’est une fierté. Mais ce n’est pas qu’un travail individuel. C’est un travail de groupe, qu’on a fait toute la saison. C’est pour ça que je suis meilleur sur le terrain et que je me donne à fond pour mes coéquipiers.
Pensiez-vous faire une aussi belle saison ?
Ces dernières années, j’ai eu des ennuis. Ma première saison au LOU, j’avais une déchirure du tendon, puis un problème au genou. La deuxième année, j’ai un peu plus joué. Mais, ici, le staff m’a donné la confiance de jouer à l’aile. Il y a aussi le travail qu’on fait la semaine avec les collègues. Il y a eu une belle ambiance, un bon vestiaire. Donc sur le terrain, tu as envie de te donner à fond pour les autres. Je me sens bien physiquement et mentalement. Je n’ai pas de signe de fatigue. Donc j’espère continuer comme ça encore la saison prochaine !
Vous avez retrouvé Franck Azéma que vous avez connu à Clermont (2020). Quelle relation entretenez-vous avec lui ?
Quand j’ai quitté Clermont, Franck m’a dit des choses. Il m’avait promis que s’il trouvait un club ailleurs, il m’appellerait. Et il a tenu sa promesse. Il m’a appelé en fin de saison dernière, et j’ai rapidement accepté. Franck, il a vraiment un côté humain qui met une bonne ambiance dans le groupe. C’est un homme de parole. Il ne passe pas par quatre chemins. Il ne vient pas te parler devant tout le monde. Il te prend à part et te fait passer un message. C’est vraiment une qualité que j’adore chez lui. En début de saison, il était venu me parler parce que je n’étais pas bon. Il est venu me dire qu’il n’était pas content de mes performances et qu’il n’attendait pas ça. Donc il m’a demandé de faire des efforts, sinon il me mettait hors du groupe. Et ça m’a réveillé. Il est vraiment bien… Tous les matins, il vient serrer la main à tout le monde. Qu’on soit au café, au vestiaire, à la musculation… Je n’ai jamais vu ça dans ma carrière.
Quel est le match qui vous a le plus marqué cette saison ?
Celui où je marque le dernier essai à Castres (victoire 13-17) avant la fin de l’année…
(il souffle.) C’est un moment que je n’avais jamais vécu.
Vous avez aussi découvert des supporters qui vous ont soutenu aux quatre coins de la France. Qu’en retenez-vous ?
Franchement, à chaque match, c’est énorme. Je n’ai jamais vu ça. Quand je vois autant de supporters, même quand on est en déplacement… Quand tu joues et que tu entends des cris, des
"Catalans", des
"USAP" à l’extérieur, tu as envie de donner encore plus. Ils nous aident vraiment. Quand on est dans des moments compliqués sur le terrain, ça nous donne de l’énergie.
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Son histoire
Vous étiez venu en France pour l’armée. Aujourd’hui, vous êtes rugbyman professionnel. Comment a débuté votre carrière rugbystique ?
C’est grâce à des collègues qui jouaient en équipe B à Nîmes. Ils me disaient
"viens t’entraîner avec nous et on verra !". Donc j’ai décidé de me lancer dedans. Au début, c’était difficile avec la légion. On ne te laisse pas sortir facilement. Puis j’ai fait mes premiers matches en B, et au bout de deux rencontres, ils m’ont pris en équipe première. À mes débuts, je ne pouvais jouer que quelques matches par-ci par-là. Et la troisième année, le club a demandé à la légion s’ils pouvaient me libérer en semaine pour que je fasse plus d’entraînements.
Vous jouiez un peu à tous les postes au début…
À Nîmes, ils m’ont fait jouer troisième ligne, 12, 13
(il a même fait un match en numéro 5, NDLR). Puis quand Pierre Mignoni, à Lyon, voulait me recruter, il m’a dit qu’il voulait me faire jouer à l’aile. Avant ça, je jouais troisième ligne à Clermont. Et premier match au LOU, ils m’ont mis dans la ligne de trois-quarts et je me suis dit que je préférais jouer derrière plutôt que devant
(rires).
De 2017 à 2022, vous avez porté la tunique de l’équipe de France de rugby à 7. Comment cela s’est passé ?
Au départ, on m’a appelé pour faire des tests à Marcoussis. Je me suis dit :
"Je n’aurai jamais la chance de jouer pour l’équipe de France. Je n’aurai pas le niveau". Donc j’ai fait les tests, le stage avec eux et ils m’ont dit qu’ils allaient me tester au tournoi à Dubaï. Je fais mon premier match, je marque. Deuxième rencontre, pareil. Après le Tournoi, Christophe Reigt
(manager général de France 7, NDLR) me dit :
"c’est bon, on va te faire signer et on va faire la demande à la légion". Et après ça, je me suis dit que j’allais faire 1 an puis retourner à l’armée. Mais ils m’ont proposé de prolonger derrière, j’ai signé et tout s’est enchaîné entre Clermont et Lyon. Et maintenant je suis à l’USAP !
Vous êtes passé de l’armée au rugby professionnel. Cela fait un sacré changement, non ?
Lors de mon premier tournoi à Dubaï, je me souviens qu’on était parti en avion en première classe. On était dans un hôtel cinq étoiles avec des baignoires, une vue magnifique sur des fleuves, etc. Donc je me suis dit, pourquoi me casser la tête à courir tous les matins, à porter des sacs de 50 kg pendant 25 kilomètres quand, ici, c’est les vacances ! Tu t’entraînes pour le plaisir et tu ne joues que le week-end. Du coup, je me suis posé la question et j’ai voulu me lancer dedans. Je suis encore en contrat avec la légion, et je sais que la porte est encore ouverte. Mais je pense que je n’y retournerai pas. En septembre, je vais signer ma fin de contrat.
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D’ailleurs, est-ce que vos années à l’armée vous aident dans votre carrière de rugbyman ?
Mentalement, oui. Ils m’ont donné des idées de ne rien lâcher, d’aller toujours jusqu’au bout. Il y a une phrase que j’ai retenue :
"la mission est sacrée et tu l’exécutes jusqu’au bout". C’est la phrase qui m’apporte encore aujourd’hui. Puis j’ai toujours des contacts avec les gens de l’armée. Quand je vais à Nîmes, je passe des fois dire bonjour. Et dernièrement, ils sont venus me voir à Aimé-Giral contre Bordeaux.
Avez-vous des joueurs qui vous ont marqué dans votre carrière ?
Josh Tuisova (centre fidjien du Racing 92 avec qui il a joué à Lyon, NDLR). Je n’ai jamais vu un mec comme ça. En dehors du terrain, il est vraiment gentil. Mais sur le terrain… C’est un mec hors norme. C’est un hors catégorie, il est gonflé de partout
(rires). Il y a aussi Julien Candelon
(ancien ailier de l’USAP entre 2007 et 2012, et ancienne star du rugby à 7, NDLR). J’adorais ce joueur. Il avait un petit gabarit, mais il arrivait tout le temps à s’en sortir.
Sa vie en Pays catalan
Cela va faire un an que vous êtes arrivé en Pays catalan. Que faites-vous sur votre temps libre ?
J’habite à Canet, et ça me plaît vraiment. Tu es à côté de tout. Tu as la mer à côté, tu as la montagne pas très loin. Et j’aime bien ça. Puis tout le long de la côte jusqu’à l’Espagne, j’aime bien visiter. Quand j’ai du temps libre, je pars à Collioure, à Banyuls-sur-Mer, juste pour me reposer et regarder la mer.
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Mais votre famille n’est pas avec vous…
Les jours "off", je vais à Nîmes pour aller voir mon fils. Parce que c’est rare que je le vois la semaine. Et le week-end, si on joue ici, ma femme et mon fils viennent à Perpignan. Mais ce sont les seuls moments où je peux les voir.
Que garderez-vous de catalan en vous ?
La fierté du peuple catalan. Je n’ai jamais vu ça. Ils sont tout le temps derrière leur équipe. Pour eux, ça représente une région, une identité. C’est une fierté.
Avez-vous goûté les escargots ?
Oui, et j’aime bien
(rires) !