Sur l'une des deux portes du centre névralgique du LOU, une affichette scotchée et titrée CMJ indique que, le 20 décembre 2018, le troisième-ligne aile Patrick Sobéla a fait mieux, avec 57,7 cm, que l'ailier Xavier Mignot. Lorsqu'on demande à Benjamin Del Moral, le responsable de la préparation physique du club lyonnais, de décrypter ces données manuscrites achevées par quatre points d'exclamation, il commente :
« Il s'agit de détente verticale avec les mains aux hanches. Chez nous, Patrick en est le recordman et Xavier (56 cm)
est son dauphin. » Débarqué d'Oyonnax à l'intersaison, Sobéla (26 ans)
« est dans ce qui se fait de mieux en France si l'on mêle force, endurance et vitesse, poursuit Del Moral
. En ce qui concerne cette dernière, il vaut moins de 1''10 sur dix mètres et environ 2''90 sur 20 mètres. C'est comparable à un trois-quarts centre. Ses capacités neuromusculaires sont génétiquement excellentes. Il a en lui toutes les composantes physiques de la performance. » Pas la peine d'en dire davantage à voir le colosse de 105 kg (pour 1,90 m) en short et torse nu.
lire aussi
La composition du Lou : Félix Lambey titulaire contre Toulon
Un pare-buffle classé meilleur gratteur et plus prolifique plaqueur du LOU que ce natif de Yaoundé (Cameroun) arrivé en France à l'âge de dix ans. À Lyon précisément. Où il a découvert le rugby via la télévision et la Coupe du monde 2007.
« Jusqu'à quinze ans, je jouais au foot, raconte-t-il.
Puis je me suis mis au ballon ovale à Bron, tout près d'ici, avant d'enchaîner à Villeurbanne. Là, je me suis fait repérer par Frédéric Verdet, le coach des juniors Reichel d'Oyonnax. » Un « maquignon » qui se souvient d'un jeune homme d'alors dix-huit ans
« bien charpenté, à l'écoute et bosseur. Sa marque de fabrique était double : son envie de franchir et son obstination à ne jamais rien lâcher. Techniquement, il lui manquait pas mal de trucs, mais quelque chose me disait qu'il pouvait aller très haut. »
«Patrick est un gars persévérant, qui possède le sens du sacrifice. Je ne suis pas du tout surpris par son parcours» - Christophe Urios, son ex-entraîneur à Oyonnax
Pas encore au zénith, Patrick Sobéla s'apparente d'ores et déjà à
« un leader dans le combat », dixit Karim Ghezal, entraîneur des avants rhodaniens. Qui ajoute :
« C'est un bosseur et un type plein de jump qui porte le ballon et qui plaque dur. » Manager sportif du LOU, Pierre Mignoni enchaîne :
« C'est un joueur complet qui nous apporte de la puissance et qui, sur le terrain, donne tout et joue pour l'équipe avec intelligence. » Lyon, qui reste sur deux défaites de rang, à domicile contre Castres (15-23), et à Toulouse (53-21) aura bien besoin de toutes ses qualités pour se relancer face à Toulon. À l'évocation des compliments de son entraîneur, Sobéla (qui signifie bouclier en maka, l'une des langues du Cameroun) sourit. À propos de ses atouts, il confie :
« Christophe Urios (directeur sportif d'Oyonnax de 2007 à 2015)
m'a appris à charbonner pour obtenir ce que je souhaitais. » Soit notamment à être
« le puncheur, le mec super véloce et déterminé » que dépeint Julien Puricelli, capitaine et troisième-ligne aile de Lyon. Il prolonge :
« Avec sa posture, sa façon de parler, ses attitudes et son comportement exemplaire, Patrick met le groupe dans une bonne dynamique, il représente vraiment une plus-value. »
140
Le nombre de plaquages de Patrick Sobéla depuis le début de saison en Top 14. Il est le meilleur Lyonnais dans l'exercice. Ce n'est pas le seul secteur où le troisième-ligne aile s'illustre. C'est également le joueur du LOU qui a gratté le plus de ballons dans les rucks (13), et battu le plus grand nombre de défenseurs (39) depuis le début du Championnat.
Fan de basket, gourmand de PlayStation et volontiers derrière les fourneaux pour y concocter des plats africains tel le poisson braisé, Patrick Sobéla est en ligne avec sa mère, Sylvie, au moins deux fois par jour. De son fils, cette dernière, assistante sociale, dit :
« C'était un enfant gai, curieux et très bon à l'école. Et qui n'a pas traversé la crise d'adolescence à laquelle tous les parents s'attendent. Aujourd'hui, il est encore celui qu'il était tout gamin. C'est-à-dire un garçon honnête, pas calculateur, un peu naïf et doux. » Et qui
« ne se plaint jamais », complète le demi d'ouverture Jonathan Wisniewski. Un pan de sa personnalité auquel n'adhère pas totalement Urios. Qui commente :
« Au début, lorsque nous étions lui et moi à Oyo, il supportait mal les remarques, il avait toujours quelque chose à redire... Ça me gonflait ! Alors qu'il ne l'est pas du tout, il faisait penser à quelqu'un de hautain. Au-delà de ça, Patrick est un gars persévérant, qui possède le sens du sacrifice. Je ne suis pas du tout surpris par son parcours. » Une trajectoire qui passa notamment par une sélection chez les Barbarians, en novembre 2018, contre les îles Tonga. Avec un brassard de capitaine pour l'occasion.
« Ça peut être le début de quelque chose de bien », avait-il goûté à l'issue de la confrontation.