Quel premier bilan tirez-vous de votre première saison dans le staff du XV de France ?
Du très bien et du moins bien, fatalement. D’abord, ça a été une période d’adaptation un peu accélérée parce qu’on s’est jeté direct dans le Tournoi. Moi, je découvrais un peu tout. Les méthodes d’entraînement, les joueurs, la compétition, les stades, la pression médiatique, les entraînements… Puis on a vécu un début de Tournoi très difficile. On n’était pas prêts, pour plusieurs raisons. Par contre, après, ça a été magique. La victoire au Millennium
(24-45 contre les Gallois), c’est un superbe souvenir. C’est un stade que j’adore. J’ai toujours rêvé d’y aller et d’avoir une équipe qui joue. Et cette victoire à la dernière minute contre les Anglais
(33-31 à Lyon), qui nous fait être deuxièmes du Tournoi. Quand on bat les Anglais, ça a toujours encore plus de saveur…
Puis il y a eu cette tournée en Argentine, où on était beaucoup plus prêts. Avec des jeunes et de l’enthousiasme. On fait un premier test génial
(victoire 13-28), puis les affaires extra-sportives ont donné un aspect beaucoup plus mitigé… Ça a été compliqué.
Je crois beaucoup au temps et en la confiance.
Comment vous êtes-vous fait votre place au sein du staff ?
Déjà, il y a eu une vraie volonté de la part de tous ceux qui étaient là de m’accueillir avec mes différences. Parce que quand on prend le cliché de l’entraîneur fédéral de l’équipe de France, on ne pense pas à moi tout de suite ! Mais ils m’ont fait une place de manière très sympa. Ils ont eu cette volonté de m’intégrer très rapidement. Et puis moi, j’ai fait l’effort de comprendre assez rapidement aussi ce qu’ils attendaient et quelles étaient les exigences de ce niveau-là. Maintenant, je me sens en plein dedans. Ce qui n’était pas le cas pendant le début du Tournoi. Je crois beaucoup au temps et en la confiance. Et pour qu’il y ait de la confiance, il faut des épreuves, voir comment les gens réagissent.
Le niveau de stress est-il différent qu’en club ?
Moins qu’à l’USAP, bizarrement. C’est différent. On perçoit vite, quand même, que ça a une retombée mondiale. Mais c’est Fabien
(Galthié) qui est le patron. Mon poste n’est pas tout à fait le même que ce que j’avais à Perpignan. Le stress est toujours là, bien sûr, parce qu’on a envie que ça réussisse, que ça fonctionne, que le projet marche, que les joueurs soient contents, et qu’ils soient performants sur le terrain. Quand on a envie de tout ça, forcément, ça crée du stress.
Quels sont les gros changements par rapport à un quotidien en club ?
C’est surtout la période de préparation. Il faut avoir un système de jeu qui regroupe des joueurs très doués, mais de sensibilités différentes, qui jouent toute l’année avec un système différent. Et on est dans l’urgence un peu tout le temps. Il faut aller très vite à l’essentiel, que ce soit très clair, qu’on les mette dans les meilleures conditions et qu’on arrive à les faire jouer ensemble. Il faut que ce soit très millimétré, que tout le monde comprenne bien où est-ce qu’on veut aller, et qu’on arrive à créer une philosophie commune. Et ça, c’est un peu plus compliqué qu’en club.
On s’en met plein les yeux !
Vous parliez de Cardiff, vous avez aussi découvert Murrayfield, le Vélodrome… Quelles émotions cela vous a procurées ?
C’est quelque chose de différent. À Aimé-Giral, j’avais beaucoup d’émotions. C’est mon club, mon public. J’avais toujours le souvenir de quand je faisais partie de ce public-là. Il y avait quelque chose d’affectif dedans. Mais là, en le prenant vraiment comme un passionné de rugby, effectivement, ce sont des moments magiques. Les chants gallois, l’arrivée au stade au Millenium Stadium derrière les chevaux, l’ambiance de Murrayfield, la fin de
Flower of Scotland faite à la cornemuse sur le toit du stade… On s’en met plein les yeux ! Ça devient un spectacle fabuleux. Quand tu le vis une fois, tu as envie de te pincer un peu et de te dire que c’est quand même chouette.
Comment ça se passe avec les joueurs ?
Pour l’instant, très bien. Mon relationnel avec eux, même si je ne veux pas parler à leur place, est plutôt positif. Ils me connaissaient plus ou moins, même s’ils ne me connaissaient pas personnellement. Ils savaient quel style de personnage allait arriver. Je me suis attaché simplement à une chose : être le même. Ils n’ont pas été surpris, et je ne crois pas avoir changé.
La tournée en Argentine, comment l’avez-vous vécu ?
Ça a été dur émotionnellement. Parce qu’il fallait se poser des questions extra-sportives. On sait que ça peut arriver, mais on n’est jamais totalement préparé. Donc, ça a été difficile. Difficile de voir deux, trois joueurs à nous en difficulté. Je l’ai dit, moi, j’aime beaucoup les joueurs. Ça me touche toujours beaucoup quand ils traversent des difficultés personnelles. Et encore plus quand on est au plus près d’eux, et que c’est pendant qu’on en est plus ou moins responsable.
L’avenir, maintenant, ce sont les tests de novembre. Qu’est-ce que ça vous évoque ?
J’aurais fait le tour, finalement. Il ne me restera plus que la Coupe du monde à découvrir
(en 2027 en Australie, NDLR). Je vais découvrir le Stade de France. Et dans les trois équipes qu’on affronte, il y en a deux que je n’ai jamais jouées. Donc je suis très impatient, très enthousiaste et très excité. Ça va être trois matches de très haut niveau. Et puis, jouer les Blacks, pour un joueur de rugby, ça a toujours une saveur particulière. Donc voilà, ça va être chouette. Je vais en profiter, bien comme il faut.
Les Blacks ? Sans doute un des matches les plus excitants depuis que j’ai démarré.
Les France-All Blacks, c’est toujours un match spécial pour le grand public…
C’est une excitation folle. J’étais spectateur, comme les autres. J’attendais aussi, pendant toute l’année, ce match-là. C’est un peu l’équivalent de France-Brésil en foot. Avec tous les clichés qu’on y voit. Le haka, cette équipe mythique, avec des joueurs mythiques. Et avec l’impression, aussi, qu’on a un effectif qui peut rivaliser avec cette équipe. C’est sans doute un des matches les plus excitants depuis que j’ai démarré. En tout cas, c’est celui que j’attends le plus.
Ce sera l’été prochain, mais vous irez en Nouvelle-Zélande pour la tournée estivale. Là aussi, ça va être un moment particulier ?
Oui, c’est le pays du rugby ! Il me tarde de vivre ça, avec cette culture maorie très forte. Moi, j’aime beaucoup. Tout le monde sait que j’aime bien les Iliens, on me l’a reproché à plusieurs reprises, mais je ne m’en cache pas. Donc, découvrir ce pays et tout ce qui fait leur approche du rugby à travers cette culture-là, ça me plaît beaucoup.
Pour la tournée en Argentine, Fabien Galthié avait appelé Melvyn Jaminet et Lucas Dubois. Deux joueurs que vous avez lancés à l’USAP. Ça a été une fierté pour vous ?
Ah oui, bien sûr. C’est quelque chose de fabuleux. Quand on prend un jeune d’ici, qu’on le voit grandir, qu’ensuite on le voit évoluer avec l’équipe pro, on a envie qu’il réussisse, bien sûr, beaucoup plus que n’importe qui d’autre. Donc de retrouver ces deux joueurs-là, c’était une fierté incommensurable pour moi. Mais surtout le fait de le partager avec eux. C’était un vrai bonheur.