Un champion du monde à l'USAP ! Le deuxième ligne sud-africain Marvin Orie, qui a joué, samedi dernier contre Toulon (26-22) son premier match avec les sang et or, veut aider l'USAP à sortir de la zone rouge. Il a déjà donné une belle preuve de cet engagement en ralliant Perpignan sans fêter le titre des Springboks.
Le message est fort. Marvin Orie, champion du monde avec les Springboks, n'est pas rentré en Afrique du Sud avec ses coéquipiers au lendemain de la victoire, le 28 octobre dernier. Il aurait aimé, bien sûr, participer aux festivités qui ont accompagné le retour triomphal des Boks sur leur terre natale. Mais après une discussion avec Franck Azéma, son nouvel entraîneur à l'USAP, il a décidé de prendre la route de Perpignan. "Après la finale et le titre, nous nous sommes parlé avec Franck, raconte l'enfant de Belhar, un quartier nord du Cap. Il m'a dit : "bien sûr qu'on aimerait que tu retournes chez toi célébrer le titre, mais l'USAP est dans une situation délicate, nous jouons un match très important contre Toulon, et je préférerais que tu sois là..." Je n'ai pas hésité. Je veux faire partie du projet que m'a proposé Franck, aider le club à remonter vers les sommets. Et puis, c'est une question de respect envers le public..."
Il parle déjà comme s'il était Catalan depuis toujours. Pourtant, lorsqu'il a débarqué en Roussillon, il y a dix jours, il ne connaissait pas grand-chose de son nouveau club ni de ses nouveaux coéquipiers. Il ne savait qu'un détail, il débarquait dans un club spécial, avec son arène d'Aimé-Giral décrite par Daan Human, l'ancien pilier du Stade Toulousain (2004-12), aujourd'hui en charge des avants springboks, comme le lieu le plus "chaud" du Top 14. "Il m'a parlé de la passion des supporteurs pour leur club, raconte-t-il. L'USAP est un club de passionnés. Fanatiques ! J'ai pu m'en rendre compte samedi, lors du match contre Toulon..."
Briller en Top 14
L'USAP est donc son nouveau défi. Et il y mettra toute son énergie, toute sa hargne de Sud-Africain. "Pourquoi ce supplément d'âme chez les Springboks ? Parce que la vie en Afrique du Sud est difficile, répond-il. L'Afrique du Sud est un pays où il faut se battre à chaque instant de ta vie, de ta carrière." Naître noir dans l'ancien pays de l'apartheid n'est plus aussi difficile qu'avant, mais les défis restent entiers pour tout petit enfant né au pays de la Rainbow nation chère à Desmond Tutu, inventeur du slogan, et Nelson Mandela. "Aujourd'hui, les choses ont bien changé, note Marvin Orie. Un enfant noir peut espérer devenir médecin, avocat... ou joueur professionnel de rugby. Mais la vie au quotidien reste difficile. Pour s'en sortir un jeune Sud-Africain doit faire preuve de caractère... et de résilience."
L'élan du titre de 1995 a donné aux Springboks un supplément d'âme, une dimension sociétale qui explique peut-être les succès actuels. "Tous les gamins sud-africains qui jouent au rugby rêvent de devenir un jour un Springbok, explique le deuxième ligne des champions du monde. Dans l'ordre, c'est : un, devenir un Springbok, deux, jouer un jour la Coupe du monde." Lui a atteint ces deux objectifs : 17 sélections et un titre mondial ! Il peut désormais s'attaquer à un troisième défi : réussir son passage dans le Top 14 et toucher au cœur les supporters catalans comme avant lui ses compatriotes Barend Britz ou Gavin Hume.
Moins Percy Montgomery, dernier vainqueur de la Coupe du monde (2007) à avoir posé sa valise à Perpignan, sans l'avoir jamais vraiment ouverte. Depuis son arrivée, il n'a pas perdu une minute, s'efforçant d'assimiler tous les lancements du jeu de l'USAP avec juste quelques mots de français en bouche, appris par internet. Une soif d'apprendre et de comprendre qu'il mettra au service du club catalan. "Je m'appelle Marvin Orie et j'habite Perpignan..." Un au revoir qui sonne comme une promesse. Celle de devenir le plus Catalan des Springboks...
"Les entraînements plus durs que les matches !"
Ce n'est pas tous les jours que l'occasion est donnée d'échanger avec un champion du monde. Nous avons voulu connaître avec Marvin Orie le secret de la réussite des Springboks, quatre fois champions du monde en huit participations. "Il y a beaucoup de bons joueurs chez nous, et la concurrence est rude. Déjà devenir rugbyman professionnel est un énorme challenge. Nous n'avons que quatre franchises, alors que vous en France vous pouvez compter sur trente clubs professionnels, entre le Top 14 et la Pro D2. Chez les Boks, les entraînements sont plus durs que les matches, tellement les places sont chères et la concurrence féroce. Je me souviens du premier stage avant la Coupe du monde, à Pretoria. Nous étions 40-50 joueurs et on savait qu'il n'y aurait que 33 élus. Le sentiment d'avoir vécu pareille préparation est un honneur. Rassie (Erasmus, le manager), nous avait demandé de tout donner, sans calculer. Un deuxième ligne springbok, par exemple, ne doit pas se contenter de pousser en mêlée ou de sauter en touche, il doit être actif dans le jeu, le combat. Et lorsque vous avez pour le même poste un Etzebeth, un Mostert, un Snyman... S'entraîner avec les Boks est plus difficile que jouer une rencontre internationale. Je suis formel à 100% ! Et Rassie veut que chaque joueur soit à 100 %. Il nous dit toujours : "Ce n'est pas grave si vous commettez une faute dans le jeu, concentrez-vous sur la suivante, et si vous subissez un K.O., pensez à la prochaine mêlée, la prochaine touche. Si vous estimez que vous n'êtes pas en pleine possession de vos moyens, n'insistez pas ! Avant même la Coupe du monde, la compétition avait démarré... entre joueurs !"