"Rugby à XV - Melvyn Jaminet à L'Indépendant : ‘Je veux aider l’USAP à rester en Top 14’"
"L’arrière de l’USAP, au nouveau statut international, sera de retour sur Perpignan la semaine prochaine, après cinq semaines de vacances bien méritées. En attendant, il s’est confié à L’Indépendant sur son incroyable aventure australienne avec les Bleus, son nouveau statut et son avenir, qui passera par l’USAP la saison prochaine."
"Melvyn, comment se passent vos vacances ?
Bien. J’ai surtout essayé de couper avec le rugby après une très longue saison. Mentalement, j’en avais besoin. Alors je suis resté chez moi, dans le Var, en famille et avec les collègues.
Vous aviez besoin de vous poser ?
Pas besoin d’aller plus loin. Ici, j’ai tout ce dont j’ai besoin. Je me sens bien à Toulon. Je suis resté tranquille. Un peu de plage, quelques soirées avec les copains. Des vacances simples.
Avec le recul, comment analysez-vous ce que vous venez de vivre ? Votre carrière sportive a pris un sacré coup d’accélérateur...
Sur le plan sportif, ma vie s’est accélérée, c’est certain. Je n’avais pas envisagé du tout ce qui allait m’arriver. C’est tout simplement incroyable ! Quand j’étais en Australie et que mes parents, mes amis me disaient : ‘ Tu te rends compte de ce que tu as fait ? ’ Je leur répondais : ‘ Oui, j’ai joué au rugby ! ’
Pas d’explication rationnelle ?
Je ne saurais pas l’expliquer. Ma sélection en équipe de France est venue après une, deux si l’on tient compte du Covid-19, saison exceptionnelle avec l’USAP et le titre en Pro D2. Comme une récompense. Gamin, j’ai toujours rêvé de porter un maillot de l’équipe de France. Chez les jeunes, ça aurait été super... Mais là porter le maillot du XV de France chez les grands...
Comment avez-vous appris votre sélection ?
Après la finale de Montpellier (gagnée contre Biarritz 33-14), je prenais mon temps, je traînais, je savourais. Et puis Christian (Lanta) est venu me parler... Il m’a dit : ‘ J’ai des échos, tu vas peut-être partir en tournée... Mets-toi dans un coin de la tête que tu risques d’être appelé en équipe de France... ’ Moi je venais de jeter mes crampons sur la pelouse du stade. Une façon de me dire : ‘ La saison est terminée ! ’ Je suis ressorti en courant des vestiaires pour les récupérer...
Et ensuite ?
Laurent Labit (entraîneur des trois-quarts français) m’a appelé pour prendre de mes nouvelles mais il ne m’a rien dit d’officiel, parce que le staff du XV de France devait attendre les demi-finales du Top 14 avant de donner une liste... La semaine a passé, j’ai fêté le titre avec les copains à l’USAP. Et puis sont arrivées les demies de Top 14. Le samedi soir, vers 23 h 30, Laurent Labit me rappelle : ‘ Tu dois être dans l’avion pour Paris demain matin à 8 heures ! ’ J’avais rendez-vous à Marcoussis. Après une semaine en kit fête, je suis passé en mode entraînement.
Quand avez-vous pris conscience de ce qui vous arrivait ?
Quand j’ai débarqué à Marcoussis, et qu’on m’a remis ma dotation (maillots, shorts, chaussettes, etc) pour la tournée. Marcoussis, je n’y avais jamais mis les pieds. Pendant deux jours, je suis resté en mode observation. De tout.
Quelles sont vos premières impressions quand vous débarquez avec l’équipe de France en Australie ?
La première quinzaine de ‘ quarantaine ’ a été difficile. Rester quatorze jours à l’hôtel, sans bouger, avec un programme bien établi : entraînement, repas, chambre d’hôtel, repos, entraînement. Et puis il fallait récupérer du décalage horaire. Parfois, l’après-midi, pendant les réunions, l’envie de dormir nous gagnait...
Le staff vous a parlé avant le premier test ?
Au début, Fabien (Galthié) et Laurent (Labit) sont venus discuter avec moi, ils voulaient savoir comment je m’intégrais dans le groupe, me connaître un peu mieux. J’avais un parcours atypique et ils me demandaient par où j’étais passé, ce que j’avais fait. Et puis on a basculé sur la préparation des tests. On a parlé du système de jeu, des plans de jeu.
Vous vous attendiez à jouer le premier test ?
Non. Je l’ai appris au moment de l’annonce de l’équipe ! Je ne m’y attendais pas du tout. Ce fut pour moi la première surprise de la tournée. Quand j’ai vu mon nom écrit sur la feuille de match, je n’ai pas complètement réalisé ce qui m’arrivait. J’ai essayé de ne pas trop me poser de questions, et de faire ce que je savais sur le terrain. Au téléphone, j’étais heureux d’en discuter avec ma famille, mes collègues. Pour le reste, j’allais jouer un match de rugby... Comme si je jouais avec l’USAP.
Vous étiez très critique envers vous-même après le premier test, pourquoi ?
Parce que la dernière action du match, où je jette le ballon, et qui se termine en pénalité victorieuse (23-21) pour l’Australie au bout de l’action, j’avais du mal à la digérer. C’est vrai que sans cette passe hasardeuse, j’aurais été satisfait de ma performance globale. Mais là, je ressassais l’action. J’aurais dû garder le ballon, puis essayer de le dégager après un crochet ou deux.
Comment a réagi le staff ?
Il n’a fait aucun commentaire. Il a été très cash : ‘ On passe à autre chose ! ’ Les entraîneurs ont préparé le deuxième test à peine le premier terminé...
Vous pensiez jouer le second ?
Non. Je ne m’y attendais pas. Je pensais qu’une erreur comme celle que j’avais commise en fin de match à Brisbane, était fatale à ce niveau-là. Que j’allais la payer cher par la suite... Eux ont pensé que me faire attaquer le deuxième test comme titulaire était la meilleure façon d’évacuer la frustration. Moi, ce malheur (sic) de la dernière action m’a beaucoup appris.
Et tout a merveilleusement fonctionné ?
Clairement, j’étais satisfait de ma performance après le deuxième test gagné (28-26). Le staff était ravi, nous aussi. Moi, je savourais même si au fond de moi, je savais que tout n’avait pas été parfait ! Et très vite, une fois encore, les entraîneurs ont basculé sur le troisième test. Ils voulaient gagner la série de tests...
Que vous êtes à deux doigts de remporter...
Oui, mais on est peut-être sorti du match après le carton rouge rapide (Koroibete, 5e). On a cru que ce serait facile.
Promu buteur, votre bilan au pied est exceptionnel, comment vous êtes-vous préparé ?
En me disant : ‘ Tu fais comme tu sais faire ’. Je n’ai rien changé à ma façon de buter, à ma frappe. J’ai pris les points quand ils se présentaient. À la fin, mon score est bon : 15/16.
Pendant la tournée, vous êtes resté en contact avec l’USAP ?
Oui, j’avais souvent les entraîneurs au téléphone. Après le premier test, ils n’ont pas arrêté de me soutenir. De me féliciter. Des messages simples, et chaleureux.
Le regard des gens a changé depuis votre retour d’Australie ?
Je ne pense pas. Ils veulent surtout me parler de l’équipe de France. J’ai reçu énormément d’encouragements, de félicitations. Quand je recevais les vidéos envoyées par ma famille, leur joie de vivre ça devant leur poste de télévision, j’étais réellement heureux. Après, j’essaye moi aussi de rester le même, de ne pas changer.
Vos performances en Australie avec le XV de France ont changé votre statut, forcément. Les grands clubs s’intéressent à vous. Toulouse aurait fait des avances concrètes. Et vous, Melvyn, quelle est votre position ?
Je me doutais bien qu’avec mes prestations, des clubs plus huppés allaient s’intéresser à ma personne. Que j’allais attirer les regards. Mais moi, je reste sur ce que j’ai dit : je veux confirmer ma saison en Pro D2 avec l’USAP, au plus haut niveau. Je veux aider l’USAP à se maintenir en Top 14. Ce ne sont pas des paroles en l’air. J’ai envie de reprendre l’entraînement à Perpignan, de tout donner, et d’aider le club à conserver sa place dans l’élite du rugby français.
Qu’avez-vous pensé de vos coéquipiers lors du match amical face à Montpellier ?
J’ai fait le déplacement depuis Toulon pour voir le match amical. J’étais très content après la prestation de l’USAP. Même si ce n’était que le premier match de la saison. Dans la maîtrise on était mieux que Montpellier. Ils marquent un essai sur une erreur de notre part. Mais quand on voit l’équipe jouer les 20-25 dernières minutes du match, avec la ligne de trois-quarts des Espoirs, j’ai vraiment apprécié.
On vous revoit quand à Perpignan avec le maillot de l’USAP ?
Je serai à l’entraînement le 23 août prochain."