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Ousap

Passe du temps sur le forum
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Merci beaucoup d'avance, je ne connaissais pas cette histoire.
 

Mateix66

USAPiste balbutiant
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En décembre 1941, le gouvernement de Vichy supprima le rugby à XIII d’un simple décret, le rugby à XV secoué dans ses fondements put alors reprendre du poil de la bête. Récit d’une énorme lutte d’influence.

C’est une histoire qui fut longtemps occultée. Le 19 décembre 1941, le régime de Vichy prit un décret brutal qui désintégra un sport en totalité. Fait unique et fait inique. Le texte stipulait : "L’association dite Ligue française de rugby à XIII, dont le siège social est à Paris, 24, rue Drouot, est dissoute, l’agrément lui ayant été refusé." Le rugby à XIII introduit en France par Jean Galia n’avait plus droit de cité. Derrière ce coup de Jarnac, il y avait des quinzistes évidemment, dont un certain Joseph Pascot, colonel de l’armée de terre et ancien demi d’ouverture international (six capes entre 1921 et 1927). Il était alors chef de cabinet de Jean Borotra (l’ancienne star du tennis) devenu commissaire à l’éducation générale et aux sports. Pour comprendre ce coup de dague, il faut se souvenir que le XV était en pleine sinistrose depuis l’exclusion du XV de France du Tournoi en 1931 pour cause de violence et d’amateurisme marron. "Il n’y avait plus de matchs internationaux pour remplir les caisses, les dirigeants étaient jaloux du succès du XIII. Ils étaient à la rue", nous rappelait Robert Fassolette en 2020, professeur d’EPS et historien du rugby à XIII. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, la « Ligue de Rugby à XIII » comptait 225 clubs et prônait un professionnalisme sans complexe pour son élite. Il avait d’ailleurs créé une sorte de Top 14 avant la lettre. Il revendiquait un jeu moderne et dynamique à une époque où les matchs de quinze étaient hachés par d’incessants arrêts et coups de pied.

Un XIII en pleine ascension​

Les meilleurs quinzistes acceptaient les propositions de la maison d’en face (Galia, Dauger, Rousié). "Les quinzistes ont toujours eu le chic pour être proches du pouvoir. Contre eux, on joue toujours à deux contre un", avance encore Fassolette. En 1939, les quinzistes avaient réussi à se rabibocher avec les fédérations britanniques sous la pression, il est vrai, du Foreign Office. L’heure était à l’alliance franco-anglaise pour contrer Hitler et ce, malgré les réticences envers un rugby tricolore toujours soupçonné de tous les maux. Les dates du Tournoi 1940 avaient même été prévues mais l’éclatement de la guerre avait tout fait tomber à l’eau. La défaite française actée, le rugby français n’avait plus qu’à faire miroiter sa facette "maréchaliste". C’est le grand tour de force de la FFR que d’avoir vite troqué sa danse du ventre pro britannique en génuflexion pétainiste, en jouant toujours sur la même corde : l’anti-professionnalisme. "Le rôle du docteur Voivenel fut considérable", poursuit Robert Fassolette.

Voivenel et consorts à la manœuvre​

Le Toulousain Paul Voivenel était le second quinziste à la manœuvre, il était une figure de l’époque : médecin psychiatre, romancier, journaliste, chroniqueur radiophonique. Il présidait le comité des Pyrénées après avoir fait partie des fondateurs du Stade toulousain. Il épousa sans problème les thèses de la révolution nationale. Dans son livre, « Mon beau rugby » c’est à lui que Jean Borotra commanda un rapport sur le rugby français et Voivenel n’hésita pas à faire un parallèle entre la montée du XIII et l’esprit de déliquescence des années 30 qui aurait amené à la défaite à grands coups de formules moralisantes : "Pureté de la naissance ; pollution de la dissidence treiziste sur le corps de notre rugby affaibli. " En conclusion, il réclame l’union des deux sports… à condition qu’on joue à XV et sans professionnalisme. Le décret de 1941 entérine la fusion qui tourne à la captation. Puisque le XIII n’existe plus, toutes ses richesses sont absorbées par la FFR : "Il est difficile de faire une estimation des sommes en jeu. Après la guerre, des journalistes anglais ont avancé une somme de 1,3 millions de francs. C’est possible car, d’après la presse, en 1939, le congrès de la fédération treiziste revendiquait 2,5 millions de dépenses et 3,4 millions de recettes. Mais les archives ont disparu. On ne sait même plus dans quelle banque les treizistes mettaient leur argent. Et l’on ne compte pas les richesses des clubs, leurs matériels, leurs stades, leurs trésoreries. Tout s’est retrouvé contrôlé par les quinzistes."
Pascot et Voivenel n’étaient pas les seuls quinzistes proches du pouvoir vichyste, on pourrait citer Jean Ybarnégaray, le docteur Albert Ginesty président de la FFR et bref maire de Toulouse ou André Haon, ancien président du Stade toulousain et lui aussi maire de Toulouse. Le 22 août 1940 déjà, Jean Ybarnegaray, député des Basses Pyrénées, président de la FF de pelote basque, secrétaire d’État à la Jeunesse et à la Famille avait ainsi déclaré : "Le sort du rugby à XIII est clair, il a vécu (et), est rayé purement et simplement du sport français." En octobre 1940, on demanda aux clubs treizistes de se dissoudre ou de changer de sport. Puis le rugby à XIII fut interdit, en novembre 1940, aux clubs scolaires, collégiens, lycéens ou universitaires, ceux-ci étaient membres des fédérations sportives spécifiques. Les nuages noirs s’agglutinaient dans le ciel des treizistes.

Changement de nom fatal​

La punition des treizistes fut plus dure encore qu’on ne le croit. Robert Fassolette nous a rappelés que la libération ne pansa pas leurs plaies. Certes le XIII eut l’autorisation de reprendre ses activités mais non sans bâtons dans ses roues : "En 1943, depuis Londres, le général de Gaulle avait pris une ordonnance statuant que toutes les associations qui avaient souffert de Vichy pourraient retrouver leurs biens, leur droit ou leur personnel. Mais il a fallu attendre un décret de… 1949 qui a consacré l’appellation de Jeu à XIII et non pas de rugby à XIII. Le tour était joué, comme ce n’était pas le même nom, on ne pouvait pas demander de retrouver des richesses d’avant-guerre. "
Le rugby à XV profita lui de la fin de la guerre pour reprendre ses relations avec les Britanniques et, enfin, participer à nouveau au Tournoi à partir de 1947. Il allait pouvoir engranger de bonnes recettes. Les treizistes se retrouvaient libres, mais démunis comme des indigents du sport français. Robert Fassolette voit dans cet épilogue la main des quinzistes, proches de tous les pouvoirs. Toujours la théorie du complot… "Il faut savoir que les clubs treizistes sont repartis totalement à zéro fin 1944. En 1947, ils ont signé un protocole qui leur interdisait de créer des clubs en terre quinziste. Ils devaient se cantonner à leurs bastions traditionnels, Carcassonne, Albi, Roanne, Perpignan… Et ne pas compter plus de deux cents professionnels. Paul Barrière, le président de l’époque, m’a confié qu’il avait été obligé d’en passer par là. En fait, c’est une situation comparable à celle de l’Édit de Nantes entre catholiques et protestants."
L’Audois Barrière avait 25 ans, il avait été un authentique résistant mais se heurta à un mur pour redonner au XIII sa vraie place. Il batailla pour entrer au Conseil National des Sports, en 1946. C’est là qu’il découvrit ce fameux terme : "Jeu à XIII". Ce sport encore si jeune ne pesait guère face à la puissance quinziste. En plus, la Libération fut aussi une formidable machine à recycler. Le Colonel Pascot avait pourtant bien profité de la collaboration puis qu’à partir de 1942, il remplaça Jean Borotra en qui les Allemands n’avaient plus confiance. Pascot devint secrétaire d’État du gouvernement de Pierre Laval. Un pedigree lourd à assumer ? Pas tant que ça. S’il fut d’abord condamné à cinq ans d’indignité nationale, il fit annuler la condamnation en produisant des certificats de résistance. Paul Voivenel échappera aussi aux sanctions en se trouvant des alliés dans le camp des vainqueurs, il dut quand même expurger quelques pages de son ouvrage « Mon Beau rugby », celles qui refusaient l’existence du XIII. C’est plus doux que de finir dans une geôle. Les Ginesty, Haon et Ybarnegaray échappèrent aussi aux sanctions les plus sévères. Le troisième fut quand même mis en état d’indignité nationale mais sa peine fut suspendue pour « faits de résistance ».
Les résistants de la vingt-cinquième heure avaient tous leur truc pour voler au secours de la victoire. Les treizistes, impuissants, comprirent qu’ils ne pourraient compter que sur eux-mêmes.
Mais ils surent retrouver un second âge d’or dans les années 50, en attirant autant de monde que les quinzistes dans les stades, la France fut même championne du monde en 1951, avant de connaître un nouveau déclin à partir des années 70. Mais sur un plan juridique au moins, les treizistes récupérèrent leur nom, en 1993 après huit ans de procédure sous l’influence de Jacques Soppelsa, universitaire président de la fédération. La guerre XV-XIII ne cessa pas à la Libération, elle fut même assez vive jusqu’aux années 80. Mais curieusement, l’affaire de 1941 fut peu rappelée dans les médias avant les années 2010. Citons un article de 2013 de Jean-Christophe Colin : « La Grande Spoliation » dans l’Équipe Magazine qui fit rebondir le dossier dans les mémoires.
 
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