Albera
USAPiste sérieux
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Un article de l'Equipe du jour relance le débat, avant un vote la semaine prochaine;
Vos avis m'intéressent.
Patate chaude du moment, le carton rouge de 20 minutes monopolise toute l'attention. Expérimenté l'été dernier, il le sera à nouveau pendant la tournée d'automne au grand dam du rugby français qui estime que c'est un bien mauvais signal envoyé à l'heure où la protection de la santé des joueurs devrait prédominer. Sur ce sujet, la France cherche des alliés et n'en trouve pas assez, l'Afrique du Sud s'étant par exemple déclaré favorable à cet amendement. Persuadée que Néo-Zélandais et Australiens, le regard fixé sur la courbe d'audimat, oeuvrent à un lent travail d'élagage du jeu d'avants, la France aimerait trouver des appuis sur d'autres fronts réglementaires.
Deux réformes lui picotent la gorge : l'impossibilité de reprendre mêlée après un coup franc, promulguée le 1er juillet dernier, et l'interruption des mauls dès le premier arrêt signifié par l'arbitre, proposition soumise au vote du Conseil de World Rugby le 14 novembre prochain. Au nom de toutes ses « familles » (arbitres, ligue nationale, entraîneurs de Top 14 et Pro D2), la FFR a écrit à World Rugby, détaillant ses « sérieuses réserves sur les conséquences à long terme », évoquant le « risque d'uniformisation des profils de joueurs, des stratégies sur le terrain. Cela diminuerait la richesse tactique et les particularités physiques qui font du rugby un sport unique. (...) Le rugby est incontestablement un sport basé sur la conquête et la domination physique lors des phases clés comme la mêlée ou le maul. Il est primordial de préserver cet aspect, au risque de transformer le rugby en un jeu trop prévisible, plus proche du rugby à XIII, avec un style de jeu unique. »
Le rugby français brandit aussi un argument culturel. « Partir du postulat que le public global est demandeur d'un type de jeu unique semble être un raccourci trop simpliste. Les attentes et les préférences varient considérablement en fonction des publics et des championnats à travers le monde. »
La fin des escortes
Si vous avez regardé Angleterre - Nouvelle-Zélande (22-24) samedi dernier, peut-être avez-vous trouvé que les duels aériens avaient changé. C'est normal, c'est même le but. Les arbitres internationaux ont prévenu toutes les sélections que dorénavant le travail d'écran des escortes, ces joueurs qui se repliaient vers le point de chute du ballon haut afin de protéger leur réceptionneur, ne seraient plus tolérés, même s'ils ne dévient pas leur ligne de course. Il a été demandé à ces joueurs de libérer l'espace clairement et de venir au soutien derrière leur réceptionneur. « Très bonne réforme, juge Fabien Galthié. Je trouve que c'est un progrès, que ça va éclaircir ces jeux de pression et offrir un enjeu tactique supplémentaire. »
Sans caricaturer, disons qu'Australiens et Néo-Zélandais, confrontés à des problématiques économiques sévères, cherchent des leviers de séduction et sont persuadés que cela passera par de plus en plus de « ball in flow » (il faut que le ballon circule, qu'il soit davantage visible) ou ne passera pas. « C'est clair que si on regarde la vitesse du jeu, le Top 14 est la compétition de haut niveau la plus lente, convient le sélectionneur des Bleus Fabien Galthié. Donc ils ont un coup d'avance sur nous. Mais nous, on voudrait lutter parce qu'on considère que défendre le rapport de force immobile (mêlée, maul), ce n'est pas aller à l'encontre du jeu. C'est une question d'équilibre. Les Australiens et, peut-être, les Néo-Zélandais ont un problème de popularité, de remplissage de stades que la France n'a pas. Le modèle français est indépendant, autonome économiquement. En face, ils ont besoin du rugby international. »
Et aimeraient donc le façonner à leur convenance. Historiquement et géopolitiquement, les innovations dans ce sport ont souvent suivi le même flux, du Sud vers le Nord. Là-dessus, rien de nouveau.
« Les Néo-Zélandais veulent des matches avec des séquences de haute intensité, pas forcément longues mais avec beaucoup d'accélérations, et très peu de séquences longues à partir de phases de conquête, explique Pierre-Henry Broncan, ancien entraîneur de l'Australie, aujourd'hui manager de Brive. J'espère qu'on ne va pas écouter le Sud là-dessus. Réduire de deux secondes un maul, est-ce que ça générera plus de spectacle ? Je n'en sais rien. Ce que je sais, c'est qu'un ballon porté peut mobiliser huit ou neuf défenseurs et donc libérer des espaces ailleurs. Je pense que les Néo-Zélandais n'agissent pas par rapport à la France mais par rapport aux « Sudafs » qui sont les meilleurs du monde en mêlée et sur les mauls. Et si les Sud-Africains sont venus chez nous jouer la Coupe d'Europe, ce n'est pas un hasard. C'est ce rugby qu'ils revendiquent. Les gens ont parfois tendance à rabaisser le jeu d'avants mais c'est tout aussi intéressant qu'un lancement de jeu bien léché. Faire un faux maul comme les Springboks, c'est technique, c'est dur à réaliser. »
C'est d'ailleurs cette différence de styles marquée qui a fait le charme des Toulouse - La Rochelle ces dernières saisons. « Si on enlève l'intérêt du travail d'usure des mêlées ou des mauls, ce n'est plus le même sport et c'est inquiétant, dit Romain Carmignani, entraîneur des avants du Stade Rochelais. Si le rugby à quinze devient un sport de duels et de ballons au sol, ça existe déjà, ça s'appelle le rugby à XIII. On sent déjà cette tendance. Nous, on aime appuyer en mêlée mais avec la nouvelle règle, une équipe qui se sent en danger anticipera la poussée, sera sanctionnée d'un coup franc sur lequel on ne peut plus reprendre une mêlée. Elle aura gagné. » Est-ce déjà arrivé ? « Oui bien sûr, il n'y a pas si longtemps », glisse Carmignani. « Avant de dire "jouez-là 9 !", les arbitres pourraient attendre et ne pas empêcher la double poussée en mêlée, ajoute Broncan. Et plutôt que de changer la règle, je trouve qu'on devrait d'abord arbitrer de façon plus stricte les entrées latérales dans les défenses de maul. »
lire aussi Carton rouge de 20 minutes, 30 secondes pour jouer les touches et les mêlées... De nouvelles règles mises en place au Rugby Championship
En épluchant les statistiques relevées par World Rugby, l'expérimentation du maul à un seul arrêt l'été dernier a fait décroître le nombre d'essais à partir de cette phase, pour un gain de temps d'environ deux secondes par cocotte. « Marquer sur ballon porté, c'est une double peine psychologique pour l'adversaire sur laquelle on a beaucoup capitalisé à La Rochelle, note Carmignani. C'est du pur combat collectif. Si on est entravés là-dessus, il faudra repenser la construction des effectifs. »
« Ils veulent faire disparaître le rapport de force immobile, que ce soit en mêlée ou sur ballon porté »
Ce qui est indéniable, c'est que la mêlée reste de loin le secteur le plus chronophage. Cela a toujours été le cas et le rugby, bon an mal an, a toujours su défendre ce patrimoine en dépit des modes ou des injonctions télévisuelles.
« Et il faut continuer, il faut lutter contre ce diktat que nous impose World Rugby, assure Galthié. Ils veulent faire disparaître le rapport de force immobile, que ce soit en mêlée ou sur ballon porté. Et moi, je dis que c'est une erreur. Oui, ça risque d'écarter certains profils de joueurs. Ils veulent plus de temps de ballon en jeu mais faire un maul, c'est aussi fatiguer de manière isométrique sept ou huit joueurs. Quand vous passez d'un travail de force immobile à un travail de vitesse dynamique, ça crée une surfatigue et ça crée des espaces. Et ça, ils ne le prennent pas en compte. Ça m'étonne. Il faut que nous, les Français, on trouve des alliés. Il faut qu'on existe dans ce rapport de force. Moi, j'étais présent dans ces réunions après le dernier Tournoi. Il y avait des oppositions à cette règle du carton rouge temporaire. La France, mais aussi John Jeffrey (alors vice-président de World Rugby), Greg Townsend (sélectionneur de l'Écosse). On s'est levés, on a dit non. Ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est ce qui s'est passé entre le moment où on arrête la réunion et celui après la pause-café, quand on revient et qu'ils nous disent que ça a été acté. Je voudrais qu'il y ait un vrai vote. » Il aura lieu dans huit jours.
Vos avis m'intéressent.
« Il faut lutter contre ce diktat que nous impose World Rugby » : les nouvelles règles qui inquiètent le rugby français
Une règle déjà adoptée et une autre soumise à un vote dans huit jours font craindre une attaque du Sud visant à entraver la mêlée et les ballons portés. La France fait corps face à ces réformes, Fabien Galthié en tête, mais elle manque d'alliés.Patate chaude du moment, le carton rouge de 20 minutes monopolise toute l'attention. Expérimenté l'été dernier, il le sera à nouveau pendant la tournée d'automne au grand dam du rugby français qui estime que c'est un bien mauvais signal envoyé à l'heure où la protection de la santé des joueurs devrait prédominer. Sur ce sujet, la France cherche des alliés et n'en trouve pas assez, l'Afrique du Sud s'étant par exemple déclaré favorable à cet amendement. Persuadée que Néo-Zélandais et Australiens, le regard fixé sur la courbe d'audimat, oeuvrent à un lent travail d'élagage du jeu d'avants, la France aimerait trouver des appuis sur d'autres fronts réglementaires.
Deux réformes lui picotent la gorge : l'impossibilité de reprendre mêlée après un coup franc, promulguée le 1er juillet dernier, et l'interruption des mauls dès le premier arrêt signifié par l'arbitre, proposition soumise au vote du Conseil de World Rugby le 14 novembre prochain. Au nom de toutes ses « familles » (arbitres, ligue nationale, entraîneurs de Top 14 et Pro D2), la FFR a écrit à World Rugby, détaillant ses « sérieuses réserves sur les conséquences à long terme », évoquant le « risque d'uniformisation des profils de joueurs, des stratégies sur le terrain. Cela diminuerait la richesse tactique et les particularités physiques qui font du rugby un sport unique. (...) Le rugby est incontestablement un sport basé sur la conquête et la domination physique lors des phases clés comme la mêlée ou le maul. Il est primordial de préserver cet aspect, au risque de transformer le rugby en un jeu trop prévisible, plus proche du rugby à XIII, avec un style de jeu unique. »
Le rugby français brandit aussi un argument culturel. « Partir du postulat que le public global est demandeur d'un type de jeu unique semble être un raccourci trop simpliste. Les attentes et les préférences varient considérablement en fonction des publics et des championnats à travers le monde. »
La fin des escortes
Si vous avez regardé Angleterre - Nouvelle-Zélande (22-24) samedi dernier, peut-être avez-vous trouvé que les duels aériens avaient changé. C'est normal, c'est même le but. Les arbitres internationaux ont prévenu toutes les sélections que dorénavant le travail d'écran des escortes, ces joueurs qui se repliaient vers le point de chute du ballon haut afin de protéger leur réceptionneur, ne seraient plus tolérés, même s'ils ne dévient pas leur ligne de course. Il a été demandé à ces joueurs de libérer l'espace clairement et de venir au soutien derrière leur réceptionneur. « Très bonne réforme, juge Fabien Galthié. Je trouve que c'est un progrès, que ça va éclaircir ces jeux de pression et offrir un enjeu tactique supplémentaire. »
Sans caricaturer, disons qu'Australiens et Néo-Zélandais, confrontés à des problématiques économiques sévères, cherchent des leviers de séduction et sont persuadés que cela passera par de plus en plus de « ball in flow » (il faut que le ballon circule, qu'il soit davantage visible) ou ne passera pas. « C'est clair que si on regarde la vitesse du jeu, le Top 14 est la compétition de haut niveau la plus lente, convient le sélectionneur des Bleus Fabien Galthié. Donc ils ont un coup d'avance sur nous. Mais nous, on voudrait lutter parce qu'on considère que défendre le rapport de force immobile (mêlée, maul), ce n'est pas aller à l'encontre du jeu. C'est une question d'équilibre. Les Australiens et, peut-être, les Néo-Zélandais ont un problème de popularité, de remplissage de stades que la France n'a pas. Le modèle français est indépendant, autonome économiquement. En face, ils ont besoin du rugby international. »
Et aimeraient donc le façonner à leur convenance. Historiquement et géopolitiquement, les innovations dans ce sport ont souvent suivi le même flux, du Sud vers le Nord. Là-dessus, rien de nouveau.
« Les Néo-Zélandais veulent des matches avec des séquences de haute intensité, pas forcément longues mais avec beaucoup d'accélérations, et très peu de séquences longues à partir de phases de conquête, explique Pierre-Henry Broncan, ancien entraîneur de l'Australie, aujourd'hui manager de Brive. J'espère qu'on ne va pas écouter le Sud là-dessus. Réduire de deux secondes un maul, est-ce que ça générera plus de spectacle ? Je n'en sais rien. Ce que je sais, c'est qu'un ballon porté peut mobiliser huit ou neuf défenseurs et donc libérer des espaces ailleurs. Je pense que les Néo-Zélandais n'agissent pas par rapport à la France mais par rapport aux « Sudafs » qui sont les meilleurs du monde en mêlée et sur les mauls. Et si les Sud-Africains sont venus chez nous jouer la Coupe d'Europe, ce n'est pas un hasard. C'est ce rugby qu'ils revendiquent. Les gens ont parfois tendance à rabaisser le jeu d'avants mais c'est tout aussi intéressant qu'un lancement de jeu bien léché. Faire un faux maul comme les Springboks, c'est technique, c'est dur à réaliser. »
C'est d'ailleurs cette différence de styles marquée qui a fait le charme des Toulouse - La Rochelle ces dernières saisons. « Si on enlève l'intérêt du travail d'usure des mêlées ou des mauls, ce n'est plus le même sport et c'est inquiétant, dit Romain Carmignani, entraîneur des avants du Stade Rochelais. Si le rugby à quinze devient un sport de duels et de ballons au sol, ça existe déjà, ça s'appelle le rugby à XIII. On sent déjà cette tendance. Nous, on aime appuyer en mêlée mais avec la nouvelle règle, une équipe qui se sent en danger anticipera la poussée, sera sanctionnée d'un coup franc sur lequel on ne peut plus reprendre une mêlée. Elle aura gagné. » Est-ce déjà arrivé ? « Oui bien sûr, il n'y a pas si longtemps », glisse Carmignani. « Avant de dire "jouez-là 9 !", les arbitres pourraient attendre et ne pas empêcher la double poussée en mêlée, ajoute Broncan. Et plutôt que de changer la règle, je trouve qu'on devrait d'abord arbitrer de façon plus stricte les entrées latérales dans les défenses de maul. »
lire aussi Carton rouge de 20 minutes, 30 secondes pour jouer les touches et les mêlées... De nouvelles règles mises en place au Rugby Championship
En épluchant les statistiques relevées par World Rugby, l'expérimentation du maul à un seul arrêt l'été dernier a fait décroître le nombre d'essais à partir de cette phase, pour un gain de temps d'environ deux secondes par cocotte. « Marquer sur ballon porté, c'est une double peine psychologique pour l'adversaire sur laquelle on a beaucoup capitalisé à La Rochelle, note Carmignani. C'est du pur combat collectif. Si on est entravés là-dessus, il faudra repenser la construction des effectifs. »
« Ils veulent faire disparaître le rapport de force immobile, que ce soit en mêlée ou sur ballon porté »
Ce qui est indéniable, c'est que la mêlée reste de loin le secteur le plus chronophage. Cela a toujours été le cas et le rugby, bon an mal an, a toujours su défendre ce patrimoine en dépit des modes ou des injonctions télévisuelles.
« Et il faut continuer, il faut lutter contre ce diktat que nous impose World Rugby, assure Galthié. Ils veulent faire disparaître le rapport de force immobile, que ce soit en mêlée ou sur ballon porté. Et moi, je dis que c'est une erreur. Oui, ça risque d'écarter certains profils de joueurs. Ils veulent plus de temps de ballon en jeu mais faire un maul, c'est aussi fatiguer de manière isométrique sept ou huit joueurs. Quand vous passez d'un travail de force immobile à un travail de vitesse dynamique, ça crée une surfatigue et ça crée des espaces. Et ça, ils ne le prennent pas en compte. Ça m'étonne. Il faut que nous, les Français, on trouve des alliés. Il faut qu'on existe dans ce rapport de force. Moi, j'étais présent dans ces réunions après le dernier Tournoi. Il y avait des oppositions à cette règle du carton rouge temporaire. La France, mais aussi John Jeffrey (alors vice-président de World Rugby), Greg Townsend (sélectionneur de l'Écosse). On s'est levés, on a dit non. Ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est ce qui s'est passé entre le moment où on arrête la réunion et celui après la pause-café, quand on revient et qu'ils nous disent que ça a été acté. Je voudrais qu'il y ait un vrai vote. » Il aura lieu dans huit jours.