France-Nouvelle-Zélande : "C’était un partenaire de vestiaire et d’entraînement vraiment exceptionnel", les anciens de l'USAP racontent les années catalanes de Scott Robertson
Hugo Bovéà 19:53
Scott Robertson, le 26 juin 2004, au Stade de France lors de la finale USAP-Paris.L'INDEPENDANT - HARRY JORDAN
Ce samedi soir (21 h 10), le XV de France accueille la Nouvelle-Zélande au Stade de France. Des All Blacks menés par Scott Robertson, ancien troisième ligne de l'USAP entre 2003 et 2006. Avant ce choc, ceux qui l'ont côtoyé à Perpignan se remémorent de bons souvenirs.
Il y a toujours un peu de sang et or partout dans le rugby international. Patrick Arlettaz, Laurent Sempéré, Manu Plaza, Cédric Cassou, et même Shaun Edwards, l’Anglais adopté par les Catalans, sont dans le staff du XV de France. Scott Robertson, lui, est à la tête des All Blacks. L’ancien troisième ligne de l’USAP (2003-2006) a été nommé sélectionneur de la Nouvelle-Zélande à l’issue de la Coupe du monde 2023. Ce samedi soir (21 h 10), il sera au Stade de France, pour le choc attendu entre le XV de France et les Blacks. Avant ça, son ancien entraîneur Philippe Boher et ses anciens coéquipiers Bernard Goutta, Grégory Le Corvec et Manny Edmonds racontent ce qu'était "leur"
Razor (1).
Ici le 27 février 2004, lors d'une lourde défaite à Narbonne (47-18).L'INDEPENDANT - HARRY RAY JORDAN
Le joueur
Quand Scott Robertson est arrivé à Perpignan, à 29 ans, il sortait de quatre titres de Super Rugby en cinq ans avec les Crusaders. Il avait aussi remporté le Tri-Nations en 2002 dans la peau d’un titulaire avec les All Blacks, sous la houlette de John Mitchell. Fort de ses 23 sélections avec le maillot frappé de la fougère, le troisième ligne est arrivé avec un sacré CV pour le championnat français à l’époque.
"C’était un énorme plaqueur et un gros défenseur. Il était très dur sur l’homme, se souvient Philippe Boher, qui l’a entraîné de 2004 à 2006.
Son surnom n’était pas usurpé !"
À Lansdowne Road ? Il avait été impressionnant dans l’attitude.
Il n’aura disputé que 54 matches avec l’USAP en trois ans, à cause notamment de nombreuses blessures, mais il y a une rencontre qui a marqué ses camarades. Philippe Boher et Grégory Le Corvec se rappelle du quart de finale de Coupe d’Europe à Lansdowne Road contre l’immense armada du Munster (défaite 19-10), face à qui le Néo-Zélandais avait été
"brillant".
"Il avait été impressionnant dans l’attitude. Il avait secoué (Donncha)
O’Callaghan 2-3 fois, et il nous avait montré la voie, notamment grâce à son énergie. C’est ce match-là qui m’avait marqué avec lui, confie Le Corvec, ancien troisième ligne iconique de l’USAP (2001-2012).
De par son attitude et ses plaquages, il nous avait montré l’étendue de son talent par rapport à ça. Je suis très, très content d’avoir joué avec lui. C’est un super mec, un bon joueur de rugby, très rugueux."
De son côté, Bernard Goutta se souvient du premier match du Néo-Zélandais avec l’USAP à Aimé-Giral contre Biarritz.
"Il a fait un peu le show avant le match, sourit l’ancien troisième ligne légendaire (1994-2007) puis entraîneur (2007-2012) de Perpignan.
Il a foutu deux plaquages où il a fait soulever tous les supporters d’Aimé-Giral. Puis il a dû sortir sur blessure, il s’était déchiré le mollet. C’est un peu ça l’histoire de Scott à l’USAP… En tout cas, je sais qu’il a très apprécié l’accueil catalan."
Malgré tout, il a donc participé à ce quart de finale européen de 2006, après avoir connu une finale de Top 16 en 2004 perdue contre Paris (20-38), mais aussi la demi-finale de championnat au stade de la Mosson de Montpellier contre Biarritz (défaite 9-12).
1er juin 2006, l'USAP s'incline à Montpellier contre Biarritz (9-12) en demi-finale. C'était le dernier match du "Razor" avec Perpignan.L'INDEPENDANT - PHILIPPE ROUAH
L'homme
Mais au-delà du joueur qu’était Scott Robertson, tous retiennent l’homme qu’il était. L’aura qu’il représentait dans le vestiaire.
"Il est arrivé avec l’étiquette du All Black, mais c’était un garçon humble", assure "Greg" Le Corvec.
"Au-delà du fait qu’il avait une trentaine de sélections, qu’il arrivait avec tous les codes du haut niveau international, il est venu avec plein d’idées, explique Philippe Boher.
Avec les coaches de l’époque, que ce soit Philippe Ducousso au début, puis Franck Azéma après, on s’est beaucoup appuyé sur lui. Notamment sur les aspects défensifs, parce qu’ils étaient très en avance dans le Sud. C’est un joueur qui a beaucoup amené, avec un état d’esprit remarquable. Toujours gai, toujours enjoué, toujours de bonne humeur."
Nous, les Catalans, on était obligés de se mettre à son niveau.
Bernard Goutta n’ira pas contredire ses anciens coéquipiers. Le Catalan a adoré évoluer aux côtés du Kiwi, de deux ans son cadet :
"C’était un partenaire de vestiaire et d’entraînement vraiment exceptionnel. C’était une chance de jouer avec Scott Robertson, un joueur extraordinaire. Nous, les Catalans, on était obligés de se mettre à son niveau. C’est ça qui était excitant !Et maintenant, avec un peu de recul, ce que je regrette, c’est qu’on n’ait pas pu plus utiliser ce mec qui vient du meilleur rugby au monde. Mais il a quand même donné des conseils, essayé de transmettre, notamment à Jean-Pierre Perez. Il a tout de suite vu que Jean-Pierre ferait un grand troisième ligne alors qu’il s’entraînait à peine avec nous et qu’il montait de l’équipe Espoir."
Et ce que Bernard Goutta n’oubliera jamais, c’est la montée au sommet du Canigó avec Robertson.
"Il en avait vraiment, vraiment chié à cause de ses genoux. Et je me souviens de son visage quand on est arrivé au sommet, puis le retour, il était en décomposition", se marre-t-il. Car, visiblement, le surf était plus le domaine du Néo-Zélandais. Chevelure blonde au vent, lui qui ne pouvait jamais rester inactif,
"il prenait sa voiture pour aller sur la côte Atlantique, et passer un week-end à faire du surf". Une pile électrique.
Cet automne, les Blacks de Scott Robertson se sont imposés en Angleterre et en Irlande.MAXPPP - Gareth Fuller
Le sélectionneur des Blacks
Un passionné de la vie Scott Robertson, mais surtout un fou de rugby. Le voir à la tête de la plus légendaire des nations mondiales n’étonne pas grand monde. Manny Edmonds, ouvreur de l’USAP de 2002 à 2007, et actuel entraîneur de l’ES Catalane en Fédérale 2, se rappelle de quelqu’un qui
"adorait parler rugby".
"Je sais qu’à l’époque, quand il habitait à Canet-Plage, il habitait pas loin de l’Anglais qui entraînait les Dragons (Steve Deakin, NDLR)
. Il était souvent chez lui pour parler rugby, tactique et vision de jeu. C’est quelque chose qu’il adorait faire tout le temps."
Un très bon entraîneur avec une façon de faire qui était un peu différente de tout le monde.
À l’époque, voir débarquer un international néo-zélandais en France était encore denrée rare. Et ce qu’il ressort, c’est que Scott Robertson était en avance sur son temps. Du moins, il prouvait que la Nouvelle-Zélande était déjà avancée sur d’autres aspects du rugby.
"Je me souviens qu’il avait fait marquer un essai en faisant des offloads. Pour un numéro 8, il avait toutes les capacités, la technicité et l’habileté qu’il faut à ce poste-là. Lui, il arrivait à faire des offloads, ce que nous ne faisions pas", rappelle Bernard Goutta.
En avance, à l’époque. Et visiblement toujours aujourd’hui. Car, à la tête des All Blacks depuis 1 an, "The Razor" n’est pas arrivé là par hasard. Il a remporté cinq fois consécutivement le Super Rugby avec les Crusaders (2017, 2018, 2019, 2022 et 2023), a aussi empoché deux Super Rugby Aotearoa pendant le Covid (2020 et 2021), ainsi que 8 championnats néo-zélandais avec Canterbury (2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2015 et 2016). Et un Mondial U20 avec les Baby Blacks pour la route (2015).
"Quand j’ai signé à Toulon en 2018, je suis allé passer une semaine avec lui aux Crusaders. Et j’ai vu déjà à ce moment-là que c’était un très bon entraîneur avec une façon de faire qui était un peu différente de tout le monde", assure Manny Edmonds.
Aujourd’hui, Scott Robertson s’apprête à défier pour la première fois le XV de France en tant qu’entraîneur de la Nouvelle-Zélande. Et c’est une joie pour tous ce qui l’ont côtoyé de près ou de loin à Perpignan.
(1) Scott Robertson est surnommé "The Razor" (le rasoir) en raison de sa capacité à "découper" ses adversaires au plaquage.