De Villiers : « On ne peut pas s’échapper sur la dimension physique »
Marc Duzan 23 juil 2018 - 12:18
https://www.midi-olympique.fr/article/32681-villiers-on-ne-peut-pas-sechapper-sur-dimension-physique
Son travail auprès des avants sud-africains a fait de lui l’un des coachs les plus cotés du circuit international. Après dix années passées loin de la capitale, Pieter de Villiers est de retour au Stade français pour tenter de sortir le club parisien de la torpeur.
En quelle année avez-vous quitté le Stade français ?
En 2008, soit il y a exactement dix ans. Je souffrais des cervicales, j’ai dû me retirer avant la fin de la saison. Le Mondial en France avait été en réalité ma dernière grande motivation sportive. Derrière ça, j’ai eu du mal à repartir. À 35 ans, j’avais peut-être envie d’autre chose…
Qu’avez-vous fait, après ?
J’ai passé six mois en France avant de rentrer en Afrique du Sud pour y monter un projet aux côtés de mon frère, sur la côte ouest et dans l’immobilier. Mais à peine avais-je posé le pied au Cap qu’un vieux copain m’appelait. Son club de Villager cherchait un coach pour la mêlée. De fil en aiguille, j’ai été promu entraîneur en chef. Voilà, le rugby m’a rattrapé beaucoup plus vite que je ne l’aurais cru. Au fil des mois, j’ai découvert des choses. Et j’ai voulu approfondir le sujet.
Quel sujet ?
En fin de carrière, je me suis passionné pour la biomécanique et le travail de gainage qui pouvait considérablement aider les joueurs, de la première à la troisième ligne, en mêlée fermée. En fait, le travail de la ceinture abdominale est fondamental. Le but, c’est d’avoir un placement parfait et le tenir très longtemps. Pour dominer son vis-à-vis ou, au contraire, encaisser sa charge. J’ai d’ailleurs créé un joug spécial qui permet de travailler en profondeur le gainage des joueurs. Nous l’aurons peut-être ici, bientôt…
À quel moment avez-vous croisé la route de Heyneke Meyer pour la première fois ?
En 2012, je m’occupais du petit club de Villager lorsque Heyneke m’a appelé. Il venait d’être nommé sélectionneur des Springboks et cherchait un spécialiste de la mêlée. J’ai dit oui et suis resté salarié de la Fédération sud-africaine jusqu’à ce que le Stade français me contacte, en mai dernier.
On dit que vous avez longuement hésité avant de dire oui aux dirigeants parisiens…
C’est vrai. J’avais un très bon poste en Afrique du Sud. J’épaulais Rassie Erasmus (le nouveau sélectionneur national sud-africain, N.D.L.R.) chez les Springboks. Je le trouvais très bon, il m’apprenait beaucoup de choses, notamment dans la conquête aérienne. Et j’avais très envie de participer au Mondial japonais à ses côtés. (il marque une pause) Ouais, j’avais un poste et un patron de rêve.
Dès lors, pourquoi avoir changé d’avis ?
La décision s’est jouée en dehors des terrains. Mon épouse est de Rouen, les grands-parents de mes enfants sont en France et il y avait, au moment où Heyneke m’a contacté, quelques soucis de santé de ce côté-là de ma vie. Pour ma famille, il était donc important d’être en France. Et puis, j’ai toujours rêvé de revenir à Paris. Le truc, c’est que je ne pensais pas y revenir aussi vite. C’est le destin, on va dire…
Tout est finalement allé très vite.
La Fédération sud-africaine a été compréhensive. Elle a cassé mon contrat sans faire d’histoires. Moi, je savais aussi de quoi était capable Heyneke Meyer. Il est le genre de manager capable de changer les structures d’un club en profondeur.
N’a-t-il jamais tenté de vous recruter, à l’époque où vous étiez joueur ?
Si. Peu avant que je ne débute en équipe de France (1999), j’ai disputé un match avec les Barbarians à Biarritz. Heyneke m’a appelé dans la foulée. Il voulait que je rejoigne sa province, les Bulls de Pretoria. Je l’ai presque envoyé balader. (rires)
Que lui avez-vous dit ?
Écoute, je suis bien France et tes Bulls ne m’intéressent pas ! (rires) Après ça, nous n’avons plus eu de contact pendant plusieurs années.
Et puis ?
Max (Guazzini) a voulu faire de lui le manager du Stade français (en 2008). Le jour où Heyneke est venu au club, j’ai fait le taxi. Je l’ai promené dans Paris pour visiter des maisons, des quartiers… Finalement, le transfert ne s’est pas fait. Partant de là, son coup de fil de 2012 pour me demander de le rejoindre chez les Springboks m’a semblé venir de nulle part. J’étais sur les fesses.
À ce point ?
Oui. Je traversais une période assez difficile de ma vie. Le projet monté avec mon frère n’était pas tout rose, l’immobilier se cassait la gueule en Afrique du Sud. Le club où j’entraînais (Villager) était sympa mais le salaire n’était pas suffisant pour vivre. Et là, Heyneke est arrivé comme le sauveur, le messie : « - Veux-tu être l’entraîneur de la mêlée sud-africaine, Pieter ? - Mais tout de suite, monsieur ! » (rires) Après ça, je n’ai pas eu de nouvelles de lui pendant six mois. Je me suis dit : « Il a dû trouver quelqu’un d’autre, va falloir que je cherche un autre boulot. »
Vous aviez tiré un trait sur le projet ?
Oui. Et puis un beau matin : « Bonjour Pieter, c’est Heyneke. On commence la semaine prochaine. » Tout a débuté ainsi. […] On a finalement connu quatre bonnes années avec les Springboks, on finit même à la troisième place du Mondial 2015.
L’après carrière a-t-il été difficile à vivre, pour vous ?
Au départ, non. J’étais plutôt excité de changer de vie, de revoir mon pays de naissance, ma famille, mes amis… Et puis, on se rend vite compte que la vie de sportif professionnel est plutôt douce. En fait, on te met dans le bus et le bus avance tout le temps. C’est confortable. Le jour où tu descends du bus, il faut acheter ses tickets, se démerder soi-même. La vie change et il faut s’y faire.
Marc Duzan 23 juil 2018 - 12:18
https://www.midi-olympique.fr/article/32681-villiers-on-ne-peut-pas-sechapper-sur-dimension-physique
Son travail auprès des avants sud-africains a fait de lui l’un des coachs les plus cotés du circuit international. Après dix années passées loin de la capitale, Pieter de Villiers est de retour au Stade français pour tenter de sortir le club parisien de la torpeur.
En quelle année avez-vous quitté le Stade français ?
En 2008, soit il y a exactement dix ans. Je souffrais des cervicales, j’ai dû me retirer avant la fin de la saison. Le Mondial en France avait été en réalité ma dernière grande motivation sportive. Derrière ça, j’ai eu du mal à repartir. À 35 ans, j’avais peut-être envie d’autre chose…
Qu’avez-vous fait, après ?
J’ai passé six mois en France avant de rentrer en Afrique du Sud pour y monter un projet aux côtés de mon frère, sur la côte ouest et dans l’immobilier. Mais à peine avais-je posé le pied au Cap qu’un vieux copain m’appelait. Son club de Villager cherchait un coach pour la mêlée. De fil en aiguille, j’ai été promu entraîneur en chef. Voilà, le rugby m’a rattrapé beaucoup plus vite que je ne l’aurais cru. Au fil des mois, j’ai découvert des choses. Et j’ai voulu approfondir le sujet.
Quel sujet ?
En fin de carrière, je me suis passionné pour la biomécanique et le travail de gainage qui pouvait considérablement aider les joueurs, de la première à la troisième ligne, en mêlée fermée. En fait, le travail de la ceinture abdominale est fondamental. Le but, c’est d’avoir un placement parfait et le tenir très longtemps. Pour dominer son vis-à-vis ou, au contraire, encaisser sa charge. J’ai d’ailleurs créé un joug spécial qui permet de travailler en profondeur le gainage des joueurs. Nous l’aurons peut-être ici, bientôt…
À quel moment avez-vous croisé la route de Heyneke Meyer pour la première fois ?
En 2012, je m’occupais du petit club de Villager lorsque Heyneke m’a appelé. Il venait d’être nommé sélectionneur des Springboks et cherchait un spécialiste de la mêlée. J’ai dit oui et suis resté salarié de la Fédération sud-africaine jusqu’à ce que le Stade français me contacte, en mai dernier.
On dit que vous avez longuement hésité avant de dire oui aux dirigeants parisiens…
C’est vrai. J’avais un très bon poste en Afrique du Sud. J’épaulais Rassie Erasmus (le nouveau sélectionneur national sud-africain, N.D.L.R.) chez les Springboks. Je le trouvais très bon, il m’apprenait beaucoup de choses, notamment dans la conquête aérienne. Et j’avais très envie de participer au Mondial japonais à ses côtés. (il marque une pause) Ouais, j’avais un poste et un patron de rêve.
Dès lors, pourquoi avoir changé d’avis ?
La décision s’est jouée en dehors des terrains. Mon épouse est de Rouen, les grands-parents de mes enfants sont en France et il y avait, au moment où Heyneke m’a contacté, quelques soucis de santé de ce côté-là de ma vie. Pour ma famille, il était donc important d’être en France. Et puis, j’ai toujours rêvé de revenir à Paris. Le truc, c’est que je ne pensais pas y revenir aussi vite. C’est le destin, on va dire…
Tout est finalement allé très vite.
La Fédération sud-africaine a été compréhensive. Elle a cassé mon contrat sans faire d’histoires. Moi, je savais aussi de quoi était capable Heyneke Meyer. Il est le genre de manager capable de changer les structures d’un club en profondeur.
N’a-t-il jamais tenté de vous recruter, à l’époque où vous étiez joueur ?
Si. Peu avant que je ne débute en équipe de France (1999), j’ai disputé un match avec les Barbarians à Biarritz. Heyneke m’a appelé dans la foulée. Il voulait que je rejoigne sa province, les Bulls de Pretoria. Je l’ai presque envoyé balader. (rires)
Que lui avez-vous dit ?
Écoute, je suis bien France et tes Bulls ne m’intéressent pas ! (rires) Après ça, nous n’avons plus eu de contact pendant plusieurs années.
Et puis ?
Max (Guazzini) a voulu faire de lui le manager du Stade français (en 2008). Le jour où Heyneke est venu au club, j’ai fait le taxi. Je l’ai promené dans Paris pour visiter des maisons, des quartiers… Finalement, le transfert ne s’est pas fait. Partant de là, son coup de fil de 2012 pour me demander de le rejoindre chez les Springboks m’a semblé venir de nulle part. J’étais sur les fesses.
À ce point ?
Oui. Je traversais une période assez difficile de ma vie. Le projet monté avec mon frère n’était pas tout rose, l’immobilier se cassait la gueule en Afrique du Sud. Le club où j’entraînais (Villager) était sympa mais le salaire n’était pas suffisant pour vivre. Et là, Heyneke est arrivé comme le sauveur, le messie : « - Veux-tu être l’entraîneur de la mêlée sud-africaine, Pieter ? - Mais tout de suite, monsieur ! » (rires) Après ça, je n’ai pas eu de nouvelles de lui pendant six mois. Je me suis dit : « Il a dû trouver quelqu’un d’autre, va falloir que je cherche un autre boulot. »
Vous aviez tiré un trait sur le projet ?
Oui. Et puis un beau matin : « Bonjour Pieter, c’est Heyneke. On commence la semaine prochaine. » Tout a débuté ainsi. […] On a finalement connu quatre bonnes années avec les Springboks, on finit même à la troisième place du Mondial 2015.
L’après carrière a-t-il été difficile à vivre, pour vous ?
Au départ, non. J’étais plutôt excité de changer de vie, de revoir mon pays de naissance, ma famille, mes amis… Et puis, on se rend vite compte que la vie de sportif professionnel est plutôt douce. En fait, on te met dans le bus et le bus avance tout le temps. C’est confortable. Le jour où tu descends du bus, il faut acheter ses tickets, se démerder soi-même. La vie change et il faut s’y faire.