Mon anecdote est moins drôle que celle d'Eusebio. Nous sommes en 1991. Cette année là je faisais un an d'étude en Angleterre. Dans ma classe il y avait trois bretons qui étaient là pour leur deuxième année. Ils étaient du genre à rester entre eux et peu causants, mais avec moi un peu plus parce que j'étais catalan. je me souviens du premier jour de classe. Je vais les saluer et leur dit : "ça fait plaisir de retrouver des français". "On n'est pas français, on est bretons". "Personne n'est parfait, moi je suis catalan".
Lors d'une soirée étudiante, je tombe sur eux et comme ils savaient que je jouais au rugby l'un d'eux me dit : "tiens, je vais te présenter un rugbyman qui vient du sud comme toi. Il était avec nous l'an dernier. " Je le suis jusqu'à un jeune assez gaillard qui me salue et me demande d'où je suis. Quand t'es loin de chez toi, tu hésites toujours à donner le nom de ton village, alors je lui réponds "Perpignan". Et là le visage du gars se ferme, il me tourne le dos et s'en va! Sympa. J'étais passé à autre chose (ce qui inclus le sifflage de quelques pintes) quand le breton revient vers moi visiblement ennuyé. Il m'apprend que son copain veut me casser la gueule parce que je suis perpignanais et qu'il m'attend à l'extérieur. Je lui répond alors que si ça peut calmer l'autre, qu'il lui fasse savoir qu'en fait je ne suis pas vraiment perpignanais, je suis de St Estève, un village voisin qu'il connait probablement pas. Le breton repart. J'attends. Puis je vois le gars débouler vers moi, ouvrir les bras, et se jeter dans les miens en pleurant à chaudes larmes! J'ai failli lâché ma bière, mais dans un réflexe de survie j'ai réussi à la sauver. Et là, dans des sanglots saccadés, il me dit "le St Estève XIII, c'est des bons, c'est l'ennemi du XIII catalan", ce à quoi j'acquiesce avec ferveur, "le XIII catalans, c'est tous des salauds" (oui, mon gars, t'as raison, tous des salauds), "Ils ont tué mon cousin ces salauds, sur le terrain (là, il m'a pris de court) , "ils l'ont tué.....il est tombé..... il s'est pas relevé....mon cousin". Et il pleure de plus belle. Bon, il avait bu au moins autant que moi et j'avais absolument aucune idée de quoi il me parlait. Mais bien content ce jour là d'être de Saint-Estève! Et on a fini la soirée ensemble sur un ton plus léger et arrosé de quelques pintes de plus.
Avec la magie d'internet, plus de 25 ans après, le souvenir ne m'ayant jamais vraiment quitté, j'ai trouvé un article qui m'a éclairé sur cette drôle d'histoire. Ce soir là, dans cette ancienne ville minière du nord de l'Angleterre et loin de chez moi, j'avais fait la connaissance du cousin de Jean-François Daré,
mort sur un terrain de rugby à Carcassonne, 4 ans plus tôt, le 4 janvier 1987