Protège-dents connectés : une avancée cruciale pour la santé des joueurs malgré les débats
Depuis leur introduction par World Rugby, les protège-dents connectés suscitent des débats passionnés parmi les joueurs et les experts. Ce dispositif, conçu pour détecter en temps réel les impacts à la tête, promet de révolutionner la prise en charge des commotions cérébrales. Pourtant, il divise sur son efficacité, son confort et son impact sur le jeu. Retour sur cette innovation qui pourrait bien changer durablement la santé des rugbymen.
Des débuts controversés sur le terrain
Depuis le 1er janvier 2024, les protège-dents connectés (ou PDi) sont déployés dans les compétitions professionnelles, y compris le Top 14 en France. Ces dispositifs, équipés de capteurs, mesurent les accélérations subies par la tête et déclenchent des alertes en cas de dépassement de seuils critiques. Mais ces innovations ont rapidement montré leurs limites.
Lors d’un match en octobre, Paul Costes, jeune centre du Stade Toulousain, a été contraint de quitter le terrain après une alerte envoyée par son protège-dents. Bien qu’il ait été autorisé à revenir après évaluation, il a critiqué le système :
« Apparemment, le médecin a détecté une zone rouge. Mais c’est ridicule : j’avais eu un impact similaire en jouant au foot une semaine avant », a-t-il ironisé.
Ce cas n’est pas isolé. Scott Barrett, capitaine des Crusaders, a qualifié l’obligation de « démesurée » après que des coéquipiers ont été sortis sur des alertes finalement injustifiées. Ces incidents ont conduit World Rugby à réévaluer le protocole, permettant désormais aux médecins de vérifier sur le terrain la nécessité d’un test de commotion.
Des chiffres prometteurs pour la santé des joueurs
Malgré ces polémiques, les données récoltées grâce aux PDi soulignent leur potentiel. Lors de la conférence médicale de World Rugby en octobre à Lisbonne, les experts ont présenté des statistiques encourageantes. En neuf mois d’utilisation, les protège-dents connectés ont enregistré 156 000 accélérations significatives, dont 116 alertes médicales, soit une toutes les 1 351 accélérations.
Selon Ross Tucker, chercheur associé à World Rugby :
« Un match de rugby génère en moyenne 1 000 accélérations de la tête. Ces mesures nous permettent d’identifier les risques et de protéger les joueurs à long terme. »
En France, le LOU Rugby a été pionnier dans l’utilisation de ces dispositifs. Selon le Dr Romain Loursac, médecin du club, les données enregistrées offrent des perspectives inédites :
« On peut monitorer les impacts répétés pour comprendre leur effet sur le cerveau. Même si le confort des protège-dents connectés est perfectible, leur utilité est indéniable. À ceux qui hésitent, je dis : mieux vaut perdre une dent qu’un cerveau. »
Des défis à relever pour convaincre les joueurs
Malgré leur utilité, les protège-dents connectés ne font pas l’unanimité chez les joueurs, notamment en raison de leur inconfort. Thomas Ramos, lors du dernier Tournoi des Six Nations, avait exprimé son agacement :
« Certains ne jouent même pas avec un protège-dents classique. Ceux connectés sont encombrants, et ce n’est pas idéal quand on a un match à gérer. »
Ce manque d’adaptation aux habitudes des joueurs est également souligné par le Dr Loursac, qui reconnaît que les PDi actuels sont moins performants que des modèles sur-mesure fabriqués par les dentistes. Toutefois, il insiste sur l’importance de sensibiliser les joueurs :
« Nous avons constaté qu’une mauvaise position de la tête lors d’un plaquage augmente de 40 % l’impact sur le cerveau. Ces outils nous permettent de développer une vraie pédagogie sur la technique et les risques. »
Une vision à long terme pour le rugby
Au-delà de la détection des commotions en match, les experts estiment que les PDi pourraient transformer l’approche médicale du rugby. À moyen terme, ils permettront d’ajuster les charges d’entraînement et de réduire les risques de blessures. À plus long terme, ces dispositifs offriront une compréhension approfondie de l’impact des chocs répétés sur le cerveau.
Selon le Dr Sylvain Blanchard du Racing 92 :
« Nous pourrons évaluer la fatigue neurologique due aux impacts accumulés au fil des années, rendant le cerveau plus vulnérable à d’autres blessures ou baisses de performance. »
Une réglementation encore floue
Malgré l’encouragement de World Rugby, le port des PDi n’est pas encore obligatoire. Cependant, les joueurs qui choisissent de ne pas les porter ne bénéficient pas du protocole commotion dans son intégralité. En cas de suspicion de commotion, ces joueurs sont exclus définitivement du match et ne peuvent être évalués qu’après la rencontre.
Une révolution en marche, mais des ajustements nécessaires
Si les protège-dents connectés marquent une avancée significative pour la santé des joueurs, leur adoption généralisée dépendra de plusieurs facteurs : améliorer leur confort, renforcer leur fiabilité et sensibiliser les acteurs du rugby à leur utilité.
Pour World Rugby, le défi est désormais de prouver que ces outils, au-delà des polémiques, peuvent protéger non seulement les joueurs d’aujourd’hui, mais aussi les générations futures.
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