La touche n’est pas le point fort de l’USAP cette saison. Sur ses propres lancers, l’alignement catalan n’est pas suffisamment efficace, surtout dans les zones sensibles. Deux anciens de la maison sang et or, le sauteur Olivier Olibeau et le talonneur Guilhem Guirado, apportent leur éclairage sur un secteur d’une grande complexité.
Les trois dernières victoires de l’USAP en Top 14 ont redonné le sourire au club historique de Perpignan… et éclipsé tout le reste. Parce que l’essentiel, dans ce championnat un peu fou, reste de gagner, bien évidemment. Les supporters catalans ont trop souffert, en début de championnat, pour faire la fine bouche. Cinq victoires en douze rencontres, le bilan est positif. Pourtant, certains secteurs du jeu restent problématiques.
La touche, base de lancement essentielle dans le rugby moderne, est loin de donner entièrement satisfaction au staff perpignanais. Au-delà des chiffres (69% de ballons gagnés sur leurs lancers, soit un tiers de perdus), ce sont surtout les frayeurs occasionnées par les ballons perdus, qui interrogent. Car trop souvent, l’alignement catalan faillit dans les zones de marque, que ce soit en situation favorable, proche de la ligne d’essai adverse, ou en position défensive, dans ses vingt-deux mètres. Les lancers et prises mal assurées ou carrément ratées, font frissonner l’échine des supporters de l’USAP, et aussi celle de Franck Azéma ou Guillaume Vilaceca. En début de saison, on convenait que les changements, avec les nouveaux venus au talonnage (Ruiz) ou au saut (Orie, Sobela, Van Tonder), pouvaient expliquer ces approximations. Mais la saison avançant, on se rend compte que le mal persiste.
La recette miracle n’existe pas
La touche est devenue une zone de jeu complexe où tout doit fonctionner parfaitement : l’annonce, l’exécution de la remise en touche, le timing avec le sauteur sur la zone visée, le soutien, la réalisation parfaite de tous les gestes : lancer, lifting, saut, prise du ballon, positionnement à la retombée. « La touche, ce n’est pas simple, assure Olivier Olibeau, ancien deuxième ligne de l’USAP (1997-2002 puis 2007-12), champion de France en 2009. C’est tout, sauf une science exacte. En fait, tout dépend de tes joueurs, de leur profil, leur vivacité. S’ils sont réactifs, ou pas. Ton alignement dépend de qui joue. Parfois, les entraîneurs ne peuvent pas compter sur l’alignement qu’ils souhaiteraient présenter… Et puis, il y a l’adversaire, qui est là pour te compliquer la tâche… »
L’expert poursuit : « Tout le monde doit avoir la même compréhension des annonces, c’est la première des choses. Et peu importe qui joue. Chacun doit comprendre. Parce que dès qu’une incompréhension se fait jour, le lancer est mal effectué, le ballon arrive sur la mauvaise zone, un joueur prend du retard dans le geste qu’il doit accomplir… » Contre Oyonnax, à Aimé-Giral, Olibeau a regretté le manque de variété dans les lancers. « Oyonnax a densifié le milieu de l’alignement, là où l’USAP, généralement, va chercher ses ballons. C’est à mon sens davantage un problème d’annonce que de synchronisation. Les annonces, il vaut mieux qu’elles soient faites lorsque les alignements sont en place. Tu peux ainsi réagir et adapter tes lancers au placement adverse. »
Adapter l’alignement
Guilhem Guirado, talonneur de l’USAP entre 2006 et 2014, estime, lui, que le choix d’aligner de gros porteurs de ballon (Tuilagi, Oviedo, Tanguy, Fa’aso’o) capables d’aller gagner la ligne d’avantage, mais moins sauteurs, influe sur le rendement en touche. Parce que l’adversaire s’adapte aux profils. Aucun adversaire ne surveillera Posolo Tuilagi puisqu’ils savent qu’il ne sautera pas. À l’USAP d’adapter sa touche à ses choix d’équipe, à ses options de jeu. « Par exemple, en réduisant le nombre de joueurs en touche, explique-t-il. Tu offres moins de possibilités au contre adverse. Si tu décides de sauter avec cinq joueurs, tu optimises tes chances de récupérer le ballon. Mais si tu décides d’un ballon porté, il vaut mieux l’exécuter avec six ou huit joueurs dans l’alignement. Et en te rapprochant de la ligne adverse, tu as la tentation de densifier ton bloc saut pour aller défier la défense, la resserrer, la pousser à la faute. Tu es plus prévisible. Il faut créer du mouvement au sein de l’alignement, et surtout éviter au talonneur de se mettre « le bouillon dans la tête ». Un lancer mal assuré et c’est la gamberge. Au lancer suivant, tu veux faire mieux, et tu casses ton geste… C’est ce qui m’est arrivé au début de ma carrière. Gonzalo Quesada, en équipe de France (il était en charge du jeu au pied entre 2008 et 2011), m’a beaucoup aidé. Il demandait aux buteurs d’avoir un geste fluide, quoiqu’il se passe sur le terrain. De rester le plus naturel possible. J’ai transposé ses conseils pour fluidifier mes lancers. »
La recette miracle n’existe pas. Seul le travail répétitif à l’entraînement peut aider à trouver une meilleure cohésion. « Les combinaisons en touche sont infinies, assure Guirado. Et avec la vidéo, aujourd’hui, chacun sait ce que l’adversaire va faire. Un talonneur, lorsqu’il se dirige vers la touche, a dans la tête un plan A, et un plan B. Il sait où il lancera son ballon, avant de se positionner. C’est pour cette raison que j’ai toujours aimé cet exercice, parce qu’il était compliqué, d’une grande complexité… »
(1) Sur ses propres lancers, l’USAP a beaucoup tergiversé ces derniers matchs : 65% contre Bayonne, 71% à Castres, 75% face à Oyonnax, ou 67% aux Ospreys. Insuffisant.
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